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Pascal, handicapé aux revenus limités, ne trouvait pas une banque pour un prêt voiture: il l'a finalement décroché grâce à une coopérative

Pourquoi Pascal n'a-t-il pas obtenu un crédit pour une voiture auprès d'une banque traditionnelle ? Parce que ses revenus sont trop faibles ? Parce qu'il a été fiché à la Banque nationale ? Ou parce que, comme il le croit, il est en chaise roulante ? Le sexagénaire a finalement obtenu un prêt grâce à Crédal, une asbl qui propose des micro-crédits à des personnes qui se trouvent dans une situation d’exclusion bancaire.

Pascal est en chaise roulante depuis dix ans suite à un infarctus. Aujourd’hui, il a 63 ans et ne peut plus bouger que sa tête et ses mains. Il habite avec son épouse Nadine à Bullange près de la frontière allemande et pour ses déplacements, il a besoin d’une voiture spéciale qui puisse accueillir sa chaise roulante. Mais son véhicule se fait vieux. "Ma voiture actuelle a 13 ans et près de 200.000 kilomètres. Je veux la changer avant qu’elle ne rende l’âme, car être sans voiture là où on habite, ça serait une catastrophe pour moi", dit-il. Une nouvelle voiture coûte 14.500 euros. Il a réussi à économiser 5.000 euros. Restait à trouver 9.500 euros. Pascal a donc songé à se tourner vers un crédit. Mais vu son revenu, ses antécédents, et son handicap?, plusieurs banques lui ont adressé un refus.


Pascal: "Si vous êtes en chaise roulante et que vous n'avez pas une liasse de billets, on ne s'occupe plus de vous"

"J’ai contacté le Crédit Agricole et après leur avoir dit que j’étais en chaise roulante, que mon seul revenu était mon allocation pour handicapé, ils m’ont dit non. J’ai alors été chez Europabank et on m’a aussi refusé mon prêt." Pascal est persuadé que son handicap est un obstacle aux yeux des banques. "Dès que vous entrez avec votre chaise roulante si vous ne tenez pas une liasse de billets, on ne s'occupe déjà plus de vous. Il y a une vraie discrimination" affirme-t-il via notre page Alertez-nous. Mais du côté des banques, on dément que le handicap de Pascal soit la cause du refus de crédit.

Europabank: "On doit protéger le consommateur contre lui-même, être sûr qu’il sera capable de rembourser son emprunt"

"Le fait d’être handicapé n’est absolument pas une raison de refuser un crédit", assure Geert Arnou, responsable des crédits chez Europabank qui explique que pour chaque demande, "on analyse le but du crédit, les revenus, les dépenses, on vérifie si la personne n’est pas fichée à la Banque nationale".

Pascal reçoit 1145 euros par mois d’allocations pour handicapé. Son épouse touche environ 1150 euros d’allocations de chômage. Gérald Boagert, président d’Europabank, estime que "leurs revenus sont sans doute trop bas vu le crédit qu’ils demandent. On doit protéger le consommateur contre lui-même, être sûr qu’il sera capable de rembourser son emprunt. C’est la limite entre l’humain et le financier."


Pascal n'a pas remboursé un prêt pendant plusieurs mois: il a été fiché à la Banque nationale

La faiblesse des revenus de Pascal n'est pas la seule raison possible du refus des deux banques qu'il a visitées. Pascal doit faire face à un autre obstacle. Il y a plusieurs années, à cause de ses employeurs qui ne lui payaient pas son salaire à temps, il n’a pas payé plusieurs mois d’affilé son crédit de l’époque. Il a alors été fiché à la Banque nationale. "Depuis mars 2014, toutes mes dettes sont payées, mais les banques n’en tiennent pas compte. Ça les effraie de savoir que vous avez été fiché."

Rudy Trogh, responsable à l’Observation du crédit et de l’endettement de la Banque nationale, affirme que "les gens restent encore dans notre système pendant un an après avoir régularisé leurs dettes. Les banques sont obligées de consulter ces listes, mais elles sont libres d’accorder le crédit ou non. Dans un grand nombre de cas, elles le refusent."

Une possible discrimination à travers trois caractéristiques propres au handicap

Au-delà des problèmes de revenus et de fichage à la Banque nationale, vient s'ajouter une possible discrimination. C'est l'avis de Patrick Charlier, directeur adjoint du Centre pour l’Egalité des Chances. "En 2013, nous avons reçu 40 plaintes de personnes qui se sont vues refuser un crédit pour des raisons discriminatoires." Selon lui, il y aurait trois explications.

Premièrement, "les allocations des personnes handicapées sont insaisissables". Dès lors si le client ne paie pas, la banque ne peut pas saisir le revenu de la personne handicapée. Deuxièmement, "une personne qui présente un handicap a parfois un risque de mortalité plus important que la moyenne". Il y a donc plus de risques pour les banques ne pas voir l’entièreté du prêt être remboursé. Enfin, les besoins des personnes handicapées sont parfois très coûteux. "Un emprunt pour une voiture aménagée sera donc plus important que pour une voiture normale."


"Il y a un manque crucial d’information"

Face au refus des banques traditionnelles, Pascal a cherché une alternative. Mais laquelle ? Il regrette que personne ne savait où l’envoyer. "Il y a un manque crucial d’information", déplore-t-il. Il estime qu’on ne l’a aidé ni à la Région wallonne, ni à la province de Liège, ni à l’AWIPH (Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées). Li Puma, chargée de presse de l’AWIPH, affirme toutefois qu’elle "conseille aux personnes dans le besoin de faire appel soit au microcrédit personnel de Crédal, soit à la Société Wallonne du Crédit Social".

Gérald Boagert, le président d'Europabank où Pascal avait tenté en vain d'obtenir un crédit, reconnait que les employés de son établissement ne connaissent pas bien les alternatives au crédit classique. Il désire changer cette situation "afin de mieux orienter les gens qu’on ne sait pas aider".

Ni l'AWIPH ni une banque n'a conseillé la solution du micro-crédit. Cette solution, Pascal l'a trouvée tout seul sur internet.


Le micro-crédit comme alternatives aux banques traditionnelles

Crédal est une coopérative qui propose des micro-crédits à des personnes qui se trouvent dans une situation d’exclusion bancaire. Anne-Catherine de Neve, responsable communication, explique que "les banques n’acceptent pas de prêter de l’argent à des allocataires sociaux ou des personnes qui se trouvent dans une situation sociale précaire. Cette attitude renforce la spirale de précarisation." Cette initiative analyse le projet en détail et offre un accompagnement tout au long du remboursement du prêt. "Le micro-crédit est un outil de développement personnel, professionnel et social."

D’après Anne-Catherine de Neve, le projet de Pascal rentre tout à fait dans la politique de Crédal. "On met l’accent sur les projets de mobilité qui permettent de décrocher un boulot ou d’accéder aux soins nécessaires. Ces projets permettent aux personnes qui reçoivent un prêt de stabiliser leur situation."


Pascal a décroché son prêt via Crédal: "Cette petite ASBL devrait être connue de tous"

"J’ai remis mon dossier auprès de Crédal. Le prêt a été accepté, c'est génial!", se réjouit Pascal. Il va pouvoir acheter sa voiture, mais surtout il se sent compris et pris en compte. "Ils ont quelque chose d’humain. Ils sont vraiment très attentionnés. Cette petite ASBL devrait être connue de tous."

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