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Thomas s'est fait placer cet appareil sous la peau après un arrêt cardiaque sur un terrain de foot à Châtelet: comment ça fonctionne?

A quoi ressemble la vie avec un défibrillateur sous-cutané? Thomas, victime d'un arrêt cardiaque sur un terrain de foot, nous l'explique. Il s'agit d'un dispositif relativement rare et novateur, car la sonde qui permet de détecter les "ratés" du cœur et d'agir en urgence ne passe pas dans les veines comme les défibrillateurs classiques.

Le 24 mai dernier, Thomas est victime d’un arrêt cardiaque sur un terrain de football à Châtelet. Sur place, il y a un défibrillateur, mais personne ne parvient à ouvrir le boîtier pour le faire fonctionner, nous raconte-t-il après nous avoir contacté via le bouton orange Alertez-nous. Heureusement, deux personnes poseront les gestes nécessaires pour lui sauver la vie. "C’est l’entraîneur de l’équipe adverse qui m’a fait le massage cardiaque pendant environ un quart d’heure, et ma belle-mère qui me faisait le bouche-à-bouche. Suite à cela, j’ai été réanimé. Après, l’ambulance est arrivée, ils m’ont pris en charge et j’ai été à l’hôpital", nous explique le jeune homme de 22 ans. "J’ai eu la mononucléose, ce virus-là peut se mettre n’importe où dans le corps. Mon cardiologue m’a dit que je n’avais pas eu de chance et le virus, chez moi, s’est mis au cœur. C’est ce qui a provoqué l’arrêt cardiaque", nous détaille-t-il.



"L’anarchie complète de l’activité électrique du cœur"

Suite à cet accident, Thomas s’est fait placer un défibrillateur sous-cutané. Il s'agit d'un appareil relativement récent (il a comme particularité de ne pas passer par les veines, voir explications plus bas) et pas encore très répandu chez nous. Ce dispositif permet de prévenir ce que l’on appelle la "fibrillation ventriculaire": "C’est l’anarchie complète de l’activité électrique du cœur, qui entraîne un arrêt cardiaque toujours mortel, en moins de 5 minutes, si on ne ranime pas la personne", explique Alain Friart, cardiologue au CHU Tivoli La Louvière. Grâce à une sonde, le défibrillateur sous-cutané va pouvoir détecter un arrêt cardiaque et délivrer un choc très puissant via cette même sonde.


Un boîtier sous la peau

Comment se passe la pose d’un défibrillateur sous-cutané ? Nous avons posé la question au cardiologue. Il explique qu’il faut d’abord vérifier que cet appareillage permette de bien détecter l’activité cardiaque chez le patient. Il vient donc dans un premier temps pour faire un test.

Ensuite, on pratique l’intervention, qui dure moins d’une heure, sous anesthésie générale, pour placer le dispositif qui a la forme d’un petit boîtier. "On place le défibrillateur sous-cutané sur la partie gauche de la cage thoracique, et la sonde est mise sous la peau jusque devant le sternum, pour que l’extrémité de la sonde soit bien en face du cœur". Souvent, le patient est surveillé jusqu’au lendemain. Ensuite, il y a un suivi deux fois par an, comme pour les défibrillateurs cardiaques intraveineux.



"Ca ressort quand même assez fort"

Comment Thomas a-t-il vécu la pose d’un tel dispositif sous sa peau ? Pour lui qui n’avait jamais été hospitalisé de sa vie, c’était toute une aventure. "Les premiers jours, je ne m’en rendais pas vraiment compte. C’est par après, quand je suis rentré chez moi. Les premiers jours, ce n’était pas facile, parce que j’avais mal, mais c’est plus par après, quelque chose sous la peau, ça ressort quand même assez fort, et ce n’est pas facile à accepter". 

Aujourd’hui, 6 mois plus tard, le jeune homme qui a dû cesser ses activités sportives pour le moment nous dit "s’y faire", mais ne s’habitue pas à 100%. "Quand je marche, je n’y pense plus. C’est plus par exemple la nuit, quand je dors, je bouge beaucoup et quand je me retourne, forcément quand je suis sur la gauche, ça fait mal, donc je ne me mets plus comme je veux. Quand je vais dans un endroit où il y a beaucoup de monde, je fais plus attention, de ne pas être bousculé ou quoi que ce soit", ajoute-t-il.

Il espère évidemment pouvoir refaire du foot un jour. "Le cardiologue m'a dit, rien du tout pendant encore une bonne année. Il m’a juste dit que je pouvais faire de la marche."


Son défibrillateur s’est déclenché: "Comme si tout l’intérieur ressortait"

De plus, Thomas a vécu une expérience assez désagréable, alors qu’il utilisait un taille-haies chez son grand-père. "Je ne savais pas que ça faisait des résonnances avec mon appareil, donc j’ai fait aller le taille-haies pendant même pas deux minutes. Mon appareil s’est déclenché, mais normalement, on n’est pas conscient quand on a ça. Là, j’étais tout à fait conscient, donc j’ai ressenti le choc, donc ça fait vraiment mal". "Le déclenchement inapproprié peut délivrer un choc électrique chez un patient conscient, ce qui est extrêmement désagréable et douloureux ... mais non dangereux", commente le cardiologue. "Le corps a sursauté, mais j’étais debout. Comme si tout l’intérieur ressortait, c’est bizarre, ce n’est pas facile à expliquer", raconte Thomas.


Un appareil relativement nouveau qui n’est pas – encore – destiné à tout le monde

Il y a les défibrillateurs classiques, dit intraveineux, où une ou plusieurs sondes sont introduites dans les veines et arrivent jusqu’au cœur. Les défibrillateurs sous-cutanés eux, comme celui placé chez Thomas, ont une sonde qui permet d’enregistrer l’activité cardiaque et délivrer les traitements électriques directement sous la peau. "L’avantage, c’est que comme il n’y a aucune sonde dans les vaisseaux sanguins, il n’y a pas de risque d’infection, ni d’usure prématurée suite aux mouvements des sondes qui suivent les battements cardiaques", explique Alain Friart.

Le souci, c’est qu’actuellement, ces défibrillateurs sous-cutanés ne peuvent apporter qu’un seul type de traitement, à savoir, déclencher un gros choc électrique. Ils sont donc destinés uniquement à certains profils, actuellement moins de 5% des patients de fibrillation ventriculaire, estime le cardiologue. L’avantage d’un défibrillateur "classique", que n’a pas encore le défibrillateur sous-cutané, c’est de pouvoir "adapter" sa réponse: "Si on a par exemple une accélération très rapide du cœur (tachycardie ventriculaire), avec un défibrillateur intraveineux, on peut la faire passer de façon beaucoup plus douce, avec des stimulations électriques que le patient ne sent même pas".




"Combien de personnes vivent-elles avec l’appareil qu’on m’a mis ?"

Le cas du jeune homme est donc plutôt rare. Il nous interroge: "Combien de personnes vivent-elles avec l’appareil qu’on m’a mis ?". Difficile d’obtenir des chiffres détaillés. Du côté du SPF santé publique, on nous indique qu’on a compté, en 2014, 2537 nouvelles implantations, remplacements complets ou de certaines pièces de défibrillateurs. Mais selon nos recherches, ces chiffres ne concernent que les défibrillateurs automatiques implantables, pas le modèle placé chez Thomas, donc, pour lequel nous avons tenté d'obtenir des données, sans succès.

Pour le cardiologue, l’utilisation d’appareils comme celui placé sous la peau de Thomas, aujourd’hui encore marginale, devrait se développer à l’avenir: "Dans 5 à 10 ans, la majorité des défibrillateurs seront sous-cutanés", estime-t-il.

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