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Marie et Savignien ont remporté l'olympiade: qui se cache derrière ces férus de mathématiques?

Marie et Savignien, lauréats de l'olympiade mathématique belge, aiment comprendre, résoudre, et découvrir des façons différentes de raisonner. C'est cet état d'esprit, accompagné d'une bonne dose de travail, qui les a menés vers la victoire. Cette année, la compétition célèbre ses 40 ans d'existence, avec ce message en filigrane: que l'on vienne d'un milieu aisé ou populaire, que l'on soit une fille ou un garçon, les maths "c'est pour tout le monde".

"J'aime bien jouer aux échecs... Ca fait sûrement un peu cliché", plaisante Savignien Kreczman, un adolescent vivant à Amay en province de Liège. Il y a quelques semaines, il a remporté l'olympiade mathématique catégorie Midi, celle consacrée aux élèves de 3e et 4e secondaires. "A la proclamation, mes parents ont été très surpris, ils ne s'y attendaient pas du tout, raconte-t-il. En fait, un autre participant avait fait un point de plus que moi au premier test, donc on pensait que ce serait lui le gagnant lors du second".

Savignien ne s'est pas limité à l'olympiade nationale: il a aussi suivi des stages pour participer à des concours de mathématique qui ouvrent les portes de l'international. En effet, pour avoir une chance de partir à l'étranger, il faut participer à une série de compétitions qui se déroulent pendant l'année. "Dans ce cas, on peut parler de passion pour les maths, en tout cas pour la plupart des participants aux stages, décrit Savignien. Il faut aimer les maths, sinon les participants n'y consacreraient pas leurs week-ends".




Pour la première fois de sa vie, Savignien ira en Thaïlande, pour représenter la Belgique

Et les efforts du passionné ont payé: avec deux autres jeunes francophones, Savignien a été sélectionné pour partir en Thaïlande concourir à l'olympiade internationale le 18 juillet prochain. "J'ai été assez surpris d'être sélectionné, je suis très content, se réjouit-il. Je n'ai jamais voyagé aussi loin, ce sera une première et c'est un très beau cadeau".

"En international, la Belgique a toujours de bons résultats, constate Vincent De Clerck professeur de mathématiques et secrétaire régional à Bruxelles pour l'olympiade. On a déjà eu des médailles d'or, d'argent et de bronze. Mais les Américains et Chinois sont très forts évidemment".

Les élèves, qui doivent au moins être en 4e secondaire pour participer, partent quelques jours sans leurs parents. "Ils sont accompagnés d'une équipe de profs de math, poursuit le secrétaire régional. Ils ont des concours pendant deux jours. Il y a des subsides, mais ils ne couvrent pas toujours la totalité des frais. La Thaïlande, c'est loin: les billets d'avion sont très chers. Ces dépenses importantes sont supportées par la SBPM (la Société Belge des Professeurs de Mathématique d’expression française, ndlr), avec peu de subsides. La caisse de l'association finance aussi les cours préparatoires". Et d'où vient l'argent? "De sponsors mais surtout, de l'ensemble des membres, affirme Vincent De Clerck. Chaque prof de mathématique paie une cotisation".

Marie est l'une des seules filles à avoir remporté le concours

Cette année, le concours fête ses 40 ans. En quatre décennies, des choses ont changé, bien sûr, mais certains autres aspects n'ont pas évolué. Parmi eux: le nombre de filles inscrites. "Malheureusement, il y a très peu de filles, déplore le professeur de mathématiques. Ça ne s'améliore pas avec les années. Cependant, il existe des Olympiades européennes de mathématiques pour filles, l'EGMO. Ce concours a été conçu pour encourager l'intérêt des filles envers les mathématiques".


Mais cette année, la victoire de Marie, 14 ans, vient donner un peu d'espoir. Elle est arrivée en tête du concours des Mini (1ère et 2e années secondaires réunies). "C'est cool, je vais révolutionner l'olympiade!, plaisante-t-elle. C'est vrai qu'au premier degré, il y a des filles, mais après, ça diminue beaucoup". Accompagnée de ses parents à la proclamation, elle a sauté de joie quand elle a entendu son nom. "J'étais super contente, se souvient-elle. Mon père l'était aussi. D'ailleurs, il était presque aussi content que moi!".


Les profs et les parents sont derrière eux

Pour s'inscrire, Marie a été encouragée. "Par mon prof de math et par mon père", reconnait-elle. Son papa, ingénieur de formation, a voulu mettre toutes les chances du côté de sa fille. "Je lui ai dit 'On va te préparer', se souvient Michaël Petters. On s'est entraînés en faisant les questions des années précédentes". Résultat, Marie a décroché la première place.

Le soutien des profs et des parents est capital pour ce genre d'épreuves. C'est le cas aussi, pour Savignien: "Mon prof de math que j'avais en 1ère nous invitait à y participer, se souvient-il. Je me disais que ça pouvait être bien et j'ai continué. Ensuite, on nous a invités à aller aux stages d'entrainement, ce que j'ai aussi fait".

Ils aiment "comprendre", "résoudre" et découvrir de nouvelles façons de raisonner

La bosse des maths, ça leur vient d'où? "J'ai toujours eu des facilités en maths, constate Marie, aujourd'hui scolarisée en 2e secondaire. J'avais eu 100% en math au CEB, donc en 6e primaire". Son père a probablement joué un rôle. "Quand je ne comprenais pas quelque chose, mon père m'expliquait souvent des trucs plus avancés au niveau scolaire. C'est-à-dire qu'il partait souvent dans pleins de détails, et on finissait par parler de maths pendant des heures...".

Mais Savignien et Marie ne sont pas seulement doués en mathématiques: ils aiment les mathématiques. "J'aime bien résoudre des problèmes qui ne semblent pas évidents à première vue, j'aime bien les défis en général. Je ne sais pas vraiment comment le formuler...", explique Savignien. "J'aime bien comprendre, renchérit Marie. Les mathématiques, c'est comme un défi et parfois, c'est intéressant de résoudre des problèmes avec d'autres personnes car chacun raisonne différemment. Avec un de mes amis, qui est fort en maths, on avait fait un exercice, comme ça pour le plaisir, et on arrivait tous les deux à la même réponse, mais par des moyens différents".

En fera-t-elle son métier? A voir. "En fait, j'aimerais bien être artiste en peinture et dessin, mais avec ce genre de métiers, on n'a pas de garantie au niveau financier. Donc, j'irai peut-être plus dans les maths".

De moins en moins d'inscrits

Le positif pour l'adolescente? "Maintenant, je sais où me situer, observe Marie. Et puis c'est un peu différent de l'école. A l'école, on apprend la théorie, tandis qu'aux olympiades, on met ce que l'on sait en pratique. C'est ça aussi la difficulté". "Pour nous, l'olympiade permet de pousser les élèves à réfléchir plus, à travailler encore plus et à s'amuser autour des maths, estime Vincent De Clerck. Dans une certaine mesure, ce concours encourage le dépassement de soi et favorise la rencontre vers quelque chose de nouveau".

Néanmoins, selon Vincent De Clerck, il y a une régression au niveau de la participation des élèves. "Le constat qu'on pense pouvoir donner est que les élèves ont tellement de choses à faire à gauche, à droite, qu'ils vont moins s'intéresser à l'olympiade elle-même. Même constat pour les cours préparatoires: les élèves candidats sont de moins en moins nombreux. Nous avons l'impression qu'ils sont déjà sollicités un peu partout".

Il est vrai que les concours de mathématiques demandent un certain investissement. A part pratiquer les échecs, Savignien aime lire et jouer aux jeux sur son ordinateur. Seul regret? Ne pas faire de sport: "A cause des cours d'échecs ou des compétitions, je n'ai plus le temps de faire du sport, mais j'aimerais bien". Marie, elle, joue d'un instrument de musique: "Je joue à l'alto. C'est un violon un peu plus gros et grave, mais pas aussi grave qu'un violoncelle".

Certains jeunes, catégorisés "mauvais élèves", excellent lors de l'olympiade

Ceux qui brillent à l'olympiade mathématique, ne sont pas forcément les meilleurs élèves de la classe. La particularité du concours est qu'il n'est pas scolaire: "Il ne s'agit pas de restituer de la matière, explique Nicole Miéwis, professeure de maths pendant 40 ans dans la région de Liège. Il s'agit de résoudre des problèmes, des énigmes, c'est une question de logique". Cela donne lieu à de bonnes surprises: "Certains élèves, qui ne sont pas bons en classe, font d'excellentes résultats à l'olympiade, se réjouit-elle. Ils sont catégorisés 'mauvais élèves', mais ont des capacités dingues au niveau de la réflexion. C'est une autre manière de voir les choses: sous une forme ludique".

Un des élèves de Nicole a même gagné six fois de suite le concours. "Dans ce cas, ce sont en général des élèves qui percent, assure-t-elle. Celui-là a fini par passer l'examen d'entrée de l'université de Cambridge (deuxième plus ancienne université britannique, ndlr). Il y poursuit des études d'ingénieur".

Les cent finalistes sont couverts de cadeaux

"Tous les finalistes sont considérés comme gagnants", précise Vincent De Clerck. Les élèves reçoivent donc de "beaux cadeaux": "Des livres, calculettes, jeux, bandes dessinées, etc." Et le secrétaire régional insiste: "Si certains veulent essayer, contactez-nous directement! L'essentiel est de participer comme on dit". 

Bon. Reste à donner un conseil à ceux qui n'aiment pas vraiment les maths. "Pourquoi ne pas s'intéresser aux applications des maths dans la vie de tous les jours?, conseille Savignien. Ça pourrait les aider. Par exemple, l'algorithme du moteur de recherche de Google utilise des applications mathématiques".

@Justine_Sow

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