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Prévenez les personnes âgées qui n'ont pas internet: les "brouteurs" se mettent aux arnaques par la poste

Les "brouteurs", ce sont ces arnaqueurs provenant souvent de pays africains qui vous contactent pour vous soutirer de l'argent. Certains passent désormais par des courriers postaux et non plus des e-mails. Ils touchent ainsi une tranche de la population moins au courant du phénomène et donc plus facile à arnaquer. Voici comment reconnaître ces arnaques et que faire si vous en recevez une.

Le 20 mars dernier, Natasha, une Bruxelloise, reçoit un courrier à son nom dans sa boite aux lettres. A son grand étonnement, la missive vient de loin: d'Afrique du Sud ! Un endroit où elle ne connait personne... Plus étonnant encore, ses parents ont reçu le même courrier une semaine plus tard.

Une fois ouverte, Natasha comprend vite à qui elle a affaire. La lettre est écrite en anglais, ce qui est assez logique vu son pays d’origine, et propose... de gagner beaucoup d’argent facilement. Une arnaque comme il en existe des centaines sur internet. "C’est le genre de message que beaucoup de gens reçoivent déjà par mail. Et bien maintenant, c’est carrément par courrier. Ça fait plus sérieux et pro. Je suis certaine que certaines personnes risquent de tomber dans le panneau...", nous expliquait-elle via notre bouton orange Alertez-nous. Comme des personnes sans internet, peu habituées aux arnaques et qui ne se méfieront pas forcément d'un courrier adressé à leur nom à la bonne adresse.



Que disait la lettre ? Envoyée avec l’en-tête de la First National Bank, située à Johannesbourg en Afrique du Sud, elle est écrite par un certain Patrice Patel. Il se décrit comme l’auditeur en chef de la banque, et raconte cette histoire :


Qui veut une part des 22 millions de dollars qui dorment sur un compte sans bénéficiaire?

Un compte a été ouvert en 1980 dans sa banque par un géologue étranger qui travaillait pour la Kruger Gold Company. Il n’a plus été utilisé depuis 1990, année de la mort de cette personne. Dessus : pas moins de 22 millions de dollars américains dorment en attendant d’être rendus aux héritiers de cette personne. Mais M. Patel l’affirme : il a fait des recherches et il n’a trouvé aucun bénéficiaire.

Il propose donc à Natasha, qu’il ne connait pas, de... partager cet argent avec lui en se faisant passer pour la bénéficiaire légitime. "Le management de la banque est prêt à approuver le versement du contenu du compte à tout étranger qui fournirait les bonnes informations sur celui-ci", explique-t-il. Informations que M. Patel fournirait au préalable à Natasha.

Si elle accepte de coopérer, il transfèrerait la totalité de la somme sur le compte en banque belge de Natasha avant de détruire toute preuve de la transaction dans sa banque. Il débarquerait ensuite en Belgique pour y partager le pactole : 65% pour lui, 30% pour Natasha, et 5% pour des frais de transaction.


Demande de renseignements personnels

Il enjoint dès lors Natasha à le contacter par téléphone, précisant bien qu’il a besoin, pour réaliser l’opération, des informations suivantes :

  • Son numéro de GSM
  • Son numéro de fax (si si...)
  • Le nom de sa banque
  • L’adresse de sa banque
  • Son numéro de compte bancaire
  • Le code BIC (ou SWIFT) de sa banque
  • Son numéro de Registre national
  • Son adresse (qu'il a donc déjà)

Sans vos codes bancaires ou votre carte d'identité, ils ne peuvent rien

Il s’agit bien sûr d’une arnaque, fortement répandue sur internet comme on le verra ci-dessous, mais dont certains cas ont déjà été recensés par courrier postal. Mais si quelqu’un mord à l’hameçon et envoie ces données privées à l’arnaqueur, que peut-il en faire ? "A priori, rien", rassure Rodolphe de Pierpont, le porte-parole de Febelfin, l’association belge des banques. "Il faudrait encore y ajouter la carte d’identité. En pratique, ils ne peuvent procéder à l’ouverture d’un compte qu’avec une carte d’identité volée, en se présentant au guichet. Et encore faut-il que la photo soit ressemblante."

Ce qui lui fait dire qu’il ne s’agit certainement là que d’une première étape de l’arnaque. "Dans ces e-mails de phishing (hameçonnage en français), ils construisent une histoire et y vont par étapes successives, pour mettre la victime en confiance et solliciter, dans une deuxième temps, des opérations (un transfert d’argent par exemple) ou qu’elle donne ses codes."


Ne jamais donner ses codes bancaires ni d'autres données personnelles

C’est là le point central : il ne faut JAMAIS donner ses codes bancaires à qui que ce soit, "que ce soit votre code PIN ou le code fourni par votre digipass". Même votre banque ne vous les demandera jamais.

Et tant qu’à faire, autant étendre la recommandation à toutes les données personnelles. "C’est la phrase centrale à retenir : ne jamais communiquer de données qui ne sont pas nécessaires" . Quand on reçoit ce type de demande, le conseil de M. de Pierpont est simple : "N’y donnez pas suite" . Et si malheureusement vous êtes déjà embarqués dans une arnaque, il n’est jamais trop tard pour la dénoncer. "Contactez votre banque le plus vite possible" pour qu’elle puisse stopper un maximum de transactions avant qu’elles n’aient été finalisées. Une version de l’arnaque dite de "l’étranger décédé" Mais comment se rendre compte qu’il s’agit d’une arnaque ? En s’informant, tout simplement. Celles qui touchent la banque en ligne sont répertoriées par Febelfin sur le site Safe Internet Banking . Et pour ceux qui comprennent l’anglais, il existe le site 419scam.org , aussi complet qu’il est esthétiquement laid... Celui-ci nous apprend par exemple que l’arnaque adressée à Natasha circulait déjà en 2015 avec sensiblement la même histoire, mais un auditeur en chef du nom de Paul Morgan et non Patrice Patel. En fait, chez les anglo-saxons, cette arnaque est tellement connue qu’elle porte même un nom : la "dead foreigner scam", qu’on peut traduire par l’arnaque dite de "l’étranger décédé". Il s’agit d’une des nombreuses formes de "419 Scam", nom donné en référence à l’article 419 du code pénal du Nigéria qui permet de poursuivre ces arnaqueurs. En francophonie, on les appelle plutôt "arnaques à la nigériane", pays d’origine de la plupart des arnaqueurs anglophones, ou "arnaques à l’ivoirienne", où sont situés la plupart des arnaqueurs francophones. Ceux-ci sont surnommés les "brouteurs", en référence aux ruminants qui ne craignent pas d’aller manger l’herbe plus verte du pré du voisin... Toujours le même principe de base: susciter votre intérêt pour ouvrir votre portefeuille Cette "dead foreigner scam" est répertoriée par 419scam.org, où on peut retrouver nombre de descriptions d’arnaques, souvent déjà dénoncées par RTLinfo.be. Le principe est toujours le même : faire appel à votre cupidité ou vos besoins financiers, vos bons sentiments ou même votre libido pour in fine vous soutirer de l’argent. Vous avez gagné à une loterie à laquelle vous n’avez jamais participé ? Arnaque. Vous héritez ou quelqu’un a besoin de vous pour toucher un héritage en transitant par un compte en Europe ? Arnaque. Une personne doit subir une opération d’urgence et il faut l’aider en envoyant de l’argent à la famille ? Arnaque. Une créature ultra sexy que vous ne connaissez pas s'intéresse subitement à vous ? Début d'arnaque... Car ces brouteurs sont présents partout : dans vos boites mails, dans vos boites aux lettres, mais aussi sur les réseaux sociaux comme Facebook ou les sites de rencontre. Traditionnellement, ils s’y font passer pour une jolie jeune femme (parfois une jeune fille à laquelle ils ont soutiré des photos dénudées au préalable ), vous poussent à vous déshabiller devant votre webcam, enregistrent la scène puis vous font chanter. Parfois, ils se contentent d’enregistrer votre visage lors d’une conversation par webcam pour la détourner et vous faire chanter . Les brouteurs sont aussi présents sur les sites de petites annonces , avec la vente d’objets qui ne sont jamais fournis (ou fournis avec une qualité moindre pour revenir à la charge par la suite en proposant un dédommagement... moyennant l’envoi de données). Et même les sites d'annonces immobilières  n'y échappent pas, avec la demande d’envoi d’un acompte pour la location d'une maison ou d'un appartement inexistants ou ne leur appartenant pas. Ces exemples peuvent être déclinés à l’infini, car les brouteurs sont particulièrement créatifs quand il s’agit d’inventer de nouvelles manières de vous arnaquer. Pourtant, plusieurs éléments doivent vous mettre la puce à l’oreille : La sollicitation provient d’une personne que vous ne connaissez pas ? Attention. Il y a la possibilité de gagner de l’argent facile ? Attention. Elle provient d’un pays étranger au niveau de vie plus bas que chez nous ? Attention. Elle fait intervenir un organisme financier international de type Western Union ? Attention. L’adresse mail parait bizarre ou son extension renvoie à un pays à l’internet moins sécurisé ? Attention. L’orthographe ou la syntaxe de la sollicitation sont défaillantes ? Attention. Et enfin, si on vous demande des informations sur votre compte en banque ou votre carte d’identité : doublement attention. Toujours dénoncer les arnaques au Point de Contact Dans tous ces cas de figure, le conseil de votre banquier est de ne jamais répondre à ces sollicitations. Celui de la police va plus loin : il est de les dénoncer. Pour ce faire : une seule adresse pour toute la Belgique : le site Point de Contact . "Il s’agit d’une plateforme créée en février 2016 en collaboration avec le SPF Economie et la Police fédérale" , détaille Olivier Bogaert, le commissaire de la Computer Crime Unit, l’unité spécialisée en cybercriminalité de la Police Fédérale. "Elle permet d’envoyer le signalement d’une arnaque qui va remonter aux autorités. Et si vous êtes tombés dans le piège et avez payé, le site va générer un formulaire. Vous le remplissez et allez ensuite avec celui-ci dans votre commissariat de quartier et le policier qui le recevra aura directement toutes les informations pour initier une procédure judiciaire."

Cette plateforme encore méconnue a pourtant enregistré plus de 28.000 signalements en un an d’existence. Elle permet à la police de se tenir au courant des nouvelles formes d’arnaques et de mettre la population en garde. La dernière date de mercredi dernier . Désormais, au lieu d’envoyer le même mail à un maximum de personnes en espérant hameçonner les plus crédules, les brouteurs ciblent leurs victimes. Ils récoltent un maximum de données sur vous et l’endroit où vous travaillez sur des sites comme Facebook ou Linkedin. Puis ils se font passer pour quelqu’un de votre entreprise. De quoi faire baisser sa garde aux plus suspicieux d’entre-nous...

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