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Sans crèche communale pour son bébé, Gérald est remonté contre Nivelles: "Le quartier se développe, mais la capacité d'accueil est insuffisante"

La femme au foyer appartient au passé, tandis que certaines zones en périphérie de Bruxelles sont prises d'assaut par les jeunes couples qui souhaitent fonder une famille: tous les ingrédients sont réunis pour que le manque de place d'accueil en crèche (enfants de 3 mois à 2,5 ans) soit problématique dans certaines régions. Gérald estime que la ville de Nivelles n'y a pas fait attention lors du développement démographique qu'elle aurait pourtant encouragé. On a mis les choses au clair avec le bourgmestre, Pierre Huart.

Dans les zones densément peuplées de Belgique, le manque de places d'accueil de ce qu'on appelle la 'petite enfance' semble inévitable.

Le problème principal est qu'en Wallonie, il y a quelques régions avec une forte pression démographique, surtout autour de Bruxelles (Brabant wallon, nord du Hainaut). La demande de logements familiaux y est importante, les chantiers se multiplient pour augmenter l'offre, mais les services à la population ne suivent pas toujours.

C'est du moins ce que pense Gérald, qui a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous. Fraîchement arrivé à Nivelles dans l'un des nouveaux quartiers en construction, il a déchanté quand il a recherché une place d'accueil dans une crèche communale, nettement moins chère que celles du privé. "Nous venons de recevoir un courrier répondant par la négative, qui nous dirige vers des crèches privées. A quoi cela sert donc de développer l'accueil de nouveaux habitants si les capacités d'accueil n'évoluent pas en parallèle?" s'interroge-t-il.

Une maison neuve à Nivelles, dans le "Petit Baulers"

Gérald, 34 ans et sa compagne, 39 ans, ne sont pas originaires de Nivelles. "Moi je suis Français, je suis infirmier responsable" dans une entreprise de soins personnalisés à domicile, basée dans le Brabant wallon. "Ma compagne travaillait à Louvain-le-Neuve".

Le couple cherchaient donc une maison dans la région, et comme il y a "beaucoup de maisons très chères", il s'est orienté "vers du neuf, par facilité également".

Ils ont donc atterri dans les nouveaux quartiers du 'Petit Baulers', dans le nord de Nivelles, une zone complètement réhabilitée depuis une vingtaine d'années. L'ancien circuit de Formule 1 et les champs ont cédé leur place à un zoning industriel et des nouveaux quartiers résidentiels qui compteront à terme 950 logements.

La maison à peine terminée, la compagne de Gérald est tombée enceinte.


La maison de Gérald et sa compagne

Une "rencontre" de 4 minutes

Comme tous les parents prévoyants, ils se sont mis en quête d'une place d'accueil pour leur futur bébé. Ils avaient remarqué que dans le quartier se trouve une crèche aussi neuve que les maisons alentours, un crèche communale.

"Nous avons obtenu un rendez-vous avec le service de la petite enfance de Nivelles. La demande de place était faite pour le mois de septembre 2018, car après le congé de maternité, ma compagne prendra ses congés parentaux".

Un entretien très formel, selon Gérald. "C'était une rencontre de 4 minutes durant laquelle la personne a simplement pris nos coordonnées et nous a dit qu'il n'y avait pas beaucoup de places, qu'il ne fallait pas espérer grand-chose, et qu'un courrier suivrait début juin".

Comme il s'y attendait, Gérald a reçu une réponse négative. "On vient de recevoir le courrier, il ne donne aucune justification, c'est juste un refus avec des noms de crèches privées".

460€ pour 3 jours par semaine

Comme tous les parents, Gérald et sa compagne auraient voulu éviter de débourser des sommes très importantes pour faire garder leur enfant.

 "On doit se retourner vers des crèches privées. J'ai déjà un rendez-vous de prévu. Mais pour 3 jours par semaine, ça coutera 460€".

Et ce n'est pas prévu dans le budget du couple de trentenaires, même s'il n'a pas de problème d'argent. "Je vais devoir faire de l'intérim en plus, dans mon cas c'est assez facile à trouver, mais c'est tout de même malheureux de devoir en arriver là", estime le futur père de famille.

Gérald en veut à la ville de Nivelles, qu'il accuse de "développer l'accueil de nouveaux habitants" sans pour autant s'assurer que "les capacités d'accueil des enfants évoluent en parallèle".


Vue lointaine de la crèche communale du quartier, où Gérald voulait placer son futur enfant

Pierre Huart, bourgmestre de Nivelles: "On a 25 habitants en plus tous les mois"

On a frappé à la porte du bourgmestre de Nivelles, Pierre Huart, pour faire le point sur le développement démographique de la cité aclote. Une croissance qui "n'est pas recherchée" par la commune. "On a environ 25 habitants en plus tous les mois, c'est comparable aux villes de la couronne de Bruxelles".

La pression démographique, ce bourgmestre la constate. "La population augmente partout, c'est le Bureau du Plan qui le dit, il y a de plus en plus de gens dans le Brabant wallon".

En 2007, il y avait 25.000 habitants dans la cité aclote. "Aujourd'hui on est aux alentours de 28.500".

C'est dû en partie au fait que Nivelles a développé le nord de son territoire, où il y a bien longtemps un circuit de Formule 1 existait. Pierre Huart extirpe de ses armoires le dossier de présentation du 'Petit Baulers', qui n'a rien de neuf. "C'est en 2001 que le projet a été montré à la population pendant une semaine. Il y avait à l'époque beaucoup d'appartements à Nivelles, et pas assez de maisons. Tout le monde était content du projet".

950 logements au total sont prévus dans cette zone de 50 hectares. "On en est plus ou moins à la moitié de la construction". La population nivelloise va donc encore augmenter rapidement dans les années à venir.

Pour autant, la densité n'est pas spécialement importante par rapport aux communes voisines. "On est 28.500 sur 6.000 hectares à Nivelles. A Waterloo, ils sont 30.000 sur seulement 2.000 hectares".

"Le nombre de places d'accueil augmente proportionnellement plus que celui des nouveaux logements"

La ville a été consultée dans ce projet privé, la société 'La Campagne du Petit Baulers' étant une initiative de l'entreprise de construction Matexi et de BW Promo. Selon le mayeur, il vaut mieux collaborer et contrôler en partie (pour avoir un projet de qualité), que d'interdire et de voir les autorisations obtenues au forcing auprès de la Région. "On vient d'avoir le cas pour la construction d'un immeuble avec 28 appartements".

Dans le cas du 'Petit Baulers' au nord de la ville, les autorités ont obtenu, et négocient encore au fur et à mesure de l'avancement du vaste projet immobilier, des "charges urbanistiques". Cela signifie qu'elles ont imposé un certain nombre de mesures, y compris la construction d'une crèche. "Le projet a été offert par les promoteurs, ils nous ont donné un lieu d'accueil de 36 enfants" au cœur du nouveau quartier. C'est là que Gérald souhaitait obtenir une place pour son futur bébé.

Si notre témoin a l'impression que Nivelles se développe trop vite par rapport aux nombres de places disponibles en crèche, les chiffres avancés par le bourgmestre disent plutôt le contraire. "Proportionnellement, le nombre de places d'accueil pour la petite enfance a augmenté davantage que le nombre d'habitants. En 5 ou 6 ans, on a eu 150 places en plus", mélange de crèches publiques (gérées par le CPAS et donc moins onéreuses), de crèches privées et d'accueillantes (4 ou 5 enfants chez elles).

Nous avons contacté l'ONE pour obtenir des chiffres indépendants, mais qui confirment l'augmentation lors des trois dernières années. "En 2013, il y avait 358 places d'accueil à Nivelles. 369 en 2014 et 377 en 2016", nous a appris le service de presse.

Pierre Huart reconnait cependant que, comme dans la plupart des villes en développement, "il y a un manque" de places, mais ajoute que progressivement "on l'a résorbé". Nivelles vient de collaborer à l'installation de deux crèches privées dans le centre, dont une qui ouvrira très prochainement ses portes. Des lieux d'accueil plus chers, bien entendu, mais qui ne coutent rien à la commune, tandis que les crèches publiques sont généralement déficitaires.


A gauche, Pierre Huart. A droite, les plans du 'Petit Baulers' toujours en cours de construction

Est-ce que ça rapporte de l'argent à la ville, cette augmentation de la population ?

Certes, la pression immobilière est forte à Nivelles, comme dans la majeure partie du Brabant wallon, et les projets sont nombreux. Mais en faisant croitre sa population, la Ville voit ses finances augmenter proportionnellement, car une partie de nos impôts vont dans les caisses de la commune où l'on réside. De plus, la clientèle assez aisée de ces nouveaux quartiers (les maisons y sont assez chères) attire les commerces et les entreprises. Le centre commercial fait salle comble tous les week-ends. Ce business fait aussi grimper le budget de la commune.

Alors, Nivelles devient-elle riche grâce à l'augmentation de sa population ? "Ça rééquilibre les budgets", explique prudemment le bourgmestre, qui précise tout de même que "la situation financière est bonne".

Cela permet "de maintenir ou d'augmenter le niveau de services à la population", ce qui se traduit par exemple par "une nouvelle piscine communale", des investissements dans le centre culturel, "deux stands de tirs pour la police" et "de nombreuses nouvelles infrastructures sportives (hockey, foot, athlétisme, rugby, etc…)".

Pierre Huart se félicite donc du développement de sa Ville, mais comprend que "pour certains, il y a un côté émotionnel, qui provoque une réticence aux changements, à l'évolution".

Quoi qu'il en soit, Gérald est effectivement victime du manque cruel de place d'accueil en crèches communales, nettement moins chères. Mais la situation dans la région (Brabant wallon proche de Bruxelles) n'est guère meilleure, voire pire. 

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