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Sans l'usage des jambes mais avec un mental d'acier, Léa Bayekula rêve des JO de Tokyo: "Je me réveille et je pense à la piste"

Contrairement aux roues de son fauteuil qu'elle propulse avec hargne et puissance sur les pistes, Léa Bayekula touche un rêve du bout des doigts: participer aux Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020. Un objectif qui dicte la vie de cette jeune Bruxelloise, plongée dans le monde de l'athlétisme depuis seulement 3 ans.

"J'ai d'abord commencé à faire de la photo. Puis j'ai fait trois ans de basket avant de participer à une journée de détection 'Handisport'. C'est à partir de là que j'ai accroché à l'athlétisme", résume Léa Bayekula. Avec le soutien indéfectible de son entraîneur François Maingain, la jeune femme de 22 ans fait preuve d'un mental hors norme. Malgré son investissement scolaire en graphisme, c'est le sprint qui occupe son esprit au quotidien. Dès le réveil, elle pense à la piste du Royal White Star Athletic à Woluwe-Saint-Lambert en région bruxelloise. "Lors d'un entraînement l'année passée, j'avais vraiment l'impression de me sentir voler. C'était magnifique. Je me souviendrai toujours de ce jour-là, comme si c'était hier. Depuis lors, je me réveille et je pense au sport, à la piste".

Les jours où elle ne défie pas le chrono, c'est à la salle de musculation qu'elle peaufine sa condition. "Ma force, je la puise dans mon vécu. Je suis aussi croyante, donc je la puise en Dieu aussi. Durant ma scolarité, j'ai été régulièrement rabaissée, moquée. Et donc c'est aussi à toutes ces personnes que j'ai envie de montrer que je suis forte", avoue Léa sans haine, ni rancoeur, mais avec l'envie, simplement, de montrer que malgré le syndrome qui la prive partiellement de l'"usage des jambes, elle peut placer la barre très haut.


"Il est compliqué pour moi de marcher. Mais je peux le faire"

Atteinte de spini bifida, une malformation liée à un défaut de fermeture du tube neural, Léa marche avec beaucoup de difficultés. Pourtant, naturellement, elle retient le positif et souligne que son cas aurait pu être plus dramatique. "Mes parents ont fait tout ce qu'il fallait dès mon plus jeune âge. J'ai été très bien suivie par un médecin. Je circule en fauteuil, parce qu'il est compliqué pour moi de marcher. Mais je peux le faire. Et j'ai aussi le toucher. S'il y a quelque chose contre ma jambe, je le sens. Il n'y a que tout au bout des orteils que je ne sens parfois pas les choses".

Pétillante, l'athlète peine d'ailleurs à évoquer une réelle difficulté au quotidien, avant d'avouer que "les transports à Bruxelles, c'est compliqué. Je suis souvent amenée à prendre le métro. C'est fou à quel point il y a des stations qui sont inaccessibles en fauteuil. Et je n'aime pas demander de l'aide aux gens que je croise", avoue-t-elle.

C'est certain: Léa veut prouver des choses, et son quotidien le démontre. Quand on lui demande comment elle occupe ses journées, la réponse ne se fait pas attendre. "J'ai 22 ans, je sors avec des amis, je suis étudiante en graphisme à l'atelier 75. Ca c'est pour la vie sociale. Et à côté de cela, j'ai le sport, les défis, et cette envie de m'améliorer jour après jour".


S'entraîner avec les valides, c'est "que du bon"

Au White Star, c'est avec les valides qu'elle pratique son sport. Un élément crucial pour la sprinteuse, qui partage les valeurs de son entraîneur François Maingain, également président du club d'athlétisme. "J'ai toujours eu ce souhait de m'investir pour les athlètes handisport et je pense que les mêler aux athlètes valides est la meilleure chose à faire, socialement mais aussi sportivement. Je ne vois pas de raison de les isoler, les exclure, de les traiter différemment. Comme tous les sportifs, ce dont ils ont besoin de la part de ceux qui les entourent, c'est de la motivation, des conseils. Et je pense que c'est comme ça qu'on y arrive. De toute façon, il suffit de voir Léa ou d'autres moins valides aux entraînements pour se rendre compte que personne ne fait de différence. Sur la piste, au club, ce sont tous des sportifs, et je suis persuadé qu'ils se voient tous comme ça", confie cet homme de 28 ans.

"M'entraîner avec des personnes valides, ça ne m'apporte que du bon. Cela montre qu'on est accepté, qu'on est mélangé avec les valides. On est accepté tel que l'on est et je trouve que ça peut que nous aider", atteste Léa qui précise qu'elle observe d'ailleurs les bienfaits de cette approche sur ses collègues d'entraînement. "De mon côté, j'ai pris confiance en moi dès mes 14 - 15 ans, après avoir réalisé un long travail. Mais pour d'autres, qui manquent encore de confiance en eux, c'est très enrichissant. Ca montre qu'on 'est pas des cas à part. Puis cela nous permet aussi de parler d'autre chose et de voir les choses différemment".


Objectif Tokyo 2020

Reste encore une étape à franchir pour Léa: devenir sportive professionnelle et décrocher son billet pour Tokyo 2020. Pour y parvenir, un obstacle de taille se dresse face à elle. "Il lui faut une chaise en carbone, c'est indispensable, mais ça coûte près de 12.000 euros", confie François Maingain. "A l'heure actuelle, elle s'entraîne avec un fauteuil octroyé par la Fédération, mais pour le top niveau, ce n'est pas possible", ajoute-t-il.

La championne de Belgique sur 200m, qui détient aussi le record, croit dur comme fer en une campagne de crowdfunding pour financer cet investissement indispensable pour atteindre ses objectifs. "Il me manque un peu plus d'une seconde sur 100m pour atteindre les minima. C'est à peu près le gain estimé que procure un fauteuil en carbone. Il nous reste du temps, tant pour atteindre le montant nécessaire que pour progresser et faire baisser le chrono. Ca va le faire", assure Léa, confiante et sereine.

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