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Uber: voici les risques qu'encourent les conducteurs... et les passagers

Uber qu'ils détestent tant semble faire les affaires des taximen. Selon un client Uber, un quart des chauffeurs serait des professionnels du secteur qui rouleraient pour Uber après leurs heures. L'association des taxis bruxellois a confirmé, la semaine dernière. Les coûts liés à la profession semblent être le nœud du problème.

Nous vous en parlions la semaine dernière, des taximen conduiraient des voitures Uber en dehors de leurs heures pour arrondir leur fin de mois. Un client, Michael, l’assurait et nous en avait informé via la page alertez-nous. Des chauffeurs de taxi se seraient confiés à lui. "Je prends un Uber et j’ai la confidence que c’est un taximan. A ce moment-là, je pense que c’est une exception. J’intensifie mes voyages avec Uber et je pose des questions aux voituriers Uber qui me confirment que des chauffeurs de taxi arrondissent leurs fins de mois en étant Uber tout en restant taximans la journée."


Deux possibilités

Michael utilise beaucoup Uber, au moins deux fois par semaine. Et dans ses déplacements, il dit avoir rencontré entre 15 et 25% de conducteurs Uber qui étaient en fait des taximen. Il leur a beaucoup parlé et fait ce constat. "Au départ et d’après leurs dires, ils pensaient que le politique allait rapidement légiférer après leur manifestation, car ils estiment que c’est une concurrence déloyale. Au final, ils ont constaté que cela allait mettre un certain temps." Deux options s’offrent alors à eux. Soit, ils s’opposent catégoriquement à cette nouvelle économie partagée. Soit, ils en profitent eux aussi. Et certains ont fait leur choix.


Une question de survie

Constantin Tsatsakis, président de l’association des taxis bruxellois, confirme bien que des indépendants et même des salariés cumulent taxis et Uber, sans donner de chiffres précis. Il le déplore, mais comprend la démarche, pour des raisons économiques. Certains chauffeurs de taxi sont "acculés" dit-il, au point de s’en remettre à Uber pour boucler des fins de mois difficiles: "Je comprends qu’ils puissent travailler pour Uber, mais je n’excuse pas. C’est vital pour eux. C’est pour survivre. Il faut rentrer de l’argent pour donner à manger à sa famille. Ils doivent survivre. Ils doivent travailler pour Uber pour avoir quelque chose à mettre sur leurs tartines le soir avec leur famille. Il faut payer les taxes, les lois sociales."


Une première condamnation

Soumis à une stricte réglementation en matière de transport rémunéré des personnes, les chauffeurs de taxi bruxellois estiment la concurrence d'Uber déloyale. Le 4 mai dernier, un chauffeur Uber a même été reconnu coupable d'infraction à la réglementation relative au transport rémunéré de personnes devant le tribunal de police de Bruxelles. Il s'agissait de la première citation en justice d'un conducteur Uber depuis l'implantation de la firme américaine à Bruxelles, il y a un peu plus d'un an.


Créer un cadre légal pour permettre Uber aux mêmes conditions que les taxis

Le ministre bruxellois de la Mobilité Pascal Smet (sp.a) ne s'était pas dit surpris par le jugement rendu par le tribunal de police de Bruxelles. "Nous avions dit, dès le départ, qu'Uber n'était pas envisageable dans le contexte législatif actuel, et ce jugement le confirme. Cependant, nous voulons créer un cadre juridique général afin de permettre à Uber de fonctionner, mais aux mêmes conditions que les services de taxi", avait réagi le ministre par la voix de son porte-parole. Le chauffeur Uber a bénéficié d'une suspension du prononcé, étant donné qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires, mais son véhicule a été saisi. "Au sein du contexte législatif actuel, Uber ne peut pas exister, nous l'avons toujours dit. Qu'en est-il de la sécurité et de l'assurance? Est-ce que les chauffeurs sont physiquement et mentalement aptes ?", a souligné Pascal Smet.


Un plan taxi envisagé

Contrairement aux chauffeurs de taxi, les chauffeurs d'Uber ne répondent en effet pas aux exigences en matière de transport rémunéré de personnes. Fin 2014, Pascal Smet avait déjà porté plainte contre Uber, et plusieurs véhicules utilisés par des chauffeurs du service privé ont été saisis. En février, le gouvernement bruxellois a approuvé le "Plan Taxi" de Pascal Smet. Ce plan prévoit des adaptations de la loi afin de permettre des services comme celui d'Uber dans la capitale aux mêmes conditions que celles appliquées aux taxis. "Nous sommes en pleine élaboration du plan, nous espérons pouvoir le présenter au parlement d'ici la fin de l'année et le faire approuver au printemps 2016", ajoute le ministre.


A quel régime sont soumis les taximen ?


A l'heure actuelle donc, aucune législation n'entoure la pratique d'Uber. Et le système d’assurance est l’un des nerfs de cette guerre qui oppose Uber aux chauffeurs de taxi. Les taximen contractent une assurance unique qui n’entre pas du tout dans la même catégorie que les particuliers. Une assurance destinée au transport rémunéré des personnes. Une obligation pour pouvoir exercer.

Vincent Joye, porte-parole de la compagnie d’assurance Axa, détaille: "Il faut cette assurance spécifique pour les taxis. Ils sont plus souvent sur la route, ils ont plus souvent des passagers à bord, ils ont plus de kilomètres à faire. Les risques sont forcément plus importants."

Comme le risque et le montant de la prime sont liés, cette assurance a un prix. Costa Tsatsikis fulmine, chiffres à l’appui: "Je paie 4100 euros par an pour l’assurance de mon taxi. On est obligé d’avoir une assurance pareille." Et de poursuivre: "Si on le peut, on dénonce directement les chauffeurs UberPop à leur assureur."


Mieux vaut prévenir que guérir

Les chauffeurs d’Uber, eux, bien qu’ils utilisent leur véhicule à des fins lucratives, ne sont pas tenus par le règlement d'Uber de contracter cette assurance spécifique. Dans ce cas-là, qu’encourent les chauffeurs UberPop ? Pour toute personne qui souhaite se lancer dans ce type d’activités professionnelles, l’essentiel est d’informer la compagnie d’assurance sur l’usage que l’on entend faire du véhicule. C'est en tout cas l'avis de Wauthier Robyns, porte-parole d’Assuralia, l’union professionnelle des entreprises d’assurances: "C’est à la compagnie d’assurance d’apprécier le risque et de définir dans quelles conditions elle souhaite accepter un véhicule dans ce contexte-là". Et il ajoute: "La législation aujourd’hui en Belgique impose aux clients de donner toutes les informations nécessaires à leur compagnie. Et c’est à la compagnie d’assurance d’apprécier le risque, de calculer les tarifs qu’elle souhaite appliquer à l’égard de ce risque", ajoute-t-il.


Montrer patte blanche

La compagnie d’assurance Axa, elle, préfère donner le ton d’emblée: "On ne peut pas faire de trajets contre rémunération sans le déclarer. Un chauffeur Uber doit nous aviser de son activité et prendre une assurance comme celle contractée par les taxis." Auquel cas, les chauffeurs risquent l’annulation pure et simple de leur contrat d’assurance. La compagnie peut même aller jusqu’à se retourner contre son assuré s'il en fait une activité professionnelle. "Quand on conclut un contrat d’assurance, il est interdit de dissimuler ou de mentir sur le bien assuré", ajoute Vincent Joye.

Même son de cloche pour la compagnie d’assurance Ethias: "Si quelqu’un souhaite se lancer dans ce type d’activités, on peut en discuter avec le client et voir les adaptations possibles. Nous nous dirigerons probablement vers une résiliation s'il ne l'a pas fait au préalable. Tout assuré doit prévenir d’une modification qui engendre un risque." 


"Ça s’appelle une fraude à l’assurance"

Et les passagers ne sont pas à l’abri. Si un accident vous touche alors que vous êtes dans un taxi, l’assurance que les chauffeurs contractent permet une couverture totale. En revanche, dans un véhicule conduit par le biais de l’application Uber, les risques sont plus importants. "En cas de grave accident en tort et si l’on découvre que le conducteur effectuait une course Uber, nous ne le couvrons pas, car il s’agit d’une activité monnayée et il aurait dû nous en avertir", fait savoir la compagnie Axa.

De son côté et face à cette problématique, la compagnie américaine Uber indique qu’elle couvre ses conducteurs à hauteur d’un million de dollars, si toutefois l’accident est en droit. Reste un détail: comment alors prouver que le conducteur Uber ne fasse pas appel à son assurance personnelle pour couvrir des frais et/ou d'éventuels dommages et intérêts. Gare aux mensonges. "Ça s’appelle une fraude à l’assurance. En cas de grave accident, une compagnie d'assurance peut envoyer des experts sur place pour les constatations d’usage. Les personnes qui fraudent risquent des poursuites pénales", tient à rappeler Vincent Joye. Le ton est donné.



Les taxis bruxellois lancent "un ultime appel au bon sens" au Premier ministre

Il y a deux semaines, le secteur des taxis a adressé dans un courrier "un ultime appel à la raison" à plusieurs personnalités politiques, dont le Premier ministre Charles Michel et le ministre bruxellois de la Mobilité Pascal Smet. Les employeurs et les travailleurs du secteur des taxis bruxellois se sont unis en front commun pour demander une nouvelle fois "de mettre fin aux services illégaux actifs dans le transport rémunéré de personnes par véhicules automobiles" du service Uber. Les taxis bruxellois annoncent également "une mobilisation de masse" dès le 16 septembre prochain si la plate-forme poursuivra ses activités au 1er septembre. "Si le secteur des taxis devait constater que ces services étaient toujours actifs le 1er septembre prochain, il n'aurait pas d'autre choix que celui de se mobiliser en masse pour faire valoir le bon droit du secteur", pouvait-on lire dans le communiqué du front commun des taxis bruxellois, qui a réuni diverses associations professionnelles d'exploitants et les syndicats.


Le même scénario qu'en France?

Les taxis bruxellois mèneraient alors, dès le 16 septembre prochain, une série d'actions qui se poursuivront "jusqu'au moment où les autorités compétentes auront contraint les opérateurs illégaux à mettre fin à leurs activités", indiquent-ils dans leur courrier. Le secteur dit néanmoins souhaiter privilégier le dialogue avec les autorités politiques, "afin d'éviter le genre de débordements qu'a connu la France récemment." Le courrier est adressé au Premier ministre Charles Michel, au ministre des Finances Johan Van Overtveldt, au secrétaire d'Etat à la Lutte contre la fraude sociale Bart Tommelein, au ministre-président bruxellois Rudi Vervoort ainsi qu'au ministre bruxellois en charge de la Mobilité Pascal Smet.

Le secteur dénonce "le manque de réaction de la classe politique" et espère "sensibiliser les citoyens aux dérives et aux dangers que représentent ces pratiques illégales aussi bien pour le secteur des taxis, que pour bien d'autres secteurs".

Rendez-vous en septembre. 

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