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Un seul des 13 Red Market transformés en Delhaize n'a pas survécu en Wallonie: une employée au chômage confie son amertume

Le Proxy Delhaize de Jemeppe-sur-Sambre vient de fermer ses portes, laissant 10 employés au chômage. L'une d'eux, déçue, estime que la direction n'a pas fait tout son possible pour faire marcher ce magasin... situé à seulement 6 minutes en voiture de leur autre Proxy Delhaize. Une accusation réfutée par la jeune gérante, qui confie sa douleur et sa déception d'avoir échoué dans ce challenge.

Valérie (prénom d’emprunt car elle souhaite garder l'anonymat) travaillait depuis 7 ans au Red Market de Jemeppe-sur-Sambre, en province de Namur. Début novembre, le groupe Delhaize mettait fin à ce concept de supermarchés discount malgré son succès. L’étendre à grande échelle à toute la Belgique aurait été trop difficile selon l’entreprise. Les travailleurs des 13 magasins qui existaient en Belgique ont alors craint pour leur emploi, mais Delhaize a conservé les surfaces commerciales pour les transformer en franchises (Proxy Delhaize ou AD Delhaize).


Une famille qui réussit dans les Proxy Delhaize

Au magasin de Jemeppe-sur-Sambre, ce sont deux membres d’une même famille, Christel et Valentine Vandamme, qui ont repris l’affaire. Des autocollants Delhaize ont été apposés dans le magasin et comme annoncé par la maison-mère et par des affiches sur le parking du supermarché, des travaux de transformation en magasins au style Delhaize devaient avoir lieu rapidement.

A l’époque, Valérie et ses 9 collègues étaient soulagés, d’autant qu’ils avaient été engagés par Red Market sous un statut plus avantageux que celui des employés habituels des Delhaize franchisés ; et qu’on leur garantissait de conserver leur statut. En plus, les nouvelles gérantes semblaient savoir où elles allaient. "Quand on a eu la présentation des repreneurs, on nous les a vendus comme des gens sérieux qui savaient ce qu’ils faisaient. La famille possédait déjà des Proxy Delhaize à Velaine, Lillois et Wanze", se souvient Valérie.


Des travaux jamais réalisés

Mais alors que les mois passaient, la situation financière du supermarché ne décollait pas et aucun des travaux de transformation promis n’avait commencé. Pourtant, selon Valérie, le discours des gérantes était toujours resté positif et confiant sur l’avenir du magasin. "Depuis des mois nous nous inquiétions de la situation du magasin, nous demandions pourquoi la date de travaux de rénovation était sans cesse repoussée, pourquoi nous ne voyions pas de plan, aucun corps de métier... Lorsque nous posions des questions à notre directrice (de moins en moins présente, de moins en moins joignable), elle nous disait ne pas comprendre nos inquiétudes, selon elle les choses allaient s'améliorer. Les plans ? Elle les avait oubliés chez elle. Le chiffre d'affaire désastreux et la désertion de la clientèle ? Les autres magasins gérés par sa famille avaient, eux aussi, connus des débuts difficiles. Nous avons donc continué de faire notre travail, de sourire aux clients, de gérer le magasin et nos angoisses au jour le jour, de moins en moins certains que "tout irait bien", de plus en plus persuadés que les travaux qu'on nous faisait miroiter n'auraient pas lieu."


"En 5 minutes, on n’avait plus rien"

Voilà pourquoi le samedi 29 avril, quand les 10 employés ont été convoqués dans la salle de repos, ils s’attendaient à l’annonce qui leur a été faite. Mais pas à ce que cela soit aussi "violent", humainement parlant. "En 5 minutes, on nous a distribué nos C4, demandé de vider nos casiers et d'en rendre les clefs, de remettre nos badges de pointage, puis on nous a escortés sur le parking avant de fermer les portes du magasin derrière nous. Toute la famille est venue et ce sont eux qui ont demandé aux clients encore présents dans le magasin de terminer leurs achats au plus vite. Le matin même, on passait encore des commandes, et là, en 5 minutes, on n’avait plus rien. C’est une manière de faire très violente", estime Valérie, qui regrette le manque de transparence de la direction. "Si on avait été prévenus à l’avance, on aurait pu anticiper et déjà chercher du travail ailleurs."


Un magasin sacrifié au profit du magasin voisin?

Sur les portes closes du magasin, un mot a été laissé. "Il redirige les clients vers le Proxy Delhaize de Velaine-sur-Sambre, qui appartient à la famille", puisque la gérante est Christelle Maes (Vandamme), selon les informations reprises à la banque carrefour des entreprises. Et ce Proxy n’est situé qu’à 6 petites minutes en voiture de là, à côté de la N98 également. Ce qui fait dire à Valérie que, peut-être, les gérantes n’ont pas fait leur maximum pour faire marcher le magasin, ce qui profitait à celui concurrent de Velaine. "On n’a vraiment pas l’impression que les moyens ont été mis ou que ça a été géré en bon père de famille. On voyait la directrice de moins en moins, c’est nous qui prenions les décisions commerciales. Rien n’a été fait pour séduire une nouvelle clientèle. Sans nous, le magasin serait toujours en décorations de Noël", accuse-t-elle.


Un procès d'intention non fondé

Des accusations non fondées, selon Valentine Vandamme, que nous avons contactée et qui répond à ce procès d'intention. "Sincèrement, nous avons mis notre argent et notre énergie dans ce projet, car nous étions convaincus du succès du point de vente de Jemeppe-sur-Sambre. Si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas commencé", assure-t-elle. "Financièrement et émotionnellement, c'est un échec", estime la jeune femme, qui raconte pourquoi la décision de tout arrêter a été prise et revient sur le travail collectif qui a été réalisé pendant ces quelques mois. "Je souhaite insister sur le fait que nous avons tout fait pour faire de ce magasin une réussite, par des actions et des folders, nous avons mis notre argent et notre énergie dedans. (...) Nous espérions et voulions ensemble, avec l'équipe, faire de ce magasin une réussite." Ce que Roel Dekelver, le porte-parole de Delhaize, confirme. De son point de vue, "les exploitants, avec le soutien de Delhaize, ont tout fait afin de faire de ce point de vente un succès".

"Malheureusement, après 6 mois, ce n'était pas le cas", regrette Valentine Vandamme. "Nous avons constaté que ce n'était pas rentable et on ne voyait pas non plus des perspectives positives pour ce magasin. (...) Après évaluation avec le comptable, pour la santé économique de la société et nos autres magasins et ses collaborateurs, nous avons dû fermer", explique la gérante, qui se dit "déçue" tant pour les travailleurs et les clients que pour elle-même.


"Douloureux" pour la gérante

En effet, être gérant indépendant d’un Delhaize, dans la famille Vandamme, on peut dire qu’on a ça dans le sang. La famille gère celui de Velaine-sur-Sambre depuis longtemps ainsi que celui de Lillois (Braine-l'Alleud) et une autre membre de la famille a repris celui de Wanze avec succès il y a 2 ans avec son compagnon. Voilà pourquoi cet aveu d’échec la touche particulièrement. "Dès mon plus jeune âge, j'ai été bercée dans la vente ainsi que l'enseigne Delhaize. C'est un métier et une passion que j'exerce depuis toute petite. J'ai appris les ficelles du métier grâce à mes parents, le Proxy Delhaize de Velaine-sur-Sambre et mes études de Retail Management à Gand. C'est donc encore plus douloureux et décevant de voir que le point de vente de Jemeppe-sur-Sambre n'était pas un succès", nous confie-t-elle.


Des indemnités de préavis payées

Enfin, elle rappelle qu’au niveau financier, elles ont été honnêtes avec les employés. "Nous avons opté pour une liquidation et non une faillite, ce qui implique que nous avons payé les préavis de nos employés avec toutes leurs anciennetés". Ce pourquoi Valérie les remercie. "On a notre préavis faits dans les règles", reconnait-elle, montrant aussi de la compassion pour Valentine : "La directrice était une petite jeune fille de 25 ans, ça n’a pas dû être évident pour elle" toute cette histoire, une histoire dans laquelle personne n’est gagnant au final.


Le seul ex-Red Market qui n'a pas réussi sa reconversion

Valérie a enfin un dernier reproche à faire, mais cette fois-ci à Delhaize, son ancien employeur. "Ce sont donc aujourd’hui dix employés de Delhaize qui se retrouvent sans emploi, dix employés à qui on avait assuré qu'ils ne devaient en aucune manière s'inquiéter pour leur emploi après la fin de Red Market", citant les propos du porte-parole de Delhaize en janvier sur RTLinfo.be. "Dans cet article, M. Dekelver déclarait: 'On croit que tous nos magasins ont un potentiel, c'est d'ailleurs pour ça qu'on y investit de l'argent en rénovations.'"

Recontacté, il réitère cette affirmation et annonce que sur les 13 magasins concernés, Jemeppe-sur-Sambre est le seul ex-Red Market qui n’a pas eu de succès. "Les autres 9 magasins qui ont été transformés montrent de très bons résultats après rénovation, deux ont trouvé un repreneur et pour le dernier, on est en train de discuter avec des intéressés." Une bonne nouvelle pour leurs employés.


Valérie aime la vente au détail et va rechercher dans ce secteur

Quant à Valérie et ses collègues, il est temps pour eux de passer à autre chose. Il faut croire que Jemeppe-sur-Sambre n’avait pas besoin d’un Delhaize de plus, alors que leur Red Market, qui attirait une toute autre clientèle, marchait bien. "Des collègues ont décidé de changer radicalement d’orientation professionnelle. Moi j’ai toujours aimé ce que je faisais, apprécié le contact clientèle, renseigner les gens, être un point d’appui social pour certaines personnes isolées, pour qui on était le seul contact dans la vie réelle. Je pense continuer à chercher dans ce secteur-là", affirme-t-elle, sans se décourager.

Et qui sait, peut-être que la surface commerciale, qui Delhaize loue, va devenir un autre magasin qui aura besoin de personnel qualifié.

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