Accueil Actu

Terrible déception pour Thomas au bout des épreuves de sélection: "Trop myope" pour entrer dans la police

Sur le papier, Thomas avait tout pour entrer dans la police: une motivation sans faille et un C.V. bien fourni . Il ne s’attendait donc vraiment pas à être recalé. C'est pourtant ce qui est arrivé. La raison: ses yeux. Le jeune homme de 25 ans et ses proches vivent cet échec comme une injustice.

Thomas a réussi toutes les épreuves pour devenir inspecteur de police, sauf l’examen médical. Il a été déclaré inapte à cause de sa myopie, alors qu’il voit très bien avec ses lentilles. "Ça faisait deux ans que je vivais police, je mangeais police, je respirais police... On me recale alors que le processus de sélection va peut-être laisser passer des gens qui ont une bonne vue mais qui sont seulement motivés par le fait d’avoir un emploi stable et d’être payés tous les mois", confie avec découragement Thomas.

Les proches du jeune homme ont également été très surpris. C’est sa maman qui a nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous: "J'ai mon fils qui vient de terminer un master en criminologie. Dans la suite de ses études, il a passé les épreuves de sélection pour rentrer dans la police. Il a réussi les trois premières sans problème, pour se faire ajourner au test médical pour un problème de vue! La police engage? Il a la conviction et le profil et c'est négatif...", nous a écrit la maman.

Devenir inspecteur de police n’était pourtant pas le rêve d’enfant de Thomas. Sa vocation, il l’a acquise bien plus tard durant un stage de plusieurs mois dans un commissariat. "Il y avait des personnes dont le service finissait à 16h. A 15h50, elles étaient déjà occupées à se changer dans le vestiaire. Alors que moi, stagiaire, si je pouvais rester une heure de plus je le faisais avec plaisir, je trouvais ça génial", se rappelle Thomas. "J’ai cru qu’à partir du moment où ma vue était bonne avec correction, il n’y aurait pas de problème. Je n’aurais jamais pensé me faire recaler pour cette raison. Je porte mes lentilles depuis des années sans avoir de souci", ajoute-t-il.

Mais qu’en est-il de ces épreuves de sélection? Comment se passent-elles? Peut-on réellement rater pour un problème médical aussi répandu et tout à fait corrigeable? Nous avons posé ces questions à la police et à un syndicat policier.


Des épreuves de sélection en quatre étapes

La police est grande pourvoyeuse d’emplois en Belgique. Elle engage chaque année des centaines de personnes de tous les profils. Pour l’année 2017, 1.400 personnes sont recherchées. Les candidats qui veulent postuler à une fonction trouvent toutes les informations sur le site internet dédié au recrutement, www.jobpol.be. Les candidats inspecteurs doivent d’abord remplir un formulaire de candidature en ligne. Dans celui-ci, ils déclarent notamment "avoir pris connaissance des règlements de sélection et des critères de sélection médicale", consultables sur le même site. Les candidats, comme Thomas, doivent donc prendre connaissance eux-mêmes de ces critères. Ensuite, ils sont conviés aux épreuves à proprement parler. Chaque candidat doit réussir les tests dans l’ordre proposé pour être convié à l’étape suivante. Il s’agit donc bien d’épreuves éliminatoires.

La première étape: les épreuves d’aptitudes cognitives (c’est-à-dire la capacité à raisonner, à rédiger et la connaissance de la langue) et le parcours fonctionnel (un test physique et sportif destiné notamment à mesurer la robustesse, l’agilité et la vitesse). Les candidats qui comme Thomas sont titulaires d’un diplôme de l’Enseignement supérieur sont dispensés des épreuves cognitives.

La deuxième étape: l’épreuve de personnalité. Il s’agit de divers tests pour évaluer l’adéquation du profil psychologique du candidat à la fonction policière.

La troisième étape: l’entretien de sélection devant la commission de sélection. Il consiste en un entretien d’environ une heure devant un jury afin de vérifier si le candidat possède les compétences essentielles à la fonction de police.

La quatrième étape: l’épreuve d’aptitude médicale. Ici aussi, il s’agit de vérifier si le candidat satisfait aux exigences, médicales cette fois, requises pour l’exercice de la fonction de policier. Plusieurs tests sont réalisés, notamment un examen des urines. Le poids et la taille du candidat sont contrôlés, ainsi que sa vue. Concernant ce dernier point, le seuil minimal est bien indiqué sur le site jobpol.be. L’acuité visuelle minimale obtenue sans correction optique doit être de 1/10 pour chaque oeil.

Dans le cas de notre témoin, on est à la limite. Il a obtenu 1/10 à l’œil gauche et un tout petit peu en-dessous d’1/10 à l’œil droit, après un deuxième examen réalisé à l’hôpital militaire. A l’issue du premier test, les médecins n’avaient pas réussi à trancher. C’est d’autant plus râlant pour Thomas: "Dans la pratique, si on est myope, eh bien on est myope, que ce soit de 1/10 ou en dessous. Je ne vois vraiment pas la différence entre mes deux yeux".

On pourrait également s’interroger sur la pertinence de faire passer l’examen médical à la fin du processus de sélection. Il s’agirait avant tout d’une question de temps et d’argent. La majorité des candidats éliminés le sont durant les premières étapes du processus de sélection. Cela coûterait donc beaucoup plus cher de faire le test médical avant les autres épreuves, c’était pourtant le cas dans le passé.


"Réagir promptement" en toutes circonstances

Du côté de la police, on assume pleinement le caractère restrictif des différents critères médicaux et autres retenus. "La vue est un critère éliminatoire au même titre que la taille par exemple", explique Guy Theyskens, le porte-parole de la police fédérale. "Il n’y a aucun intérêt à avoir un demi-policier, ce ne serait pas sécurisant pour la population", justifie-t-il.

Une position partagée par Vincent Gilles, le président du SLFP Police, le syndicat libre de la fonction publique: "C’est totalement logique même si je comprends la déception de ce jeune homme. On joue cartes sur table, toutes les conditions sont sur le site internet. Quelques fois, cela arrive qu’il faille déplorer l’écartement d’un candidat motivé uniquement pour raisons médicales". Pour Vincent Gilles, toutes les épreuves sont importantes. Il est donc normal qu’elles soient toutes éliminatoires. Et le syndicat n’est surtout pas demandeur d’un abaissement des normes: "Les policiers doivent pouvoir réagir promptement en comptant sur leur seul corps", ajoute Vincent Gilles. 

Les critères sont donc clairs malgré la déception, compréhensible, d’un jeune homme motivé: "Moi ce qui me révolte c’est qu’ils sont très stricts avec les personnes qui postulent, mais une fois qu’on est policier, il n’y a pas de souci". Un sentiment démenti par le porte-parole de la police fédérale qui nous confirme que les policiers du cadre opérationnel repassent un examen médical chaque année. A noter qu’il existe une possibilité de recours pour les candidats malheureux, devant le conseil d’Etat, même si les plaintes aboutissent rarement. Et dans le cas qui nous préoccupe, il s’agit d’un critère objectif, c’est pourquoi le jeune homme n’a pas entamé la procédure.

Pour Thomas, reste une solution, certes coûteuse, l’opération au laser afin de corriger sa vue. "C’est quand même 2 à 3.000 euros. Financièrement,  je ne peux pas me le permettre pour l’instant ", explique Thomas. Malgré tout, le jeune homme y songe de plus en plus: "Si je me fais opérer maintenant, je n’ai aucune garantie de pouvoir entrer dans la police, mais j’y réfléchis quand même car je ne suis engagé nulle part. Je postule mais je ne suis jamais pris car je n’ai pas de plan d’embauche et je coûte trop cher parce que je suis diplômé. Je devrais peut-être mordre sur ma chique pour faire un boulot que j’aime. Mais du coup, j’aurais l’impression que mes motivations ne seraient plus les bonnes", conclut le jeune homme.   

À la une