Forte émotion, enthousiasme, désir, amour, sentiment d’excitation, affinité positive… Chacun des synonymes du sentiment de la passion conviennent pour décrire ce que Jean-Marie ressent pour les oiseaux. Eduqué à moins de cinq ans à reconnaitre ces animaux, il peut aujourd’hui passer plus de cinq heures, caché dans un affût, afin d’avoir la chance d’apercevoir l’oiseau qu’il attend. Depuis une dizaine d’années, il photographie avec talent les espèces de nos régions.
"Baigné dans les oiseaux"
Ancien ingénieur en construction puis enseignant pendant plus de trente ans, Jean-Marie est aujourd’hui retraité et peut consacrer tout son temps à sa passion. Dès sa plus jeune enfance, ce Liégeois a été "baigné dans les oiseaux." Il savait à peine parler à l’époque où son grand-père a fait germer en lui son amour pour les volatiles et la nature. "Mon grand-père pratiquait la tenderie (NDLR: une pratique qui consiste à capturer des oiseaux à l’aide de pièges)
. Déjà à trois ou quatre ans, je partais avec lui. Il aimait me montrer les différentes espèces et m’expliquer ce qu’il savait. C’est lui qui m’a appris à reconnaitre le chant des pinsons, des chardons ou encore des alouettes."
Depuis 1972, un arrêté royal a mis fin à la tenderie. Même si c’est en accompagnant son grand-père que Jean-Marie a développé son goût pour la nature, il est aujourd’hui bien loin de s’intéresser aux oiseaux dans le but de les attraper. Conscient que "c’était une autre époque", Jean-Marie ne renie pas ce qu’a fait son aïeul.
"Je préfère ce que je fais-moi, mais il faut se remettre dans le contexte, c’était les années cinquante. Autre temps, autre mœurs !"
Martin pêcheur : "Ayant été pêcheur pendant ma jeunesse, c’est un oiseau que je voyais régulièrement lors de ces moments avec mon grand-père. Il est resté un de mes préférés."
Pas question de déranger les oiseaux
Aujourd’hui, le photographe a un critère essentiel lors de ses sorties: aucune photo ne doit déranger l’animal. "Pas question de faire des photos d’oiseaux au nid, sauf si il est vraiment à portée. Beaucoup trop de nichées sont détériorées à cause de photographes ou promeneurs."
Pluvier guignard : "Ce limicole fait une halte migratoire chez nous quelques jours par an, fin août. Il tolère l’homme à quelques mètres… Pour cette photo, j’étais couché dans le champ et les oiseaux sont venus à tout près de moi, parfois beaucoup trop près pour faire une photo. C’est un réel plaisir de se trouver au milieu de ces oiseaux sauvages."
L’an passé, Jean-Marie a appuyé plus de 30.000 fois sur le déclencheur de son appareil photo face à un volatile. "Je fais parfois une centaine ou un millier d’images pour n’en retirer que quelques-unes valables."
Simple et modeste, Jean-Marie, n’est pas du genre à se vanter. Même si il a beaucoup de talent, il ne réalise pas ses photographies dans l’attente d’une reconnaissance ou d’une rentrée financière quelconque. Certains payeraient pourtant sûrement pour acheter ses œuvres. Seul l’amour qui l’anime pour la nature et les oiseaux le fait sortir de chez lui, appareil photo sous le bras, parfois dans des conditions climatiques extrêmes.
Si le temps ne permet pas de sortir, il photographie les gouttes d'eau
En moyenne, Jean-Marie sort 200 fois par an pour observer les oiseaux. Retraité depuis un an, il peut désormais partir sur le terrain encore plus fréquemment.
"J’essaye d’y aller le plus possible, une sortie peut durer une heure ou une journée entière, mais cela dépend vraiment des conditions climatiques."
Quand il ne fait pas beau ou qu’il ne peut pas sortir, Jean-Marie continue d’ailleurs de faire évoluer sa passion pour la photo, en photographiant non pas des oiseaux… mais des gouttes d’eau, de façon très artistique ! "J’ai toujours été très intéressé par les gouttes d’eau ! Je pourrais faire plus de photos mais pour le moment je privilégie les oiseaux."
Dès que la météo s’y prête, Jean-Marie saute sur l’occasion. Pour savoir où se cachent les animaux, il s’y prend de plusieurs manières. "
Certaines fois, je repère des oiseaux en me promenant et selon l’espèce, je sais s'il est urgent que je revienne ou pas. Si je repère un martin-pêcheur par exemple, je sais que cette espèce est fidèle à son perchoir et qu’il reviendra tous les jours. Je dois aussi examiner les possibilités en fonction de la lumière pour mes photos."
"On voit avec les oreilles"
"Une haie remplie de baies, une flaque d’eau, un Mélèze…" Jean-Marie sait aussi à quel endroit stratégique il doit se cacher en fonction de l’oiseau qu’il attend. La patience est un maître mot. "On voit avec les oreilles"
, précise Jean-Marie.
"Je me cache derrière des arbres, assis par terre, et quand je peux, je reste dans ma voiture, ce qui est quand même plus confortable !" Jean-Marie a déjà attendu jusqu’à six heures, patiemment, attendant qu’un animal vienne à lui. Il possède aussi une petite tente, qu’il déploie parfois pour se mettre à l’abri.
2.000 grues cendrées!
C’est après avoir observé des grues cendrées au-dessus de la province de Liège que Jean-Marie a contacté la rédaction de RTLinfo.be via la page
Alertez-nous
de notre site web. "
Les grues redescendent vers la France et s'il ne fait pas assez chaud, elle iront en Espagne ou même en Afrique."
Selon lui, les apercevoir en Belgique est un phénomène plutôt rare. "On ne les voit qu’en période migratoire. Elles passent par chez nous pour aller d’un point à l’autre. En janvier ou en février, elles réapparaîtront pour aller se nicher en Allemagne et vers la Scandinavie."
Jean-Marie a pu observer plus de 2.000 grues cendrées. Grâce à sa patience et peut-être un peu de chance, elles se sont posées à terre et il a pu les photographier.
Grues cendrées
Des copains du monde entier
Au fil des années, Jean-Marie a développé un réseau de connaissances de passionnés comme lui. Via des sites de partage d’informations, il a pu faire la rencontre de certains camarades de balade, devenus au fil du temps des amis. "Je suis sur des listes d’échange de photos de nature. Cela permet de poster un certain nombre d’images mais aussi de se faire des copains virtuels espagnols, canadiens, mais aussi de vrais copains du coin."
"Les doigts et les pieds risquent de geler"
Avec ses copains amateurs d’ornithologie, il fait régulièrement de petits voyages, à la côte belge ou toute autre région propice à l’observation des oiseaux. "
Un jour, je suis allé tenter de photographier un oiseau rare avec des copains. Il faisait -17 degrés. Dans ces cas-là, les doigts et les pieds risquent de geler, on ne reste pas aussi longtemps dehors !"
Harfang des neiges : "C’est un oiseau mythique pour beaucoup d’ornithologues de nos régions car son aire de distribution couvre toutes les terres qui entourent le cercle polaire arctique, du Kamtchatka à la Norvège ou plus loin vers le Canada… Le voir en Belgique est donc extrêmement rare, et l’approcher à une dizaine de mètres encore plus."
Il a aussi pu côtoyer des amoureux de la nature il y a une dizaine d’années, lors d’une formation qu’il a suivie pendant deux ans. "J’ai appris à reconnaître tous les oiseaux que je n’avais pas l’habitude de voir comme certains oiseaux d’eau ou rapaces. Je suis aujourd’hui capable de reconnaître toute la faune belge même si bien sûr, certaines nuances, comme celles entre mouettes et goélands, ne sont pas toujours évidentes."
Sa "bible" toujours à portée de main sur son smartphone
Jean-Marie sait beaucoup de choses, mais il est toujours équipé de son "Guide d'Ornitho"
. "C’est la bible en matière de reconnaissance d’oiseaux. Elle m’accompagne partout en version électronique. Quand on est sur le terrain, c’est bien plus facile d’avoir une version sur son smartphone !"
"M'envoler pour des contrées exotiques, non merci!"
Les voyages du couple sont toujours une belle occasion de découvrir d’autres espèces que celles de la région de Liège où ils habitent. "Nous allons régulièrement faire des balades en Zélande pour observer les oiseaux qui redescendent du nord. On va aussi au lac du Der en France pour voir les grues."
Guêpier d’Europe: "Ce sont les oiseaux les plus colorés que je puisse voir sans devoir partir dans des pays lointains…"
Le sexagénaire n’est pas intéressé par les espèces exotiques des contrées lointaines. "Je préfère de loin observer les oiseaux de chez nous et je voyage pour observer les espèces qu’on a l’occasion de voir en Belgique ou dans les pays limitrophes. M’envoler pour l’Amérique, le Canada ou le Costa Rica, ça ne m’intéresse pas, je refuse de toute façon de prendre l’avion pour des régions écologiques."
Va-t-il transmettre sa passion?
L’amateur d’ornithologie est aussi père de famille. Malheureusement, aucune de ses trois filles ne partage véritablement sa passion. Parfois, il arrive que la plus jeune, âgée de 21 ans, accompagne ses parents en balade. "Mes filles ne sont pas plus intéressées que ça par les oiseaux. Malgré tout, la dernière peut apprécier et reconnaître certaines espèces. Mais elle le fait vraiment à dose homéopathique !" Lors de leurs voyages, il faut donc faire en sorte que leur dernière fille ne parte pas complètement à reculons. "
Même si il y a toujours les oiseaux derrière, il y a aussi un côté plages-piscine et visites de la région !"
Ces filles ne seront sans doute jamais passionnées comme lui, mais Jean-Marie n’en fait pas du tout une maladie. Loin d’être frustré de ce désintérêt, un petit espoir l’anime malgré tout. Dans un coin de sa tête, il garde la perspective que peut-être, un jour, comme son grand-père l’a fait avant lui, il pourra transmettre sa passion à l’un de ses petits-enfants.