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Manhattan termine ses secondaires mais ne croit plus en l'utilité de sa formation d'aide-comptable: a-t-il raison?

Quel avenir pour les aide-comptables ? La profession figure dans la longue liste des emplois menacés par la numérisation croissante des tâches. Manhattan termine ses études secondaires à Philippeville et sera qualifié pour exercer ce job. Il a la sensation que son diplôme ne lui ouvrira aucune porte. Le métier tel qu'il existe aujourd'hui est appelé à évoluer. L'encodage des factures disparaitra, faisant place à une mission d'analyse et de conseil.

Dans quelques mois, Manhattan finira ses études secondaires et obtiendra une qualification qui lui permettra d'exercer le métier d'aide-comptable. Cet élève de Philippeville s'inquiète beaucoup pour son avenir. Trouvera-t-il un emploi avec cette formation ? "Dans les années qui viennent, beaucoup de choses vont se faire électroniquement", écrit-il via notre page Alertez-nous. "Les factures d’achats par exemple, sont une des nombreuses choses qui deviendront virtuelles. Les comptables n'auront plus à encoder ces données", argumente-t-il. Ses craintes sont-elles fondées ? Nous avons enquêté.

Des étudiants diplômés, sans espoir d'exercer leur métier

Les paroles des professeurs de Manhattan sont loin d'être rassurantes. L’un d’eux lui aurait déclaré que sa section était vouée à disparaître: "La section est condamnée, j’en suis maintenant certain", confie-t-il.

En juin, lorsqu’il aura réussi sa rhéto, le jeune homme recevra son certificat d'enseignement secondaire supérieur (CESS) comme tous élèves de secondaire, mais aussi un diplôme de gestion et une qualification en technique de comptabilité. "Mon diplôme d'aide-comptable va perdre doucement de son utilité, la gestion et le CESS seront les seuls diplômes utiles de l'option", déplore Manhattan.

"C’est plutôt embêtant, tous ces étudiants qui suivent ces études pour au final ne pas pouvoir exercer cette profession. Pour les aides comptables comme moi, ça va être très difficile de trouver un job", explique Manhattan. "Aujourd’hui, les gens cherchent à tout faire eux-mêmes. Exécuter des tâches basiques, encoder des financiers, gérer les déclarations TVA, un ordinateur peut le faire." 


"La comptabilité traditionnelle est en voie de disparition"

Le président de l’Institut professionnel des Comptables et fiscalistes agréés (IPCF), Jean-Marie Conter, ne contredit pas les paroles de Manhattan. C'est un fait: le métier d’aide-comptable est voué à disparaitre."Dans les années à venir, 30 % des personnes qui ne font que de la comptabilisation verront leur emploi supprimé", prédit Jean-Marie Conter, qui souligne que le nombre de comptables professionnels agréés s'élève aujourd'hui à 15.000 en Belgique. "La comptabilité traditionnelle est en voie de disparition", constate-t-il. "Ce n’est pas pour demain, mais la fin est proche."

Dans combien de temps cette mutation aura-t-elle lieu? "La numérisation des tâches, ce n’est pas nouveau, le métier de comptable n’est d’ailleurs pas le seul à être face à ces changements", souligne Jean-Marc Conter. "Mettre en place facturation électronique, ça va demander du temps." Pour lui, le métier aura totalement opéré sa mue cdans une quinzaine d'années.

"On ne sait pas aller contre le progrès"

"Il ne faut pas qu’il y ait un vent de panique !", tempère le président de l’IPFC. "Mais on ne sait pas aller contre le progrès. Le métier tel qu’il existe aujourd’hui va évoluer. L’évolution est là, il n’y a rien à faire d’autre que prendre le train en marche."

Jean-Marie Conter remarque d’ailleurs comme Manhattan que depuis un certain temps, beaucoup de sociétés font leur comptabilité elles-mêmes et le comptable analyse ensuite ce qu’il en sort. "Comptabiliser les factures, c’est fini ! Aujourd’hui, ça scanne d’un côté et ça encode de l’autre."

"Le comptable deviendra conseiller ou coach d’entreprise"

Malgré tout, le président de l'IPCF voit ces changements comme une évolution positive pour la fonction. "Le métier évoluera et sera petit à petit plus proche de la fonction de conseiller ou de coach d’entreprise que du comptable que nous connaissons aujourd’hui. Le comptable servira avant tout à analyser les données pour pouvoir fournir une mission de conseil."

Pour lui, les nouvelles fonctions du comptable seront "plus valorisantes que de passer son temps à encoder des factures". Malgré tout, il ne s’agit plus du tout du même métier. Quinze années, c’est peu, surtout pour les comptables qui sont déjà sur le marché.

Le président de l’IPCF est bien conscient de cette problématique. "Mon conseil pour les personnes qui veulent changer, c’est de suivre des cours pour obtenir un diplôme de fiscaliste." Plus facile à dire qu’à faire, quand on travaille depuis de nombreuses années. "C’est une de mes peurs", confie Jean-Marc Conter. "Le politique doit  absolument trouver un système pour aider ces personnes et établir un plan de reconversion."

"On ne peut plus dire ‘Je vais passer ma vie à faire ça’"

Pour les élèves comme Manhattan, il n’est pas trop tard pour agir. "Ce n’est pas catastrophique mais il faut absolument y penser."

Rien de "catastrophique", si on parvient à avaler rapidement la pilule, car pour Jean-Marc Conter, l’étudiant qui trouve une place d’aide-comptable aujourd’hui n’est pas certain d’encore pouvoir exercer son métier dans quinze ans. "Dire ‘je vais passer toute sa vie à faire ça’, ce n’est plus possible aujourd’hui."


Viser une formation plus élevée

La solution ? Se former plus. "Plus la technologie avance, plus elle remplace l’humain, et plus l’humain doit devenir performant. On demande des diplômes de plus en plus élevés. Il est évident que si on fait uniquement des études d’aide-comptable, il y aura un souci."

Le président de l’Institut professionnel des Comptables et fiscalistes agréés semble tout de même confiant en l’avenir du métier de comptable, tout en ayant conscience des bouleversements à venir et des modifications à apporter aux différentes formations.

Avec légèreté, il conclut même que "c’est drôle à dire, mais un plombier a plus de chance de trouver un job qu’un aide-comptable. Lui, je ne connais pas un système informatique qui va le remplacer !"

Manhattan, lui, aura bientôt trois diplômes et certificats en poche, mais seul son CESS lui permettra d’accéder à la suite de ses études. La comptabilité ne semble plus l’attirer. L’an prochain, il suivra une formation en publicité.  

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