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Les habitants d’Ambly "pas prêts à accueillir un poulailler industriel": "Les gens pensent que la campagne, ce sont des oiseaux qui chantent"

Une exploitation de plus de 39.000 poulets de chair devrait bientôt être construite dans le petit village d’Ambly, en province du Luxembourg. Si certains riverains se sont montrés défavorables au projet, la Fédération Wallonne de l’Agriculture soutient quant à elle l’agriculteur qui respecte les normes en la matière. Il ne reste désormais que quelques jours à ses détracteurs pour, éventuellement, déposer un recours auprès de la région wallonne.

Gros changement à l’horizon dans le paysage d’Ambly. Ce petit village situé dans la commune de Nassogne, en province du Luxembourg, devrait bientôt accueillir un poulailler de 39.460 poulets de chair, destinés à la consommation. C’est une riveraine qui nous en a informés, via notre page Alertez-nous. Déposé auprès de la commune par l’exploitant, le projet a déjà fait l’objet d’une enquête publique (N.B. lorsqu’une demande de permis est introduite, l’enquête publique est un moyen d’en informer la population. Elle est signalée par voie d’affichage localisé, devant ou aux alentours du bien concerné. Chaque citoyen qui le souhaite peut consulter le dossier en question auprès de l’administration communale et émettre des réclamations ou observations.)

Le 8 juillet dernier, le collège communal a accordé le permis. Le texte intégral de cette décision peut désormais être consulté jusqu’au 30 juillet. "Dans ce cadre-là, les personnes qui auraient déposé une objection pourraient éventuellement aller en recours, explique Marc Quirynen, bourgmestre. Comme tout dossier lorsqu’il y a une enquête publique, les riverains ont été informés par voie d’affichage. C’est une information donnée selon le respect de la législation. Après l’enquête publique et l’octroi du permis, on est donc à la deuxième étape. Il pourrait encore y en avoir beaucoup avant que la construction ne puisse être entamée."

Toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt peut en effet déposer un recours auprès du Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et de l’Environnement. "Si c’est le cas, il faudra encore attendre l’instruction par la commission des recours, et la décision finale du Ministre de la région." Des recours, il pourrait y en avoir.


Champions du monde en matière de bien-être animal

Selon la riveraine qui nous a contactés, les citoyens "ne sont pas prêts à accueillir ce poulailler industriel qui risque de modifier beaucoup de choses : charrois, odeurs, bruit et mal-être animal". "Ce n’est pas possible, nous sommes les champions du monde en matière de bien-être animal, réagit Ana Granados Chapatte, conseillère au service d’études de la Fédération Wallonne de l’Agriculture. Il y a beaucoup de législations, de contrôles,  au niveau de l’AFSCA (Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire) notamment." Le bourgmestre de Nassogne confirme : "Le dossier n’aurait pas été accepté par la région s’il n’avait pas respecté les normes". Ces normes (qui fixent notamment la densité d’élevage maximale dans une exploitation à 33 kg/m², l’inspection des poulets au moins deux fois par jour ou qui assurent que l’éleveur est porteur d’un certificat ou d’un diplôme) sont à retrouver dans l’Arrêté royal du 13 juin 2010 fixant des règles minimales relatives à la protection des poulets destinés à la production de viande.

Concernant le bruit, encore une fois, Ana Gravados Chapatte se veut rassurante. "N’importe quelle autre activité économique entrainera le passage de beaucoup plus de camions." Dans ce cas-ci, la conseillère l’assure : on ne comptera que peu de passages. "Une fois tous les 40 jours, on vient charger les poulets et de préférence le soir parce qu’ils sont plus calmes. A part ça, il ne se passe pas grand-chose." Enfin, toute une série de techniques existent pour éviter au maximum les odeurs. Lors de l’étude d’un projet, les vents dominants sont notamment pris en compte. "Il y a les viviers et les fumiers, il faut les sortir de temps en temps, mais ce genre de dérangements est minime."


"Les gens pensent que la campagne, ce sont de petits oiseaux qui chantent dans les arbres"

Lors de l’enquête publique, environ 400 personnes ont fait part de leurs remarques au collège communal. "Sur la commune, il y en avait environ 2/3 défavorables et 1/3 favorables, affirme le bourgmestre Marc Quirynen. Sur le village d’Ambly où le projet a été déposé, c’était l’inverse : 1/3 de remarques défavorables et 2/3 favorables." Pour Ana Granados Chapatte, il n’est pas surprenant d’avoir autant d’avis négatifs. "La plupart des riverains sont souvent contre, parce qu’ils pensent que la campagne, ce sont de petits oiseaux qui chantent dans les arbres. Beaucoup de gens estiment que les activités d’élevage, c’est très bien tant que c’est loin de chez eux. Mais quand on habite en milieu rural, il doit pouvoir y avoir des activités. Cela fait peur aux consommateurs qui sont très éloignés des activités agricoles mais une exploitation de 39.460 poulets est une exploitation d’une taille familiale et très raisonnable."


"39.000 poulets, ce n’est pas grand-chose comme capacité"

Selon la conseillère, il ne faut d’ailleurs pas parler dans ce cas de poulailler industriel. "Ce n’est pas grand-chose comme capacité. Jusqu’à 40.000 animaux, c’est un "petit poulailler".  Il y a un problème de perception de la part du consommateur." Il s’agit ici d’un poulailler de classe 2. On parle de classe 1 au-dessus de 40.000 poulets, mais aucune limite n’est fixée quant au nombre maximum. "Cela dit, personne en Wallonie n’oserait demander ou donner un permis pour 500.000 volailles. Les contraintes environnementales sont telles que cela serait très difficile de trouver un endroit où le faire." Toutes volailles confondues, très peu d’élevages en Wallonie comptent plus de 100.000 animaux. La taille moyenne des exploitations avicoles wallonnes tourne autour de 11.000 volailles. La Flandre compte une moyenne supérieure, proche des 18.000 volailles/exploitation.


3,3 millions de poulets en Wallonie contre 20 millions en Flandre

Aujourd’hui, la Wallonie compte très peu d’élevages avicoles. "Ils sont minoritaires comparés à la Flandre ou d’autres régions européennes. On est en sous-production par rapport à la consommation." En 2011, la Wallonie comptabilisait aux alentours de 3,3 millions de poulets de chair, contre presque 20 millions en Flandre, autour de 120 millions en Espagne et plus de 140 millions en France. Il existe entre 130 et 150 exploitations de poulets standards en Wallonie, et un peu moins d’une centaine pour le poulet bio et de qualité différenciée. Pour la Fédération Wallonne de l’Agriculture, un projet tel que celui d’Ambly est donc le bienvenu. "Cela a un sens parce que ce sont des élevages de proximité. Les contraintes environnementales et d’installation sont tellement importantes qu’on ne pourrait pas développer un poulailler tous les trois mètres. C’est beaucoup plus facile de gérer les maladies dans une région qui est faiblement peuplée en volailles."


Aucune aide de la Région Wallonne

Pour un tel poulailler, l’exploitant ne reçoit aucune aide financière de la Région wallonne. Il existe pourtant des aides européennes à l’investissement agricole, appelées ISA, à laquelle la Région doit participer. "En général, cela tourne autour des 50%, mais ces aides et les critères pour les recevoir sont en cours de révision. Pour les poulaillers de ce type, jusqu’à présent, ce n’était pas possible de recevoir des aides à l’installation, sauf si on faisait un poulailler en qualité différenciée ou bio. Avec le nouveau système, ils y auront peut-être accès, cela dépendra du projet." Dans tous les cas, les agriculteurs bio reçoivent donc plus d’aides que les autres.


Une concurrence importante, mais...

Au niveau mondial, la concurrence est très importante, d’abord en termes de prix puisque les éleveurs belges et européens doivent faire des efforts financiers importants pour se conformer aux règles, notamment celles en matière de bien-être animal ou de surveillance sanitaire. Cependant, la conseillère estime que la Belgique peut encore faire face aux autres pays. "L’avantage du poulet belge ou européen est la forte demande qui est à la hausse. C’est la seule viande dont la consommation augmente chaque année."

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