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TENSION extrême entre grévistes et non-grévistes devant la prison d'Ittre: nous avons écouté les deux camps

Voici près d'un mois que le mouvement de grève des gardiens de prison a débuté dans la partie francophone du pays et toujours pas d'accord en vue. Les prisons sont au bord de l’implosion. HIer, au piquet bloquant de la prison d'Ittre, il y aurait eu des frictions entre les grévistes et ceux qui voulaient aller travailler. Nous avons écouté les deux parties.

"Chaque jour pour nous c'est le parcours du combattant pour pouvoir exercer notre droit: celui d'aller travailler." La phrase est celle d’un agent pénitentiaire de la prison d’Ittre qui nous écrit via le bouton orange Alertez-nous. Nous l’appellerons Daniel afin de respecter son anonymat. Depuis le début du mouvement de grève dans les prisons, le 25 avril, il se rend à son travail, non sans difficulté selon ses dires. "On ne parle que des grévistes, mais on ne parle pas des gens qui vont travailler, qui veulent entrer faire leur boulot", ajoute-t-il.


Un piquet de grève positionné à l'entrée de la prison

Ce jeudi, la ligne rouge aurait été franchie. Des fonctionnaires qui souhaitent se rendre au travail auraient été bousculés voire frappés par des grévistes. Daniel l'affirme: "L’un d’eux m’a assené un coup à l’épaule alors que je forçais le barrage avec les mains en l’air. J’ai même été poussé contre la porte." Joint par notre rédaction, la direction ne souhaite pas communiquer sur ces éventuels débordements. Elle nous renvoie vers la porte-parole de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice, Kathleen Vande Vijver. "Je ne suis pas au courant de coups échangés devant la prison d’Ittre." Elle concède tout de même une certaine tension devant l’établissement ce jeudi. "Le piquet de grève était bloquant ce jeudi. Le personnel qui souhaitait travailler ne pouvait donc pas entrer." Face à ce constat, la direction est intervenue. "Pour ne pas envenimer la situation qui était déjà tendue, la direction a pris la décision de renvoyer à la maison le personnel bloqué devant la prison."


"Nous bloquons l’entrée de manière pacifique"

Maryline Herbots est déléguée syndicale (CGSP) à la prison d’Ittre. Ce jeudi, elle était présente devant la prison pour soutenir le mouvement. Pour elle, aucun débordement n’a été observé. "Il n’y a pas eu d’échange de coups. Des agents ont tenté de forcer le barrage. Mais nous bloquons l’entrée de manière pacifique. Les travailleurs sont obligés de venir au contact." Elle reconnait tout de même une tension: "Nous sommes à un mois de grève. Nous avions prévenu que nous allions durcir le mouvement. Raison pour laquelle, nous avons mis en place ce barrage à l’entrée de la prison."


"Les détenus ont droit au minimum"

Pour Daniel, la situation devient insupportable. "Au début du mouvement, les grévistes étaient bon enfant. Nous devions laisser nos voitures à l’extérieur et nous étions l’objet de brimades. Je comprends, c’est le jeu." Mais ce jeudi les événements se sont déteriorés. "Cela devient violent. Quand je suis arrivé hier (NDLR : jeudi), il y avait même un gréviste avec un bâton." Bien qu’il travaille tous les jours depuis le 25 avril, Daniel soutient le mouvement de grève: "Je suis pour cette grève et je la soutiens, mais il faut faire un minimum. Nous ne travaillons pas avec des boites de conserve, mais avec des êtres humains. Il faut maintenir l’outil. Les détenus ont droit au minimum: tabac, douche, un coup de téléphone."


Une reprise à la normale qui s'annonce tendue

Un comportement que ne tolère pas du tout Philippe Lievens, délégué CGSP à la prison d’Ittre: "Ces personnes profitent du mouvement de grève pour effectuer des horaires qui ne sont pas les leurs. Des horaires de nuit par exemple. Tout ça pour aller chercher des primes et gagner plus d’argent alors que d’autres en perdent." Et le délégué syndical de conclure: "C’est un peu facile d’entrer travailler, de ne pas perdre un euro et d’ensuite profiter des éventuelles avancées obtenues."

Le retour à la normale dans la prison d’Ittre s’annonce tendu. Comment imaginer que travailleurs et grévistes retrouvent leur place au sein de l’établissement sans une certaine tension? "La reprise va être difficile. Pour moi, ça va, je n’ai pas peur de les affronter, car je le fais depuis le début", fait savoir Daniel. Pour Philippe Lievens, les tensions disparaitront après deux ou trois jours. "On évitera d’aborder le sujet entre collègues. Ça permettra d’éviter le conflit."

 UNE GREVE QUI N'EN FINIT PAS

Pour rappel, une action de grève au niveau national a été lancée le lundi 25 avril 2016 à 22h00 et devait normalement durer 32 heures. La concertation sociale n'ayant pas abouti, le mouvement de grève a été maintenu depuis lors. Dans le cadre de l'ajustement budgétaire, le ministre de la Justice Koen Geens compte réaliser une économie de 1,5% dans les centres de détention sur la législature. Le personnel devra notamment travailler en cinq shifts, contre trois précédemment. Tant la FGTB-CGSP que la CSC avaient déjà mené des actions en décembre à ce sujet. Après ces mouvements, le ministre Geens avait promis l'engagement de 54 personnes. Mais les syndicats les attendent toujours. La prime de flexibilité, destinée à compenser une perte de salaire, est également toujours attendue. Le personnel a par ailleurs de plus en plus de difficultés à prendre ses congés en raison de la réduction du nombre de travailleurs. S'ils étaient 9.295 en 2014, ils doivent passer à 8.366 en 2018 (-10%).

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