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La maladie de Verneuil pourrit la vie de Gregory, 20 ans, et celle de milliers de gens: il raconte une douleur "insoutenable"

Une infection dermatologique peu connue, mais qui cause des désagréments extrêmement douloureux à ceux qui en souffrent. La maladie de Verneuil touche près de 110.000 personnes en Belgique. Gregory, un jeune homme de Haren, ne peut plus sortir de chez lui. Il nous a raconté la rapide progression de la maladie, les crises, qui lui font souffrir le martyre, et comment il parvient à vivre avec la douleur. Clotilde Harvent, 50 ans, est aussi touchée. Elle a fondé une ASBL pour lutter pour la reconnaissance de la maladie.

La Maladie de Verneuil, appelée également Hidradénite Suppurée, est une affection dermatologique chronique qui touche 1% de la population. Elle entraine l'apparition d’abcès, de nodules récidivants et inflammatoires. Elle se manifeste par des lésions douloureuses sous les aisselles, au niveau de l'aine, entre les fesses et sous les seins. Les répercussions sont multiples : physiques (douleurs, cicatrices, fatigue chronique) mais aussi morales (isolement, dépression, honte), familiales (problèmes de couple, sexuels, incompréhension) et économiques (pansements très chers et non remboursés, perte d'emploi).

Le combat de Clotilde

Depuis 2012, l'ASBL La Maladie de Verneuil en Belgique informe le public, les professionnels de la santé et effectue un travail politique pour la reconnaissance de la maladie de Verneuil comme une maladie à part entière. Sa fondatrice et présidente, Madame Clotilde Harvent, nous a contacté et raconté le "parcours du combattant" des malades et leur "douleur très profonde". Un combat de tous les jours qu'elle connait bien pour le vivre elle-même depuis l'âge de 13 ans.


"J’ai pensé que j’étais toute seule à avoir cette pathologie"

"Cela fait 37 ans que j’en souffre, confie-t-elle. Pendant longtemps j’ai pensé que j’étais toute seule à avoir cette pathologie. J’ai été diagnostiquée il y a 5 ans. Suite à ça, j’ai subi de graves opérations qui m’ont plongée dans une dépression. Je ne sortais plus de chez moi, je ne voyais plus tellement mon utilité ici sur Terre. Tout à coup est venue l’étincelle de fonder cette association. Ce travail me sauve la vie parce qu’il me donne un but et, au moins, je fais quelque chose pour les autres."


L’ouverture de centres spécialisés en ligne de mire

L’objectif principal de l’ASBL est d’informer les médecins généralistes et les spécialistes. "Dermatologues, chirurgiens, gastro-entérologue, rhumatologues infirmiers, service sociaux savent rarement que la maladie de Verneuil existe", explique Clotilde Harvent. "Notre but c’est qu’il y ait un ou plusieurs centres de référence en Belgique pour la maladie de Verneuil, au même titre qu’il en existe pour le psoriasis et d’autres pathologies."


Des malades en retrait de la société

La présidente de l’association souligne l’invisibilité des malades de Verneuil, la douleur engendrant une grande fatigue et de nombreux désagréments qui les empêchent de sortir : "Le malade n’arrive pas à expliquer pourquoi il est fatigué, pourquoi il n’a pas envie de sortir. Il a peur de tâcher ses vêtements, il a peur que le pansement tombe. Il y a un tas de stress permanent dans chacune des sorties. C’est pour ça qu’il y a un si grand nombre de jeunes gens qui ne sortent plus du tout." De plus, en fonction du stade atteint par la maladie, les malades peuvent être amenés à perdre leur emploi : "Comme les absences sont répétées, puisque la maladie évolue par crise, on est plus vraiment efficace ni rentable, donc il y a souvent le C4 au bout." Et pour certains, la douleur est telle qu’ils n’ont jamais été en capacité de travailler, ni de poursuivre des études. C’est le cas de Gregory, 20 ans, qui vit au côté de sa grand-mère, Françoise, dans un appartement de Haren.

Le calvaire de Gregory

La figure de Gregory était connue dans son quartier, nous a raconté sa grand-mère. On voyait souvent ce grand jeune homme promenant son Saint Bernard dans les rues de Haren. "Tout à coup, on ne l’a plus vu", raconte sa grand-mère. A l’âge de 15 ans, les premiers symptômes de la maladie se sont manifestés — des boutons qui ne l’ont pas inquiété à outre mesure. Deux ans plus tard, il a décidé de consulter un médecin généraliste qui ne connaissait pas la maladie de Verneuil et lui a recommandé une pommade, inefficace. Le médecin a orienté le jeune homme vers un dermatologue. A 19 ans, le diagnostic tombe : Verneuil.

La maladie a eu un développement très rapide. Gregory a "abandonné l’idée de faire des études à cause de la douleur insupportable." Il est actuellement au stade 3 de celle-ci, le plus grave. Le jeune homme ne sort presque plus de chez lui "à cause de la douleur, du regard des gens, des réflexions." Les périodes de crises sont fréquentes — quatre ce dernier mois — et les répercussions dans sa vie quotidiennes, terribles : "Je ne peux pas m’asseoir, je ne peux pas aller à la toilette, c’est impossible de se doucher, dans le lit c’est insoutenable. Ces simples choses deviennent un cauchemar. Les frottements sont insoutenables, quand on est appuyé... c’est pas possible."

Actuellement, Gregory a quatre nodules dans le cou avec des fistules qui sont attachées aux muscles, a expliqué sa grand-mère. Une infirmière vient lui prodiguer des soins régulièrement et, face à ces douleurs insupportables, le jeune homme a accepté de prendre de la morphine pour le soulager – chose qu’il s’était refusée à faire jusqu’à maintenant.


Une passion de l’informatique qui l’aide beaucoup

Gregory passe beaucoup de temps sur l’ordinateur, une lucarne ouverte sur le monde extérieur. Il a développé des compétences qui lui permettent de réparer à distance les ordinateurs de voisins, de connaissances. "Il a un chouette copain à Tournai avec qui il chatte par webcam", ajoute sa grand-mère. Une amitié d’autant plus précieuse que ses amis se font très rares. "Ça détruit beaucoup l’entourage", déplore Gregory.


Un rêve de piscine

La maladie, le jeune homme essaye donc de "vivre avec", dit-il. Mais sa grand-mère, bouleversée, nous confie qu’"Il a déjà pensé en finir" et "n’a plus l’espoir de vivre..." Son seul désir, "le grand rêve de Gregory", est de pouvoir se baigner dans une piscine, "pas avec tout le monde, parce que son corps est abimé."


L’espoir d’une meilleure prise en charge des patients 

La dermatologue Farida Benhadou reconnait que si cette maladie n’est pas directement mortelle, elle peut en effet causer des états dépressifs très importants. Mais la spécialiste nous a fait part de ses espoirs pour une meilleure prise en charge des patients confrontés à cette maladie, celle-ci faisant l’objet d’un intérêt croissant des professionnels de la santé. "La littérature (publications scientifiques, ndlr) explose depuis deux ou trois ans, souligne-t-elle, Il y a plusieurs pays européens où il y a pas mal de choses qui se font. Notamment en France, avec des protocoles d’essais cliniques pour mieux comprendre la mécanistique de la maladie." Une évolution somme toute logique, puisque avec une prévalence de 1%, la maladie de Verneuil n’est pas — comme on a pu la présenter par le passé — une maladie rare.

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