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La "vie formidable" de Laurence et Eric, éleveurs d'ALPAGAS à Ciergnon: "On pourrait rester des heures à les regarder"

Ce couple de quarantenaire ne compte pas ses heures auprès d'animaux qu'ils ont appris à connaître au fil du temps. Ils sont très fiers de leur élevage, les Alpagas du Maquis, qui a progressivement acquis une belle renommée. Rencontre avec Eric, Laurence, et leur trentaine d'alpagas…

La naissance des Alpagas du Maquis est en réalité complètement due au hasard. En 2011, lorsqu'Eric et Laurence deviennent propriétaires de leur maison à Ciergnon, en province de Namur, ils recherchent des animaux pour entretenir le terrain, et qui soient gentils avec leurs enfants, Morgane et Léa. Ils commencent par élever des chèvres mais l'expérience n'est pas vraiment concluante. "C'est assez difficile à garder. Une fois que le terrain est propre, ça abime beaucoup", explique Eric. Alors, le couple se tourne vers les alpagas, et là, "c'est un grand coup de cœur".

Rapidement, ils sont confrontés à certaines difficultés. "On s'est rendus compte qu'il nous manquait plein de choses : au moment de la tonte, pas de tondeur. Il a fallu faire beaucoup de recherches pour trouver un professionnel pour tondre les alpagas, mais aussi pour transformer la fameuse toison dont on nous avait vanté les mérites. Il n'y avait rien en Belgique", déplore Eric.

Alors, il a tout appris... Il propose d'ailleurs désormais ce service, tout comme l'alimentation spécifique pour les camélidés et la filature. "On voulait tous les deux changer de vie depuis un long moment. On a vite compris qu'il y avait moyen de mettre quelque chose en place, ajoute-t-il. Il n'y avait rien en Wallonie et on avait envie de proposer tout ce qui nous a manqué au départ".

Les premiers alpagas sont arrivés à Ciergnon en 2011, en 2013, l'éleveur apprenait la tonte et se lançait dans les concours et un an plus tard, la filature était en activité.





Un quotidien hors du commun

Aujourd'hui, les journées d'Éric et de Laurence se suivent et ne se ressemblent pas. Cela dépend essentiellement des saisons. "Quand on est en période de tonte, la filature ne tourne pratiquement pas car on est surtout sur la route, explique l'éleveuse de 40 ans. Et quand on n'y est pas, on est dans nos prairies: il faut les entretenir et s'occuper des animaux."

L'hiver, il y a beaucoup de travail à la filature. Actuellement, la saison des concours vient de s'achever et celle de la tonte commence durant le mois de mai. Après, puisque leurs 15 femelles reproductrices sont enceintes, il y aura les naissances d'ici trois mois.

Et comme la gestation d'un alpaga dure onze mois et demi, les nouvelles saillies suivront directement les naissances. 

Au final, les femelles alpaga sont enceintes quasiment en continu... Et "elles aiment ça", nous dit Laurence, qui nous apprend que lorsqu'elles n'attendent pas de bébé, elles dépriment même un peu.

Le métier de ce couple d'éleveurs de Ciergnon n'est pas de tout repos: à certaines périodes, les journées commencent tôt et s'achèvent tard. "On n'a pas vraiment d'horaire, explique Laurence. Le truc, c'est qu'on travaille 7 jours sur 7". Mais ils sont d'accord sur point: "C'est une passion!", lancent-ils en chœur.


Constituer un élevage de beaux alpagas

Pour bien cerner leur métier (ou leurs métiers, devrait-on dire), il faut d'abord évoquer l'élevage qu'ils cherchent à valoriser au fil des ans. "Au début, on vendait principalement des animaux d'agrément et de plus en plus, on vend des animaux destinés à la reproduction et à l'élevage, explique Laurence. Plus notre propre élevage est reconnu dans la profession, plus on vend des animaux destinés à faire partie d'un élevage, qu'il soit nouveau ou existant."

Le "graal", c'est le bel alpaga, c'est-à-dire un animal qui "répond à tous les critères : la morphologie, l'ossature, une bonne déambulation, un beau 'physique', et surtout une bonne toison: que sa fibre ait une bonne répartition", explique Eric.

Pour le mâle reproducteur, l'étalon, les exigences sont encore plus poussées: "Il va distribuer toute sa génétique au sein de l'élevage, davantage qu'une femelle, précise Laurence. Elle va produire un petit par an tandis que l'étalon va peut-être produire 10, 15 ou 20 petits par an. Il va avoir un beaucoup plus gros impact sur l'élevage, c'est pour ça qu'on demande toujours à ce que l'étalon soit vraiment exceptionnel". D'ailleurs, trois mâles reproducteurs sont mis à la disposition des propriétaires de femelles pour les saillies. Prometheus, Flyte et Ashwood Imperial peuvent être "loués" pour mettre des femelles enceintes.

Les éleveurs vendent certains animaux, mais en gardent aussi pour leur programme d'élevage. "Si les éleveurs qui démarrent nous ont acheté de beaux animaux producteurs et font de bons résultats en concours, c'est notre nom et notre élevage qui seront mis en avant", explique encore le Ciergnonais.


Face au jury

La réputation des Alpagas du Maquis, Laurence et Eric la défendent également lors des concours où ils présentent plusieurs animaux. Et c'est surtout leur "beauté" qui compte. "Le juge va regarder sa manière de se déplacer: il faut que ce soit fluide, qu'il ait les membres correctement positionnés, que ses proportions soient correctes, qu'il n'ait pas de tare génétique", indique Laurence.

Après, le jury prête une grande attention à la toison (on ne parle pas de laine comme pour les moutons). "Ça compte pour 60 ou 70% des points. Le juge va l'examiner très scrupuleusement pour observer la longueur, la brillance, la douceur, la finesse, la densité, etc.", ajoute l'éleveuse qui porte toujours un pull ou une écharpe réalisé avec la fibre de ses alpagas lors des concours. Cela lui permet de faire connaitre sa filature également, et de montrer les produits réalisés avec la toison des animaux.


De la toison au fil à tricoter

Après la tonte, la toison va être traitée dans la filature par Laurence et Eric, qui travaillent en tandem. Et c'est un fameux boulot: "On ne met pas une toison brute d'un côté de la machine et ça ne sort pas de l'autre côté en fil à tricoter".

Il y a 13 étapes différentes: le dépoussiérage, le lavage, le séchage, puis tout ce qui va permettre d'obtenir un fil de qualité supérieure. "Aucune étape ne peut être négligée. Si on veut sortir un beau fil, il faut le carder précautionneusement, ça demande beaucoup de de rigueur", note Laurence.

La particularité de leur filature est sa petite taille: ce n'est pas une filature industrielle et donc "les clients qui viennent avec la toison de leurs alpagas récupèrent le fil de LEURS animaux".

Il y a aussi tout un travail qui s'effectue au niveau des coloris des fils : chaque animal donne une couleur et parfois, des mélanges sont effectués pour obtenir de nouvelles teintes. Mais à la filature, les toisons sont regroupées pour éviter les "contaminations" : "C'est-à-dire qu'il reste toujours un peu de fibre dans une machine donc si on fait une toison blanche et puis une noire juste après, il y aura des fils blancs dans le fil noir. C'est ce qu'on essaye d'éviter", précise Eric, qui a le goût du travail bien fait.

Après, le fil à tricoter de leurs alpagas va être vendu, parfois à des artisans et designers textile. Le couple a même des clients qui fabriquent des produits de luxe à Shanghai, en Chine. Ils font également appel à des tricoteuses professionnelles pour concevoir des châles, écharpes, bonnets, chaussettes, etc. qui sont mis en vente.

La toison d'alpaga est réputée pour être plus douce que la laine de mouton par exemple. Et en prime, il existe différents niveaux de douceur selon la finesse de la fibre. "Chaque année, lors de la tonte, on prélève un échantillon et on l'envoie dans un labo en Angleterre, décrit Laurence. L'analyse nous donne le micronage moyen (le micron est l'unité de mesure de l'épaisseur de la fibre) et c'est en fonction de cela qu'on va dire si c'est du royal baby alpaga, du baby alpaga ou du fine alpaga. Plus gros, nous, on ne le transforme pas. On s'arrête à 26 microns car au-delà, le vêtement commence à gratter".

Mais la fibre plus épaisse n'est pas jetée pour autant: elle sera utilisée différemment, dans des couettes par exemple.


"On est vraiment complémentaires"

Au quotidien, chacun s'épanouit dans son domaine de prédilection et travailler en couple ne pose aucun problème pour Laurence et Eric. Alors qu'elle s'occupe davantage des aspects administratifs, il est plus souvent avec les animaux et dans les prairies.

"C'est vraiment une chance qu'on a tous les deux, c'est qu'on a la même passion mais qu'on se complète bien. On est vraiment complémentaires", explique-t-il. "On prend nos décisions ensemble mais on a chacun notre partie dans le boulot, chacun notre petit univers", ajoute Laurence.

Cette carrière professionnelle et cette vie parmi les alpagas n'ont jamais été planifiées pour le couple de Ciergnon. "C'est une vie qu'on ne pouvait pas imaginer mais c'est une vie formidable, explique Laurence, les étincelles dans les yeux. Si on nous avait dit qu'on allait un jour élever des alpagas, on aurait été les premiers  surpris. Faire du fil à tricoter était tout aussi improbable. C'est une magnifique opportunité qu'on a pu saisir et c'est une vie très très très agréable."

Leurs filles, Morgane (15 ans) et Léa (8 ans) adhèrent complètement à cette vie et sont fières de montrer les alpagas à leurs proches ou aux visiteurs qui viennent un jour par mois découvrir l'élevage.



"Ils font des sauts, courent comme des fous"

Répartis dans trois prairies différentes (mâles, femelles et petits), les alpagas ont tous une lignée et un nom: Bohème, Claire, Prometheus, Flyte ou encore le trio de crias (c'est comme cela qu'on appelle les bébés alpagas) : Figaro, Fameux Pari et Francorchamps.

Le couple a toujours un petit pincement au cœur quand ils sont vendus mais cela fait partie du métier et ils l'acceptent. Il leur est impossible de dire quel est leur préféré parmi l'élevage mais Laurence pointe aisément du doigt des moments complices... "J'en ai une qui est ma préférée quand je joue avec le tuyau d'arrosage parce qu'elle 'danse' devant le tuyau. Puis j'en ai une qui est ma préférée quand je vais donner à manger parce qu'elle me regarde toujours avec ses grands yeux... J'ai un préféré à chaque moment", explique-t-elle.

Eric pense quant à lui à l'avenir et aux beaux crias (bébés alpagas) qu'ils leur réservent. "On se dit: 'ce mâle-là, on pourrait le mettre avec telle femelle et ça pourrait donner telle progéniture', explique-t-il. Francorchamps par exemple, c'est un mâle qui aura un bel avenir. On est déjà en train d'imaginer quel mariage on pourrait faire".

Bien sûr, avec de tels animaux, les anecdotes ne manquent pas! Toute la famille apprécie particulièrement assister aux parties de saute-mouton que s'offrent les crias. "Les meilleurs moments de la journée, tôt le matin ou tard le soir, les crias commencent à courir dans les prairies et ils font des 'pronk', s'amuse l'éleveuse. Ce sont des sauts les 4 pattes en l'air. Ils font la course, ils courent comme des fous, c'est vraiment super amusant. On pourrait rester des heures à les regarder, c'est fabuleux".

La famille des Alpagas du Maquis pourrait encore s'étendre: cela fait partie des projets du couple d'avoir un élevage un peu plus grand, mais pas trop: ils souhaitent que cela reste "à taille humaine". Ils apprécient particulièrement les croisements entre les alpagas pour avoir des animaux exceptionnels. "La sélection génétique des reproducteurs, c'est vraiment une partie passionnante et on a toujours envie de continuer", explique Laurence. "Aucun éleveur n'a l'alpaga parfait mais on essaye chacun d'y arriver, ajoute Eric, c'est notre Graal".

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