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Marie-France adresse une lettre ouverte à tous les médias: "Je ne désire pas connaître les détails d’une exécution !"

La dernière exécution du groupe jihadiste Etat Islamique a été particulièrement choquante. La vidéo d’un pilote jordanien brûlé vif dans une cage a été diffusée ce mardi et a circulé sur internet. Pendant 22 minutes, le supplicié essaie de se protéger avant d’être transformé en une boule de feu.

Ces images insoutenables ont été censurées par plusieurs médias, mais pour Marie-France ce n’était pas assez. Elle reproche les détails qui ont été donnés lors d'un bulletin d'information à la radio et qui permettaient de se faire une idée claire de cette scène d’horreur. Faut-il ou non donner les détails d’un tel acte ? Le droit de tout savoir est-il sain et pertinent ? L’information ne va-t-elle pas trop loin ? Marie-France nous a écrit une lettre ouverte via notre page Alertez-nous pour dénoncer ce qu'elle considère comme une course à l'information sans limite.


La lettre de Marie-France: "Des enfants ont commencé la journée en apprenant qu’on peut brûler vive une personne"

Je suis Marie-France ! Ce matin, sur les routes enneigées de mes chères Ardennes, je roulais tranquillement, admirant au passage les cimes des sapins tout éclairées par le soleil. Je méditais sur le bonheur qui m’était accordé de pouvoir contempler une si belle nature dans notre beau pays démocratique et paisible... En bonne citoyenne de mon pays et du monde, je décide d’allumer la radio pour m’informer. Je méditais alors sur le privilège qui m’était accordé de pouvoir m’informer dans notre beau pays démocratique et paisible...

Et là, j’entends la voix paisible de la charmante journaliste qui anime les petits matins infos de ma radio préférée annoncer l’exécution d’un otage jordanien par l’Etat Islamique. Et de sa même voix paisible, à peine plus dramatique, voilà qu’elle assène tranquillement à tous ses auditeurs quelques menus détails sur le modus operandi des exécuteurs...

Il était 8h du matin. J’imaginais les enfants conduits à l’école par des parents qui, en bons citoyens de leur pays et du monde, écoutaient les nouvelles à la radio. Ces marmots ont reçu la terrible information juste après leur tartine au choco du matin. Ils ont commencé la journée en apprenant, entre les prévisions météo et les infos trafic, qu’on peut brûler vive une personne en place publique en plein 21ème siècle.

Ce soir, une sainte colère me saisit ! J’en ai marre ! Je n’en peux plus de cette façon de traiter l’information qui finit par me déshumaniser ! Je ne désire pas connaître les détails d’une exécution ! Je ne désire pas savoir comment s’y prennent les barbares de tous temps pour tuer l’humanité ! J’en ai assez d’entendre les médias se draper dans une fausse éthique pour "choisir de ne pas montrer les vidéos" mais de s’empresser de donner aussitôt les détails sordides !

Savoir qu’on tue un innocent me donne envie d’agir pour la paix, l’entente, la tolérance. Savoir comment on tue me donne envie de me replier sur moi-même et mes sécurités tant est grande la violence des mots, tant je me sens agressée personnellement, dans mon humanité. Je suis sans défense devant cette façon abjecte de rendre compte de la vie du monde.

Je pourrais choisir de ne plus m’informer. Mais alors, je courberais l’échine non pas devant des terroristes, mais devant les médias de mon beau pays démocratique et paisible... Je choisis donc une autre option : je proteste ! Je revendique une information pertinente, vérifiée, digne, intéressante et surtout qui serve à nous faire grandir en humanité.

J’adresse donc cette lettre ouverte à tous les médias belges. De grâce, mesdames et messieurs les journalistes, les rédacteurs, les directeurs d’antenne, reprenez-vous ! Des détails sordides n’ont aucun autre effet que de faire de l’audience et de susciter la peur, la haine et le repli. Donnez-moi des informations traitées avec dignité, avec sobriété, avec retenue. Merci !

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