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Walhain a installé des chicanes et des dos d'âne pour casser la vitesse: "C'est plus dangereux qu'avant!", se fâche Cédric

Il y a quelques mois, Cédric a vu un casse-vitesse être installé juste à côté de chez lui, à Walhain, en Brabant wallon. Un dispositif placé dans le cadre d'un plan plus large, visant à favoriser l'utilisation du vélo dans la commune. En quelques années, chicanes, dos d'âne et coussins berlinois sont apparus dans les rues. Des installations qui ne font pas l'unanimité...

La commune rurale de Walhain est l'une des dix localités inscrites dans le plan Wallonie cyclable. Un projet de 18 millions d'euros qui vise à rendre nos rues plus accessibles aux cyclistes. Et souvent, la vitesse du trafic est un frein à l'utilisation du vélo. Du coup, à Walhain, de nombreux aménagements ont été placés pour ralentir la circulation et augmenter le sentiment de sécurité des usagers "faibles". Des installations qui ne sont pas du goût de tout le monde. Cédric et d'autres habitants remettent en question les investissements réalisés. "Ils ont installé des chicanes partout, c'est insupportable, c'est pire qu'avant!", proteste notre témoin.


"Les vibrations étaient tellement fortes que les verres tremblaient dans mes armoires!"

Chicanes, casses-vitesse, pistes cyclables... Portés par le plan Wallonie cyclable, les dispositifs de sécurité se sont donc multipliés à Walhain, jusqu'à ce que vienne le tour de la rue Saint-Vincent, où habite Cédric. Une école se trouve à quelques centaines de mètres, dans la rue Abbesse, où une zone 30 sécurise l'établissement scolaire. En quittant cette zone, la vitesse limitée passe à 50 km/h, avant de redescendre à 30 km/h à l'approche de la place Saint-Vincent, près de laquelle habite Cédric.

"Pour dissuader les automobilistes de rouler vite, le bureau d'étude chargé de la mobilité a préconisé l'installation d'un coussin berlinois (un plateau ralentisseur)", explique Christophe Legast, directeur général de Walhain. Mais après quelques semaines, les riverains ont contacté la commune pour protester: "Des fissures sont apparues sur les façades des maisons. Les vibrations étaient tellement fortes que les verres tremblaient dans mes armoires!", nous explique Cédric.

"Le dispositif était dimensionné pour être franchi à faible allure, mais les gens n'ont pas modifié leur comportement et des véhicules continuaient à passer à du 50 km/h", explique Christophe Legast. Une information confirmée par notre témoin, qui pointe du doigt les véhicules lourds. "Ce type de casse-vitesse n'oblige pas du tout les tracteurs, camionnettes ou les bus à ralentir. Ils roulent dessus sans freiner et ça provoque d'importantes vibrations", décrit Cédric.

Face aux plaintes, les autorités sont intervenues très rapidement. "Pour éviter tout problème supplémentaire, nous avons fait enlever le casse-vitesse le mercredi 21 décembre", explique Christophe Legast. "La commune a été très réceptive, ils ont été super sympas", souligne d'ailleurs Cédric.


Photos prises après le retrait du coussin berlinois

D'après le directeur général, le coût supplémentaire de cette modification ne concerne que la main d'œuvre. "Le coussin en lui-même peut être récupérer pour un autre endroit. Et puis, c'est un petit ajustement", dit-il.


Walhain veut changer le comportement des conducteurs: "On rend la route plus accessible à d'autres usagers"

Le dispositif installé devant l'habitation de Cédric faisait partie d'un plan global d'aménagement des voiries à Walhain, qui a reçu plus d'1,2 million d'euros de la région wallonne. Au total, 10 communes pilotes ont reçu un montant global de 18 millions d'euros dans le cadre du plan Wallonie cyclable. L'objectif? Favoriser l'utilisation du vélo en sécurisant les chaussées.

Les subsides reçus par Walhain sont investis en cinq ans entre 2012 et 2017. "Le plus gros a déjà été fait", précise Brigitte Maroy, éco-conseillère et conseillère en mobilité à l'administration communale de Walhain. Pour utiliser efficacement cette manne financière, un bureau d'étude a été désigné pour préparer le plan communal cyclable de la localité. L'un des projets visait à définir des zones 30 et les travaux à effectuer pour les faire respecter. "La vitesse est souvent ressentie comme un frein pour les cyclistes, c'est peu sécurisant. En ralentissant la circulation, on rend la route plus accessible à d'autres usagers", explique Christophe Legast, le directeur général.

> Aménagements cyclables: un document sur les installations possibles


Mais des citoyens protestent: "Ça donne l'effet contraire!"

En quelques années, Cédric a donc vu les rues de sa commune se transformer. D'après lui, conduire est devenu un véritable cauchemar. "Ils ont installé des chicanes partout, mais les gens accélèrent pour passer avant ceux qui viennent en face. Ça donne l'effet contraire, c'est ridicule. Ça rend les choses plus dangereuses qu'avant", estime-t-il. Pour notre témoin, même les pistes cyclables posent problème. "Les camions qui nettoient les voiries ne parviennent pas à y accéder pour les nettoyer, c'est ridicule, et les vélos ne les utilisent pas car les pistes sont trop sales", affirme-t-il.

Nous nous sommes rendus sur place au cours d'un dimanche très ensoleillé. De nombreux vélos étaient de sortie pour l'occasion. Plusieurs habitants de la commune confirment les propos de Cédric et se plaignent de ces installations. Un père qui faisait une balade en vélo avec sa fille reconnaît cependant l'utilité de certains aménagements. "Sans une piste cyclable bien séparée de la route, je n'aurais même pas pensé à sortir les vélos, ce serait trop dangereux", nous a-t-il confié, juste à côté d'une route où les voitures roulent facilement à du 70 km/h. Sur 400 mètres, une chicane et un plateau poussent pourtant les conducteurs à ralentir, mais force est de constater que plusieurs automobilistes remettent les gaz une fois le ralentisseur passé (voir la vidéo ci-dessus).

Cédric propose d'utiliser des radars fixes pour faire respecter les limitations de vitesse. Mais la commune souligne que le coût de ces systèmes répressifs est beaucoup plus élevé et que les tribunaux sont déjà saturés.


L'avis d'un spécialiste

Face aux deux points de vue contradictoires, nous avons contacté Benoît Godart, le porte-parole de l'Institut belge pour la sécurité routière (IBSR). Il rappelle que les citoyens sont souvent les premiers à demander des aménagements pour réduire la vitesse du trafic dans leur lieu de vie. "On reçoit énormément de courriers de gens qui disent que les voitures roulent beaucoup trop vite dans leur rue", confie-t-il. "Si on constate vraiment un problème à un endroit, toute une procédure est lancée, et souvent la police est contactée pour se rendre sur place et analyser la situation", ajoute-t-il. "Il faut aussi rappeler qu'en matière de vélo, la Wallonie a un gros retard à combler par rapport à la Flandre", précise-t-il.

Concernant Walhain, Benoît Godart se dit incapable de juger un cas précis sans pouvoir l'analyser en profondeur. "Les aménagements doivent être installés au cas par cas. Par exemple un coussin berlinois peut être adapté à une rue mais complètement inutile dans une autre. Chaque installation a ses avantages et ses inconvénients, aucune ne présente aucun point négatif", explique le porte-parole de l'IBSR.

Pour ce qui est des chicanes, que notre témoin accuse de provoquer des comportements dangereux, le spécialiste relativise. "Je n'ai jamais entendu parler d'un accident dû à un conducteur qui a accéléré dans une chicane pour passer avant un autre", dit Benoît Godart. "Et si de tels comportements se produisent, la commune doit être contactée et doit prendre des mesures pour vérifier l'aménagement et le modifier si besoin", précise-t-il.

Mais au final, pourquoi ne pas installer des radars? Pour Benoît Godart, cela peut être une solution... qui a tout de même des inconvénients. "Avec un radar préventif, on peut voir à quelle vitesse les conducteurs roulent, et ensuite décider des mesures à prendre. Avec un radar répressif, on est sûr que les automobilistes vont ralentir, mais rien ne dit qu'ils ne vont pas rouler beaucoup plus vite juste avant ou juste après le radar", précise le porte-parole. Sans oublier le coût d'un tel système.

> Ralentisseurs: un document du ministère français de l'Ecologie

Si les autorités entendent les commentaires des riverains mécontents, elles rappellent que le projet dans lequel elles se sont lancées doit encore être évalué et adapter selon les besoins. En outre, elles défendent leur politique et espèrent changer les mentalités sur le long terme, pour soutenir les déplacements en vélo.

@David Fourmanois

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