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Porter plainte à la police locale quand on pense être victime d'une arnaque sur internet? Daniel, de Sombreffe, n'essaiera plus!

S'estimant arnaqué par un site d'e-commerce belge, Daniel affirme s'être vu opposer un refus de la part de l'agent de police de Sombreffe au moment de déposer sa plainte. Le responsable de la zone de police SAMSOM (Sambreville et Sombreffe) nous a donné une version différente, mais nous en dit également plus sur une procédure qui n'a finalement pas lieu d'être.

Alors que les arnaques sur internet se multiplient – nous vous en parlons régulièrement sur RTL info – la police belge a fermé, en juillet dernier, son point de contact e-cops, dont le but était justement de collecter toutes les infractions constatées en ligne.

Depuis lors, plusieurs options sont offertes et conseillées aux victimes sur la page d'accueil qui a remplacé le site web d'e-cops. Et les choses ne sont pas très claires... S'il s'agit d'un problème "dans le cadre de la législation économique", il faut se tourner vers le Service Public Federal (SPF) Economie. Si on s'estime "victime d'un délit", il faut déposer plainte de manière traditionnelle auprès de la police locale. 

Daniel, qui s'estime victime d'une arnaque car il n'a pas reçu un produit commandé sur un site belge plus d'un mois après avoir été débité, s'est tourné vers les deux options. Mais il assure s'être vu refuser un dépôt de plainte à la police de Sombreffe. "Le policier m'a dit qu'il ne pouvait pas acter ma plainte car il s'agissait de e-commerce et non de vol", nous a-t-il raconté, stupéfait, après avoir contacté la rédaction de RTL info via la page Alertez-nous. 

Mais qui a raison, finalement ? Nous avons enquêté afin de tenter d'obtenir une réponse.

Des batteries pour son alarme

L'histoire de Daniel est très banale. Il y a cinq ans, il a acheté un système d'alarme sur le site belge Intellihome.be. Gardant un bon souvenir de cette expérience, il a décidé au mois de septembre d'acheter les batteries de remplacement nécessaires au bon fonctionnement de cette alarme. Il se rend donc logiquement sur le site et passe commande. "C'était le 30 septembre, et on me promettait une livraison 24-48h pour ma commande d'une valeur de 123,90€", nous a expliqué cet indépendant comptable-fiscaliste.

Mais une semaine plus tard, ne voyant rien venir ("sur le site, il est toujours indiqué : commande en cours de traitement"), il décide de contacter Intellihome. C'est là que les ennuis ont commencé.



Intellihome.be ne dit rien à Daniel, mais nous a répondu

Car le site ne va donner aucune suite aux demandes de renseignements de Daniel. "J'ai tout essayé, mais leur service clientèle se limite à un formulaire de contact. Je n'ai reçu aucune réponse. Il n'y a pas de helpdesk, pas de numéro de téléphone", selon ce comptable fiscaliste.

Deux semaines plus tard, alors qu'il n'a toujours rien reçu et que sa commande demeure "en cours de traitement", il constate que son compte a bien été débité. 

Nous avons contacté Intellihome.be pour obtenir une réponse. Sa version est différente. "Cet article est en rupture de stock et sera de retour en stock la semaine prochaine. [Le client] a été informé que cet artice était en rupture de stock (ce que conteste Daniel, NDLR). De toute façon, nous offrons [au client] le choix d’attendre le retour en stock de l’article ou le remboursement du montant payé pour le pack de batteries". Encore faut-il qu'il soit au courant.


Une plainte "économique" et en ligne

Sans nouvelle du site et "subodorant une escroquerie, j’ai cherché sur internet le site de la police du web, mais sans résultat", poursuit Daniel.

Comme on l'a dit en début d'article, l'actuelle page d'ecops.be mentionne la fermeture du service, et précise ceci :

"Si vous avez été victime d’un délit et que vous souhaitez déposer plainte, vous pouvez vous adresser à la police locale de votre entité ou de votre choix. Vous trouverez un aperçu des zones de police en cliquant ici. Pour obtenir des informations ou signaler des infractions dans le cadre de la législation économique, nous vous conseillons de consulter le site web du SPF Economie via ce lien".

Daniel a d'abord déposé plainte sur le site du Service Public Fédéral. "C'est un formulaire, et il n'y a pas de retour. Je n'ai reçu aucune information à propos de ma plainte à ce jour".


® Google Street View

Accueil glacial à la police de Sombreffe

Daniel se tourne alors vers l'option numéro deux, s'estimant "victime d'un délit", et se rend au poste de police de Sombreffe, le 21 octobre à 11h45. "L'agent n'était pas trop chaud pour m'accueillir. Il me fait finalement rentrer pour enregistrer ma plainte. Je lui donne la facture que j'avais imprimée, celle que j'avais reçu par email au moment de la commande".

La suite des évènements prend une tournure étonnante.

"Le policier prend le papier et s'en va dans un autre bureau. Il revient et dit que c'est du commerce en ligne, que ce n'est pas du vol. 'On ne peut rien faire', m'a-t-il plusieurs fois répété".


Le policier refuse d'acter sa plainte et se braque

Agacé car il estime avoir suivi la procédure, Daniel insiste, demandant uniquement qu'on acte sa plainte pour qu'il ait un PV, important si son dossier va en justice. "Il a refusé de me faire ce PV. Je lui ai demandé, à défaut d’un PV, d’établir un document comme quoi je souhaitais porter plainte, il a refusé également".

Se déclarant "désarçonné par pareille attitude", Daniel a déposé une plainte au Comité P, la police des polices: "J'ai donc porté plainte parce qu'un policier a refusé d'acter ma plainte. C'est kafkaïen!" estime-t-il.

Que dit la police ?

Nous avons contacté Claude Grégoire, chef de corps de la zone de police SAMSOM (Sambreville et Sombreffe). Son policier lui a donné une version différente de l'entrevue avec Daniel.

"Après avoir écouté l'histoire, le policier lui a demandé s'il avait déjà pris contact avec la société, et (Daniel, NDLR) lui a répondu que non". 

Le policier lui aurait alors "conseillé de prendre contact" avant de déposer plainte. Et les choses en seraient restées là. 


La plainte: "Pas une solution en soi"

Mais à bien y regarder, la police de quartier est finalement bien impuissante dans ce genre de cas. Même si le policier aurait du acter sa plainte (car Daniel a le droit de le faire, pour étoffer son dossier s'il va en justice), ce n'est pas de ce côté qu'il faut attendre une quelconque suite.

Le chef de corps de la zone de police SAMSOM nous l'a confirmé. Une plainte comme celle de Daniel "est transférée au parquet". Celui-ci "peut décider de la classer sans suite" ou "la transférer au tribunal de commerce", si c'est important.

Mais selon Claude Grégoire, "la parquet ne fera rien: vu ses capacités actuelles, il n'y a déjà pas de suites données aux vols simples et aux coups simples". Un litige commercial d'une valeur de 123€ sera donc certainement classé sans suite.

"On peut toujours déposer plainte, partout et pour tout... mais ça n'est pas une solution en soi... Vous n'imaginez pas la quantité de travail inutile que [les plaintes classées sans suite] représentent". 


Se tourner vers le SPF Economie et "Belmed"

C'est bien la plainte auprès de notre service fédéral Economie qui pourrait faire bouger les choses, mais il faut que plusieurs personnes le fassent. Or d'après la version d'Intellihome.be, le cas de Daniel serait un simple problème de communication.

Mais en théorie, "lorsque plusieurs consommateurs dénoncent les mêmes problèmes à l’encontre d’un même prestataire, (...) l'Inspection économique introduit une demande d’enquête sur le comportement économique des entreprises concernées", peut-on lire sur cette page du SPF. 

Et ensuite ? "Dans la plupart des cas, l'intervention des contrôleurs sur le terrain porte ses fruits. Mais, lorsque les prestataires restent dans l'illégalité, (...) nos contrôleurs établissent un pro justitia stipulant les pratiques commerciales illégales constatées et le transmettent au procureur du roi".

Si une telle mésaventure vous arrive, après avoir porté plainte auprès du SPF Economies, introduisez également une demande de médiation auprès de Belmed. Ce service du SPF permet de résoudre des litiges commerciaux via internet, en dehors des tribunaux, grâce à l’intervention d’un médiateur indépendant. Ça se passe ici. 

Tout cela vous évitera de perdre du temps dans un poste de police.

Mais rien ne serait arrivé si Intellihome avait pris la peine d'expliquer à Daniel que le produit commandé était en rupture de stock. Sur les grands site d'e-commerce, qui gèrent nettement mieux les commandes, les stocks et le service après-vente, Daniel aurait commandé en connaissance de cause, et aurait reçu toutes les informations nécessaires par après.

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