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Faut-il expulser Siva, Veda et leurs filles nées en Belgique? Ils ne sont pas en règle mais "ça fait 13 ans que je travaille et paie mes taxes ici"

Siva et Veda se trouvent dans une situation angoissante. D'origine mauricienne, ils n'ont jamais eu de papiers en règle et sont menacés d'expulsion. Siva est entré en Belgique avec une fausse carte d'identité française il y a plus de dix ans. Sa compagne est arrivée en Belgique avec un seul visa de trois mois en 2007 et n'est plus jamais repartie. Leur fille, 5 ans, née en Belgique, n'a pas de nationalité du tout. "Toute sa vie est ici. Notre famille est ici. A l'Ile Maurice, on ne connaît plus personne. Cela fait 13 ans que je suis ici, que je travaille, que je paie mes taxes. Je voudrais juste vivre comme tout le monde, avec ma famille", dit Siva dont la compagne vient de donner la vie à une 2e petite fille.

Siva est arrivé en Belgique en 2003. A cette époque, ce Mauricien âgé de 25 ans avait acheté des papiers d'identité alors qu'il se trouvait en vacances à l'Ile de la Réunion voisine. "J'ai rencontré un homme qui m'a proposé une carte d'identité française officielle pour 10.000 euros. Comme j'avais de la famille en Belgique, je l'ai achetée. Je suis rentré à l'Ile Maurice et j'ai pris l'avion pour la France", nous raconte Siva via notre page Alertez-nous. Il passe tous les contrôles sans aucun souci. De France, il vient en Belgique où il a de la famille et il s'inscrit dans une commune bruxelloise. Là encore, sans aucun souci. "J'ai trouvé du boulot dans l'Horeca et mon patron m'a rempli une attestation patronale qui m'a permis d'obtenir une carte de séjour de 5 ans. Pour moi, pas de doute, avec tous les contrôles passés sans encombre, ma carte d'identité française était légale, et j'allais pouvoir vivre ma vie en Belgique, près de mes proches", explique Siva.


Un événement fait tout basculer

Muni de sa carte de séjour, Siva déborde d'optimisme et croque sa nouvelle vie à pleine dent. Son patron est content de lui, il noue des contacts avec plusieurs collègues et retrouve des membres de sa famille. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'en 2005, où un événement va avoir des conséquences qu'il ne soupçonnait pas. En effet, en rentrant à son domicile à Ixelles, il se rend compte que sa porte a été fracturée. Siva se rend donc à la police pour faire une déposition. Quelques jours plus tard, le couperet tombe: la police d'Ixelles le rappelle pour confisquer sa carte de séjour. Motif: ils se sont rendus compte que sa carte d'identité française était fausse. "Ils m'ont alors dit qu'ils avaient contacté l'office des étrangers, et que je devais retourner à l'Ile Maurice", a précisé Siva.

Désemparé, le jeune homme est donc transféré à Brussels Airport. Face à son désarroi, un policier va alors lui donner un conseil inattendu. "Ils m'ont conseillé de dire au bureau de police qui se trouve à l'aéroport que je m'opposais à mon rapatriement", indique Siva. L'homme suit le conseil et du coup il est transféré en centre fermé. "J'y suis resté deux semaines, le temps que mon avocat plaide en ma faveur au tribunal de Bruxelles qui a accordé ma libération". Pour Siva, désormais, rien ne sera plus jamais comme avant. Pourtant, dans les faits, il n'y a pas grand-chose qui change. Siva travaille, paie ses taxes et passe du temps avec les membres de sa famille. Mais il n'a pas de papiers et se trouve sous le coup d'un avis d'expulsion. Au moindre contrôle, il risque donc d'être mis dans un avion et de devoir tirer un trait sur ce qu'il a construit ici.


Il rencontre Veda, et devient papa

En 2007, les événements s'accélèrent. Siva rencontre Veda, une Mauricienne venue passer ses vacances en Belgique. Le jeune femme est arrivée en Belgique avec son passeport mauricien, et un visa de 3 mois. Elle rencontre Siva et décide de rester à ses côtés, en Belgique. De leur union naît Léona, en 2009. La petite fille est inscrite à la commune d'Uccle où un acte de naissance est délivré. Mais la nationalité belge ne lui est pas accordée, car en Belgique, c'est "le droit du sang qui compte". L'Ile Maurice ne reconnaît pas la fillette non plus, car elle est née en Belgique. La petite fille est donc officiellement sans nationalité, et sans papiers d'identité.

Petit à petit, la famille s'enfonce dans une impasse d'où il sera difficile de sortir. Pour sortir de cette situation, Siva et Veda introduisent trois demandes de régularisation à l'office des étrangers en 2009. Et en attendant, c'est la débrouille. Siva travaille toujours. Pas son épouse qui n'a jamais obtenu de permis de séjour. Quant à Léona, elle entame sa scolarité dans une école uccloise.


Décision sans appel: refus, refus et refus

Les années passent, et en 2012, l'office des étrangers se manifeste. La décision est sans appel: Veda et sa fille Léona n'obtiendront pas la nationalité belge, ni leur permis de séjour. Sous les conseils de son avocat, Veda introduit un recours. Mais aujourd'hui, elle n'a toujours pas reçu de réponse. Leur situation est donc "en attente".

En 2014, l'office des étrangers se positionne sur le dossier de Siva: pour le père de famille, désormais âgé de 37 ans, c'est également un refus. "Selon les éléments que j'ai eus en mains, cet homme n'a pas de passif au niveau judiciaire, excepté quelques petites infractions de roulage. Par contre, il a eu plusieurs ordres de quitter le territoire, et n'y a jamais donné suite. Désormais, en outre, il a une interdiction d'entrer sur le territoire, ce qui  n'est pas une bonne chose pour son dossier", a expliqué Dominique Ernould, porte-parole de l'office des étrangers.

La famille est dos au mur. Ils ne sont pas les bienvenus en Belgique, et sont complètement déconnectés avec l'Ile Maurice. Un pays que la petite Léona n'a jamais vu, et qui ne la reconnaît pas. "Toute sa vie est ici. Notre famille est ici. A l'Ile Maurice, on ne connaît plus personne. Cela fait 13 ans que je suis ici, que je travaille, que je paie mes taxes. Je voudrais juste vivre comme tout le monde, avec ma famille. Et ce que je voudrais le plus, c'est que ma fille, née en Belgique, et ma femme obtiennent une identité, et la nationalité belge", nous déclare Siva.


"Il faut suivre la procédure légale"

Mais il y a des règles à suivre. Et Siva n'a pas choisi la voie légale pour s'établir en Belgique, ce que l'office des étrangers déconseille vivement, car l'illégalité favorise rarement une issue positive. "Il faut suivre la procédure légale. En faisant comme il le fait, ce n'est pas une solution. En plus, on voit qu'il a été fait usage de faux documents (sa carte d'identité française). Ca ne passe pas bien quand il y a du chipotage. Donc à partir de maintenant, il devrait rentrer à l'Ile Maurice. Une fois sur place, il doit introduire une demande pour venir s'établir en Belgique, tout en veillant à lever son interdiction d'entrer sur le territoire. Bien entendu, cela demande un certain temps, et il doit remplir plusieurs conditions. Mais c'est la seule façon qui existe pour le régulariser", a ajouté Dominique Ernould.

Cette proposition ne convainc pas Siva. "Je ne peux pas laisser ma femme et ma fille ici. Je suis seul à travailler, avec quoi vivraient-elles si je pars pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, à l'Ile Maurice ?", s'interroge-t-il.


Quel avenir pour la famille... qui s'agrandit ?

Les solutions ne sont donc pas bien nombreuses, et la seule qu'envisage Siva, c'est de rester auprès de son épouse et sa fille, dont les dossiers sont toujours en attente. Mais peut-il ainsi vivre dans la clandestinité, la peur au ventre ? Chaque contrôle aléatoire pourrait aboutir sur un séjour en centre fermé, voire un retour forcé, comme ce fut le cas il y a quelques jours. En effet, suite à un contrôle de routine à Bruxelles, Siva a passé une nuit au commissariat, avant d'être transféré au centre fermé de Merksplas. Mais il a pu en sortir après seulement une journée, Veda étant sur le point de donner naissance à une deuxième petite fille. L'heureux événement a eu lieu à la fin de la semaine passée, il y a quelques jours. Un événement qui va encore considérablement modifier la vie de cette famille mais qui, entre-temps, leur offre un certain répit. "Oui la maman a besoin du papa dans les circonstances actuelles. On ne va donc pas le renvoyer comme ça", a conclu Dominique Ernould. Mais à long terme, l'avenir en Belgique de Siva et sa famille semble écrit en pointillé...


@ArnaudRTLinfo

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