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Olivier, un papa originaire de Châtelet, est choqué en découvrant une publicité pour un taser destiné aux enfants: "Ce jouet devrait être retiré de la vente !"

Pistolets, épées, fusils, etc. Les enfants, et surtout les garçons, ont toujours joué aux soldats et aux cowboys. Mais, au fil des ans, certains jouets se rapprochent de plus en plus de l’apparence de vraies armes. Un père originaire de Châtelet a d’ailleurs été choqué de voir récemment une publicité pour un faux taser destiné aux bambins. Alors que penser de ces jouets guerriers ? Et comment réagir ?

Au début du mois de juillet, Olivier a reçu dans sa boîte aux lettres un dépliant publicitaire pour une chaîne de drogueries. En tournant les pages, l’attention de cet habitant de Châtelet s’est soudainement portée sur un jouet pour enfants: un taser avec son et lumière qui permet, selon la description affichée, de "neutraliser l’ennemi rapidement"."J’étais sidéré de voir ça. Je trouve ça "hard". Je ne comprends pas que l’on puisse vendre cela à des enfants à partir de 3 ans alors que c’est une arme interdite en Belgique. Moi qui suis papa, je ne l’achèterais pas", martèle le boulanger, père d’une fille de 7 ans et d’un garçon de 8 ans, qui nous a contactés via notre page Alertez-nous.

Une arme prohibée en Belgique

Chez nous, le taser est en effet une arme prohibée, comme le confirme la porte-parole de la police fédérale. En détenir un chez soi est une infraction punissable par la loi. De vives polémiques entourent l’utilisation de ce paralyseur. Car ce pistolet électrique, qui lance de puissants électrochocs, peut potentiellement être dangereux, surtout s’il est appliqué sur des personnes fragiles comme les personnes âgées et les enfants.

"Si mon fils joue avec un pistolet en plastique pour faire "pan pan", il n’y a pas de souci. Mais là, on va faire jouer les enfants avec un faux taser hyper sophistiqué alors que cette arme est interdite pour les grands. C’est aberrant", estime Olivier.


"Le jeu est un simulacre alors que là on est dans une copie de la réalité"

Un sentiment que comprend le pédopsychiatre Jean-Marie Gauthier."Ce n’est pas la même chose de prendre un bout de bois et de faire "comme si" on avait un fusil. Le jeu est un simulacre alors que là on est dans une copie de la réalité. C’est ça qui ne va pas du tout. Moi, je suis un peu choqué aussi", assure le pédopsychiatre à l'hôpital de la Citadelle et professeur à l’Université de Liège."Un taser, c’est un peu scandaleux. L’objectif est beaucoup plus précis et violent puisque c’est anesthésier quelqu’un. C’est vraiment exporter la violence des Etats-Unis dans nos pays", estime-t-il.

Selon cet expert, ce n’est pas le fait que les enfants jouent avec des armes factices qui est inquiétant, mais la ressemblance de plus en plus grande avec la réalité. Pas étonnant, ni dramatique donc si votre garçon ou votre fille vous demande d’acheter un faux revolver pour se transformer en cowboy ou en policier. De tout temps, l’enfant a joué "à la guerre" afin d’exprimer, en fonction de son tempérament, sa puissance."Au début de notre existence, on a des pulsions agressives et progressivement l’éducation nous permet de les contrôler. Le jeu permet donc de maîtriser cette agressivité qui est en nous. Mais plus on joue de manière réaliste, moins on la met dans l’imaginaire et moins on la contrôle facilement", indique Jean-Marie Gauthier. En d’autres termes, la confusion risque d’être plus grande entre la réalité et la fiction. Selon ce pédopsychiatre, ces armes factices ne rendent donc pas forcément nos enfants plus violents, mais "ces jouets maintiennent le rapport social dans un rapport de violence".


"C’est très important de rester dans le domaine ludique"

Pour Emmanuel de Becker, pédopsychiatre aux cliniques universitaires Saint-Luc, il y a effectivement des avancées dans la sophistication des jouets, qui se rapprochent de plus en plus de l’apparence des armes réelles. Il admet également que la violence est plus manifeste dans notre société. Mais, selon lui, il ne faut pas s’alarmer pour autant."C’est très important de rester dans le domaine ludique et donc dans le "faire comme". Il faut pouvoir exprimer sa puissance, parfois son agressivité, à travers une activité pour autant qu’il y ait des règles et un cadre bien posé. D’ailleurs, le sport, comme l’escrime ou le football, ce n’est que ça", soutient-il.


L’importance du dialogue entre le parent et l’enfant

Pour éviter des dérapages dramatiques, le pédopsychiatre de Saint-Luc conseille aux parents, dans leur rôle éducateur, de favoriser davantage un dialogue clair et structurant avec leurs enfants. Leur dire qu’il s’agit bien d’un jeu, où l’on fait semblant. Et de leur expliquer qu’une arme réelle, c’est extrêmement dangereux puisqu’elle peut enlever la vie."Un simple bâton peut tuer. Pour moi, ce n’est donc pas tant l’objet qui est dangereux que la signification, ce que l’on va en dire et en faire. Le tout pour moi, c’est que le discours soit toujours présent et même renforcé, que l’enfant et l’adulte puissent se rencontrer en parlant, en mettant des mots sur ce qu’est une arme, c’est quoi jouer, c’est quoi exprimer ses sentiments. C’est la base de l’humanisation."

Pour son confrère de l’Ulg, il faudrait être plus radical et interdire tout simplement ces jouets qui ressemblent à de vraies armes."Il faut refuser à vos enfants d’avoir ce type de jouets et leur expliquer pourquoi. Leur dire que, dans notre société, tout ne se règle pas par la force et qu’il faut pouvoir parler et négocier avec les gens. On ne peut pas leur interdire de jouer à la guerre, mais de là à leur acheter des armes très réalistes, il y a un chemin."


Le magasin surpris par cette réaction négative

Olivier estime également qu’il faudrait retirer de la vente ce taser pour enfants. De son côté, le magasin qui le commercialise se dit surpris par cette réaction négative."Ce jouet fait partie d’une série temporaire qui permet aux enfants de se glisser dans la peau d’un agent secret. Il y a donc ce taser mais aussi par exemple des lunettes d’espion. Nous pensions que c’était bien clair qu’il s’agit d’un jouet avec des effets sonore et lumineux. Et nous n’avons d’ailleurs reçu aucune autre plainte de consommateurs à ce sujet", assure José Mes, porte-parole de Kruidvat, la chaîne de drogueries."Bien sûr, nous regrettons le fait que ce papa ne soit pas content. Je ne pense pas que nous ayons déjà retiré un jouet de la vente car il aurait été considéré comme offensant ou inapproprié. Pour nous, c’est important de faire preuve de respect et d’éviter de provoquer un sentiment négatif", ajoute-t-elle.


La sécurité des jouets contrôlée

Ce que les autorités contrôlent, c’est essentiellement la sécurité des jouets. L’objectif est simple: éviter tout risque pour les enfants. Les fabricants des jouets sont ainsi soumis à toute une série de contraintes et d’exigences pour pouvoir vendre leurs produits."Ce sont eux qui déterminent l’âge-limite conseillé, pour autant que ce ne soit pas contradictoire avec la finalité du jouet. Par exemple, un fabricant ne pourrait pas mentionner "interdit aux moins de 3 ans" pour un hochet. Le fabricant détermine l'âge sur base de "guidelines" élaborées au niveau européen (Centre européen de normalisation) et qui concernent essentiellement la sécurité", indique Etienne Mignolet, porte-parole adjoint du SPF Economie.

> CONSEILS LORS DE L’ACHAT D’UN JOUET

Pour ce qui est de l’éthique, il n’y aurait donc pas de règles contraignantes. Reste donc aux parents de décider s’ils veulent ou non acheter une arme en plastique à leurs enfants, en fonction de leur propre appréciation. Olivier, lui, n’a aucun doute. Le boulanger de Châtelet n’achètera pas de taser pour son fils ou sa fille. Il préfère les voir jouer avec des poupées et des jeux de construction.

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