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Philippe travaille près de 60h par semaine, pourtant il voit ses allocations baisser aussi vite qu'un chômeur à temps plein: "Scandaleux!"

Philippe est furieux. Chauffeur routier depuis plusieurs années, il travaille sous statut intérimaire depuis près de deux ans. S'il lui arrive de travailler jusqu'à 60, voire 65 heures par semaine, il pointe aussi parfois au chômage. "Je signe des contrats journaliers et quand aucun employeur ne m'en propose, j'ai droit au chômage. Mais ça arrive maximum deux à trois jours par trimestre", nous confie-t-il.

Jusqu'ici, il n'y a rien d'anormal ou de perturbant dans les déclarations de cet homme qui, malgré son statut d'intérimaire, "dépasse allègrement le nombre d'heures prestées par un travailleur sous CDI employé à temps plein", selon ses propres termes.


Comment se fait-il que Philippe travaille autant ?

La législation dans le secteur des transports autorise un chauffeur à travailler 15 heures par jour, deux fois par semaine. Les autres jours, ils peuvent légalement travailler jusqu'à 13 heures par jour. Attention, on parle ici des temps de travail, et non des temps de conduite qui sont inférieurs. "Oui mais on ne fait pas que conduire. Il faut charger, décharger, atteler, etc... Et les employeurs en profitent, surtout avec les CDD. Alors c'est sûr, mon temps de conduite est limité à 56 heures par semaine. Mais si on compte tout ce que je fais à côté, on arrive bien à 65 heures hebdomadaires. Facilement même", a ajouté Philippe.


Près de 65 heures par semaine et pourtant chômeur occasionnel ?

Malgré ses horaires bien chargés, il arrive à Philippe d'être officiellement sans emploi. Cela ne dure pas plus de 24 heures, mais en tant qu'intérimaire qui signe des contrats journaliers, un statut particulièrement précaire, il se peut qu'aucun employeur ne fasse appel à ses services. "Cela n'arrive pas souvent, maximum deux à trois jours par trimestre, mais cela reste sécurisant d'avoir des allocations de chômage pour ces périodes-là", confie-t-il.

Mais cette "sécurité" n'est pas illimitée pour ce chauffeur routier qui a vu ses allocations de chômage baisser aussi vite que s'il était chômeur temps plein. Une mauvaise surprise qui scandalise Philippe. "J'ai 49 ans et je vis seul. En trois ou quatre ans, je me retrouve avec une indemnité de chômage forfaitaire, alors que je n'ai seulement qu'une trentaine de jours réellement indemnisés. Comparé à une personne sans travail qui serait en quatre ans à près de 1.000 jours indemnisés, cette trentaine de jours est dérisoire. Sans compter qu'en travaillant tant je participe au financement du système".


"J'estime avoir droit à ces allocations"

Du côté de l'Onem, on reconnaît que la règle en vigueur pour notre chauffeur routier le condamne à voir ses allocations baisser trimestre après trimestre. "Pour la prolongation des périodes d'indemnisation, il est en effet tenu compte d'une occupation comme travailleur à temps plein uniquement si celle-ci a une durée d'au moins 3 mois", nous a-t-on précisé au service communication de l'organisme public.

Un travailleur qui chôme ne serait-ce qu'un jour par trimestre est donc soumis aux mêmes règles qu'un chômeur temps plein. Une situation qu'a refusé de commenter l'Onem qui "est chargé d'appliquer la réglementation en vigueur, telle qu'elle est décidée aux niveaux législatif et exécutif. Pas de la commenter et encore moins de la juger".

Philippe, par contre, ne se prive pas. "J'estime avoir droit à ces allocations. Je l'estime car une moyenne de 55 heures hebdomadaires est quelque chose de normal dans mon métier. Alors chasser celui qui abuse, OK, mais pénaliser des gens en généralisant une règle à tous ceux qui ont l'étiquette sur leur front avec un statut 'chômeur longue durée', c'est tout simplement scandaleux".


Le ministre botte en touche, l'Onem propose une solution

Ce travailleur intérimaire a d'ailleurs l'espoir que le gouvernement, et plus précisément le ministre de l'Emploi Kris Peeters, qui compte "flexibiliser" le temps de travail sur base annuelle, prenne des cas comme le sien en considération. "Quand le gouvernement planche sur une annualisation du temps de travail pour permettre plus de flexibilité, je trouverais logique qu'ils associent cette annualisation dans le calcul de l'octroi des allocations de chômage". Autrement dit, pour Philippe, toute personne qui a atteint un quota d'heures équivalent à un temps plein devrait garder son droit au chômage à 100%.

Contacté par nos soins, le porte-parole du ministre Peeters n'a, cependant, pas vraiment réagi en ce sens, et a plutôt tenu à souligner qu'il n'est pas réglementaire de signer des contrats à durée déterminée successifs sans raison valable. Sauf si la nature du travail le justifie, comme pour les emplois saisonniers par exemple. 

L'Onem, de son côté, a apporté des conclusions plus optimistes pour notre camionneur en précisant que sa situation n'était pas figée et qu'un retour aux allocations de base était possible, mais à certaines conditions. "Ce retour peut être octroyé après une reprise du travail comme travailleur à temps plein pendant une période d'au moins 12 mois au cours d'une période de référence de 18 mois. Et pour atteindre ces 12 mois, on tient compte des journées de travail salarié, peu importe qu'il s'agisse de contrats journaliers ou de contrat de plus longue durée".

Des conditions connues par le camionneur, mais qui ne le convainquent pas. Ce dernier concentre ses critiques sur le système qui, selon sa propre opinion, ne devrait jamais faire descendre le montant de ses allocations au vu de ses prestations, peu importe qu'il soit possible ou non de revenir aux montants "de base". "On est touché par la dégressivité alors que le nombre d'heures équivalent à un temps plein, on l'a en dix mois. Il n'y a pas grand-chose d'autre à dire".

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