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Une maladie empêche Caroline et Mathieu d'avoir un enfant: le couple liégeois lance un appel pour trouver une mère porteuse

Faire un enfant est souvent l’un des plus beaux moments dans la vie d’un couple. Malheureusement, cela peut s'avérer plus difficile pour certains. C’est le cas de Caroline et Mathieu. Ce couple liégeois veut avoir recours à une mère porteuse car Caroline, atteinte de mucoviscidose, ne peut pas porter leur enfant.

Caroline, 28 ans, et Mathieu, 30 ans, sont amoureux. Ils se sont rencontrés il y a 9 ans lors d’une soirée organisée chez des amis communs et se sont plu au premier regard. Depuis, ils vivent une belle histoire d’amour. Il y a quelques années, ils commencent à parler bébé et, il y a quelque mois, commencent à mettre les choses en place. "On était en train de faire construire une maison, on pouvait y emménager dans 5 ou 6 mois, donc on s’est dit que c’était le bon moment", nous raconte Mathieu via notre page Alertez-nous. Malheureusement, ils se rendent vite compte que, pour eux, le chemin pour devenir parents sera semé d’embûches.


La fonction respiratoire de Caroline n’est pas assez forte pour supporter une grossesse

Caroline est malade depuis la naissance. Elle est atteinte de la mucoviscidose, qui amoindrit ses capacités respiratoires. "Elle m’a parlé de sa maladie dès notre rencontre et quand on a parlé bébé, on savait qu’il ne serait peut-être pas possible qu’elle porte l’enfant", raconte Mathieu. Il y a quelques semaines, le médecin qui suit Caroline tous les mois depuis plusieurs années leur annonce la mauvaise nouvelle : sa fonction respiratoire n’est pas assez forte pour qu’elle puisse supporter une grossesse. "La médecin nous a expliqué qu’une autre femme malade avec une fonction respiratoire un peu plus forte avait décidé de porter son enfant, qu’elle avait dû rester alitée trois mois et qu’après l’accouchement, elle avait dû être placée sur la liste des transplantations".


"Si un jour il devait lui arriver quelque chose, je veux garder une trace d’elle"

Pour Mathieu, il est hors de question que sa compagne mette sa vie en danger. La gestation pour autrui (GPA) s’impose très vite à eux comme la meilleure option. La GPA consiste à faire appel à une mère porteuse. On implante dans son utérus un ovule de la maman fécondé avec le sperme du papa. "On nous a demandé pourquoi nous ne tentions pas l’adoption, mais vu les problèmes de santé de ma chérie, ma manière de penser est différente: si un jour il devait lui arriver quelque chose, je veux garder une trace d’elle et la plus belle trace pour moi serait d’avoir notre enfant !", confie Mathieu.


Les règles pour la mère porteuse sont strictes

Le couple se renseigne sur les démarches à entreprendre. Il échange plusieurs emails avec l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles pour obtenir des informations et prend rendez-vous à l’hôpital de la Citadelle à Liège, plus proche de chez eux. Caroline et Mathieu apprennent vite que ce sont eux qui devront amener la mère porteuse et que les règles pour le choix de cette dernière sont strictes. Elle doit avoir moins de 40 ans, avoir déjà eu un enfant au moins, et ne peux pas être rémunérée. Le rôle de la mère porteuse est souvent endossé par une femme de la famille ou une amie.


Mathieu a l’idée de lancer un appel sur Facebook pour trouver une mère porteuse

Mais Mathieu et Caroline ne veulent pas que la mère porteuse soit quelqu’un de proche car ils ne veulent pas que la personne ait à voir l’enfant qu’elle a porté pendant neuf mois toutes les semaines. Il y a quelques semaines, le jeune homme a donc l’idée de lancer un appel sur Facebook pour trouver une mère porteuse. Ils créent la page "un rêve commun" et y exposent la situation. En quelques jours, il reçoit deux réponses positives. Mais elles ne conviennent malheureusement pas. "L’une vient de reprendre des études d’infirmières et demande d’attendre deux ans, mais comme tout prendra du temps nous ne voulons pas attendre. L’autre a 42 ans et nous a dit qu’elle s’était toujours dit qu’elle aiderait un jour un couple à avoir un enfant, malheureusement elle a dépassé l’âge limite."


Les recherches de Mathieu et Caroline pourraient s’avérer inutiles

Mais les recherches du couple pourraient s’avérer inutiles pour deux motifs. Le premier est la maladie dont souffre Caroline. L’une des conditions pour avoir recours à la gestation pour autrui est de ne pas avoir d’utérus ou que celui-ci ne soit pas fonctionnel. Le cas de la maladie de Caroline est une contrindication relative qui n’est pas automatiquement acceptée comme condition pour avoir recours à une mère porteuse.

"Dans un tel cas, on demande l’avis d’un de nos obstétriciens qui évalue les risques pour la mère. Nous réunissons également l’équipe pluridisciplinaire (psychiatre, psychologue, gynécologue, obstétricien,...) qui prend en charge ces grossesses. Elle va discuter du cas de la maman malade, voir quel est son pronostic vital, à quel point sa maladie la handicape. On ne veut pas faire naître un enfant qui pourrait devenir orphelin ou qui serait à la charge d’une maman diminuée", nous explique le Dr Catherine Houba, médecin au centre de procréation médicalement assistée de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles.


Le problème de la mère porteuse inconnue

Le fait que le couple veuille faire appel à une mère porteuse inconnue est le deuxième élément qui pose problème. Comme écrit plus haut, la mère porteuse est souvent une proche du couple, "quelqu’un qui a vécu la détresse de la mère quant à son incapacité à avoir un enfant", et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la relation entre la mère porteuse (et son mari si elle en a un) et le couple d’intention (le couple qui fait appel à la mère porteuse) va être très intime pendant neuf mois et cela peut être difficile avec des inconnus. La deuxième raison est une histoire de valeurs et de milieu. La mère porteuse et le couple vont devoir se mettre d’accord sur beaucoup de choses et envisager des situations auxquelles ils n'ont pas souvent réfléchi. "Lorsque les parents d’intention et la mère porteuse arrivent à l’étape de la consultation au centre de procréation médicalement assistée, l’équipe met en situation les deux parties. Ils envisagent toutes les situations possibles lors de la grossesse : que faire si la mère porteuse fume et que les parents ne veulent pas qu’elle le fasse ? Si à 5 mois on découvre que l’enfant est atteint d’une malformation, avortement ou pas ? Qui sera là à l’accouchement ? Qui peut assister aux visites chez le gynécologue et donc voir la mère porteuse nue ? Si la mère porteuse n’a pas fait la toxoplasmose, accepte-elle de ne pas manger de légumes crus ? Etc. Après ces mises en situation, il est fréquent que la mère porteuse abandonne", explique encore le Dr Houba.

La peur d’être jugée par sa famille ou encore un refus du conjoint de la mère porteuse constituent d’autres raisons qui mènent à l’interruption de la procédure. Depuis le début des GPA à l’Hôpital Saint-Pierre à la fin des années 90, seule une procédure où une mère porteuse inconnue est entrée dans l’équation a abouti à une naissance.


Sur 150 demandes reçues à l’Hôpital Saint-Pierre, seules trois mères porteuses sont enceintes

Cependant la GPA n’est guère plus facile pour les couples qui trouvent une mère porteuse parmi leurs proches. Depuis le début de l’année 2015, le centre bruxellois a reçu 150 demandes et actuellement seules trois mères porteuses sont enceintes. "Personne ne sort indemne d’une gestation pour autrui. Vivre une grossesse pendant 9 mois avec tous les inconvénients que cela amène, sans avoir de bébé à la fin, c’est dur. Pour les parents d’intention aussi", ajoute le Dr Houba qui précise qu’une grande partie des demandes faites au centre émanent de couples français qui ne peuvent pas avoir recours à ce type de procréation médicalement assistée, illégal dans leur pays.


"Il nous a dit que ce serait compliqué, mais ne nous a pas découragés"

Depuis notre premier entretien, Mathieu et Caroline ont rencontré le professeur Michel Dubois, directeur médical du Centre de Procréation Médicalement Assistée de l'Université de Liège. Ils sont sortis satisfaits de ce rendez-vous. "Il a été très transparent, nous a bien mis en garde concernant notre action. Il nous a dit qu’habituellement la mère porteuse est quelqu’un de lié à la famille et que ça devenait compliqué avec une mère porteuse inconnue, mais il ne nous a pas découragés", nous rapporte Mathieu.


6-7 mères porteuses se sont proposées à Caroline et Mathieu

En quelques semaines, le couple a finalement reçu 6 ou 7 candidatures et en a sélectionné deux. "Notre appel à l’aide figurait sur les réseaux sociaux, les gens nous ont donc répondu via ce canal. Nous avons fait une pré-analyse des candidatures en regardant leur profil et en leur posant des questions. C’est comme ça que deux femmes sont sorties du lot."


Quelle est la suite ?

Quand nous demandons à Mathieu quelle est la prochaine étape, il nous répond qu’ils ont d’abord demandé aux deux mères porteuses potentielles de bien réfléchir, d’en parler autour d’elles, à leur conjoint, leurs enfants, leur famille etc. "L’une a pris rendez-vous avec son gynécologue pour avoir son avis, savoir si c’est possible pour elle et pour lui poser des questions. L’autre doit en parler à son employeur pour voir s’il accepte une nouvelle grossesse, savoir s’il ne va pas lui mettre des bâtons dans les roues... ". Quand elles auront bien réfléchi et pris leur décision, Mathieu et Caroline leur proposeront une rencontre. "Il est important que le feeling passe bien car nous allons être liés pendant de nombreux mois et de façon très intime." Ils pourront ensuite reprendre rendez-vous auprès du professeur Dubois pour le premier rendez-vous commun. "Il nous a également parlé de de l’encadrement psychologique et ça nous a beaucoup rassurés. Ils ont pensé à tout et font vraiment bien les choses. Nous lui avons d’ailleurs dit que nous aimerions qu’il rencontre d’abord la mère porteuse seule pour qu’elle n’ait pas peur de lui poser toutes les questions qui lui passent par la tête."

Le chemin sera long pour Caroline et Mathieu, ils en sont conscients, mais ont choisi le parti de l’optimisme."On sait que ça ne sera pas facile, que ça va coûter beaucoup d’argent pour tous les frais médicaux et que c’est possible qu’à la fin il n’y ait pas de bébé, mais pour l’instant on reste optimiste, on y croit. C’est notre seul chance d’avoir un enfant", conclut le jeune homme.


La gestion pour autrui, c’est quoi ? Comment ça marche ?

La gestation pour autrui est l’une des techniques de procréation médicalement assistée pratiquée en Belgique. A l’heure actuelle, quatre hôpitaux (l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, le Centre Hospitalier Régional de la Citadelle à Liège, et les hôpitaux universitaires de Gand et Anvers) sont spécialisés dans ce domaine.

Un couple qui ne peut pas avoir d’enfant naturellement car la femme ne possède pas d’utérus, celui-ci est dysfonctionnel ou si son état de santé ne peut supporter une grossesse, fait appel à une mère porteuse. L’ovule de la femme fécondé par le sperme de l’homme (par fécondation in vitro) est implanté dans l’utérus de la mère porteuse. En aucun cas l’ovule n’est celui de la mère porteuse, ni le sperme celui de son compagnon si elle en a un, il n’y a donc aucun lien génétique entre la mère porteuse et l’enfant, ce qui réduit les chances que celle-ci veuille garder l’enfant à la naissance.

Il n’y a actuellement aucun cadre légal entourant la gestation pour autrui en Belgique. Celle-ci n’est pas interdite, mais elle n’est pas non plus légalement autorisée, elle est en fait tolérée. Comme il n’y a aucun cadre légal, à la naissance, la mère de l’enfant devant la loi est la mère porteuse. Celle-dit doit faire une renonciation de ses droits parentaux pour que la mère d’intention puisse l’adopter. Si la mère porteuse n’a pas de mari, le père d’intention peut tout de suite reconnaître l’enfant.


Clémentine Dubuisson

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