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Valentina, 3 ans, est atteinte d’une maladie rare: ses parents luttent pour lui donner accès au traitement (1/2 million euro/an)

Fin 2016, des examens médicaux ont révélé la maladie génétique rare qui touche Valentina. Il existe un traitement, mais il n’est pas remboursé en Belgique pour le moment. Les discussions entre l’INAMI et le fabricant pharmaceutique se poursuivent tandis que les parents de Valentina multiplient les démarches pour faire pression sur les pouvoirs publics.

João nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour attirer notre attention sur les graves difficultés rencontrées par son ami Alfredo. Ce dernier a partagé un message sur Facebook dans lequel il informe son entourage de la maladie qui touche sa fille Valentina : le syndrome de Morquio de type A, une maladie génétique rare.

Il ajoute qu’il existe un traitement "pour ralentir la progression de la maladie et avoir une meilleure qualité de vie", mais qu’il n’est pas remboursé en Belgique. "Notre fille Valentina n'a pas le droit de recevoir ce traitement !", se révolte Alfredo.

Avec sa femme, ils veulent se "battre pour que ce traitement soit reconnu par l’état belge et qu'il donne accès à tous les patients concernés". C’est dans cette démarche qu’il a décidé de s’exprimer sur le sujet et de créer une association pour faire connaître cette maladie.


Pas de signe de la maladie à la naissance

Alfredo, sa femme Debbie et leurs trois enfants habitent à Leefdaal, une petite ville de la province du Brabant flamand. Ils ont tous deux 38 ans. Lui est conseiller technique en automobile, elle responsable de communication pour une entreprise du secteur de l'énergie éolienne. Ils se sont rencontrés il y a 17 ans, ont eu leur premier enfant en 2004, puis se sont mariés en 2011. Valentina est née le 11 octobre 2013, l’accouchement s’est très bien passé. Un joli bébé de 51 centimètres pour 3,3 Kg. Le personnel médical n’a rien remarqué.


Une légère déformation de la colonne vertébrale soulève des inquiétudes

Deux ans et demi plus tard, au mois d’avril 2016, "une petite courbe au niveau du dos" de Valentina attire l’attention de ses parents. "C’est de là que tout est parti", se souvient Alfredo. "Les symptômes principaux sont des déformations progressives des os et des articulations", nous explique le docteur Luc Régal, de l’Unité métabolique HUDERF-UZ Brussel. "Tiens, c’est léger mais je vais quand même vous envoyer chez un orthopédiste", dit le médecin d’Alfredo et Debbie.

L’orthopédiste prend des radios de son dos, puis du bassin. "Je vous expliquerai pourquoi", prévient-il. Sur les radios, le spécialiste remarque une hypercyphose, c’est-à-dire une courbure dorsale exagérée, ainsi qu’une dysplasie (une malformation) au niveau des hanches. "Cela cache quelque chose, parce qu’il n’y a pas de liens entres les hanches et le dos", explique l’orthopédiste aux parents.

L’"hypermobilité des articulations" et souvent, "une dysplasie des hanches", font partie des symptômes de cette maladie, nous explique le Dr Régal. Valentina doit passer des tests génétiques, via des analyses de sang et d'urine.


Le diagnostic tombe : le syndrome de Morquio

"Au niveau de l’urine, le test était négatif. On était tout heureux", raconte le père de famille. Mais un spécialiste remarque "quelque chose d’anormal" dans le test sanguin. Valentina doit faire de nouveaux tests. "Le 28 novembre, on a eu le fait qui nous est tombé sur la tête", confie Alfredo. Leur fille est atteinte de mucopolysaccharidose de type IV (MPS IV), ou maladie de Morquio. "1/300000 nouveau-nés sont touchés par cette maladie", indique le Dr Régal. On compte 10 cas en Belgique.

Le syndrome de Morquio de type A est une maladie métabolique génétique qui se caractérise par des déformations squelettiques. Celles-ci provoquent l’arrêt de la croissance vers l’âge de 8 ans. "La taille des enfants atteints de cette maladie est petite, souvent moins de 130 cm", précise le Dr Régal. "Au niveau du cœur, il y a souvent des épaississements des valves. Les voies aériennes sont souvent touchées aussi, avec beaucoup d'infections. Il y a aussi une diminution de l'ouïe, des anomalies des dents et des troubles visuels à cause d'une opacification de la cornée", ajoute-t-il. A l’âge adulte, les problèmes sont dépendants de la sévérité de la maladie : "Souvent, ces patients ne sont plus ambulatoires ou ont des difficultés pour marcher à l’extérieur de leur maison, ayant besoin d’une chaise roulante ou d’une autre aide", explique le docteur. L’espérance de vie est très variable et dépendante de la sévérité des troubles respiratoires. Si les problèmes physiques sont multiples, l’intelligence des malades est normale.


Valentina doit être opérée d’urgence

La maladie de Morquio est donc lourde de conséquences. Mais pour Valentina, Debbie et Alfredo, les problèmes commencent dès que le diagnostic est posé. On leur annonce que leur fille doit être opérée d’urgence : les vertèbres de Valentina n’étant pas bien formées, son cou vient écraser sa moelle épinière. "Au niveau de la colonne vertébrale, les déformations peuvent provoquer des coincements de la moelle épinière", confirme le Dr Régal. Il y a un risque de paralysie. L’opération de Valentina a lieu de 3 janvier.


Le quotidien de la famille bouleversé

Suite à son opération, Valentina reste à la maison avec son père qui a pris un mois de congé. Elle doit porter un corset de maintien cervico-thoracique parce qu’elle ne peut pas bouger la tête. Avec cet important système fixé à elle, la fillette ne marche plus beaucoup. "C’est trop nouveau pour elle, explique son père. Il faut qu’elle s’habitue." Alfredo va l’amener à l’école pour la présenter à ses camarades. "Ça va être assez impressionnant pour les petits", se dit-il. Mais pour lui non plus, ce n’est pas évident. "Avec une petite qui ne bouge pas beaucoup, à la fin ça pèse un peu sur le mental", confie-t-il. Alors il peut compter sur le soutien de Debbie, qui travaille désormais deux jours par semaine de leur foyer.


Le Vimizim, un traitement qui ne guérit pas, mais apporte des améliorations notables

Valentina ne se plaignait de rien, nous a expliqué son papa. C’est une petite fille qui aime jouer, adore faire des puzzles et a une passion pour les chevaux. "Elle nous dit toujours qu’elle veut faire du cheval. C’est quelque chose qui nous prend un peu au cœur. On ne sait pas si ça va être possible, mais on va tout faire pour", confie Alfredo. Ce qui implique notamment de se battre pour le remboursement d’un traitement : le Vimizim, dont les médecins leur ont parlé.

Ce traitement se fait par voie intraveineuse, une fois par semaine. Le Dr Luc Régal nous en a expliqué les effets bénéfiques :


L'effet qui a été démontré le mieux est une amélioration de la mobilité (marche) des patients. La mobilité des patients qui n'ont pas de traitement se détériore. En général, l'effet des traitements pour les maladies lysosomiales est meilleur si on commence le traitement à un âge plus jeune, avec moins de symptômes irréversibles.


Le traitement devrait être commencé le plus possible, mais son remboursement fait l’objet de discussions

La commission européenne a autorisé la commercialisation de ce médicament en avril 2014. Il est remboursé en France, Allemagne, Espagne, Portugal, Italie, Royaume-Uni... mais pas en Belgique et en Hollande, nous a informé le professeur François Eyskens de l’hôpital universitaire d’Anvers.

La firme Biomarin a introduit un dossier de demande de remboursement pour le Vimzim en mars 2015 auprès de la Commission de remboursement des médicaments de l’INAMI (CRM).

Le professeur François Eyskens, spécialiste des maladies métaboliques héréditaires, fait partie des personnes consultées, en tant qu’expert externe, par la commission. Il a émis un avis positif. "Le Vimizim est totalement efficace à traiter ces patients, surtout les tout petits", déclare-t-il. "Plus on commence le traitement tôt, plus celui-ci gagne en efficacité. Quand les patients sont déjà très malades et immobilisés, l’efficacité est pratiquement nulle", précise-t-il.

Néanmoins, la CRM a débouté la firme Biomarin de sa première demande de remboursement, estimant que les effets thérapeutiques du traitement ne justifiaient pas son coût.


528.000 euros par an

"Bien que l’efficacité de Vimizim soit plutôt faible, le coût annuel par patient est élevé", rapporte Geneviève Speltincx, de la cellule communication de l’INAMI.

En effet, le budget annuel du traitement par patient s’élève à 528.000 euros. "Il y a eu une réunion de négociation avec la firme Biomarin mais il est apparu au cours de cette unique discussion que la firme n'était pas prête à envisager une prise en charge suffisante dans le coût du traitement afin de pouvoir poursuivre les discussions en vue de la conclusion d’un contrat", indique Geneviève Speltincx.

"Les firmes pharmaceutiques justifient toujours le prix demandé par les coûts de la recherche mais nous n’avons jamais de dossier de justification transparent en ce qui concerne les prix. En d’autres mots, les firmes demandent les prix qu’ils souhaitent", explique-t-elle.


Une décision attendue pour le mois de juin 2017, "au plus tôt"

Le dossier n’est pas clos. "Il n’y a rien de décider pour le moment", indique François Eyskens, consutant pour la CRM. Les spécialistes métaboliques ont demandé une révision de la décision et la firme Biomarin a réintroduit une nouvelle demande de remboursement pour Vimizim en décembre 2016. "Une décision dans le cadre de ce dossier est attendue au plus tôt pour le mois de juin 2017. La décision ultime sera prise par la Ministre des affaires sociales, Maggie De Block", déclare la porte-parole de l’INAMI.

En Belgique, seuls 8 patients sont demandeurs de ce traitement, indique François Eyskens. Ceux qui sont déjà très immobilisés ne souhaitent pas subir une séance de traitement chaque semaine pour des bénéfices quasi nuls.

Alfredo et Debbie n'ont pas l'intention d'attendre la décision finale de l’INAMI en restant les bras croisés. Ils préparent leur dossier pour créer leur association dédiée aux malades du syndrome de Morquio, baptisée MPS society Belgium.

Ils se sont rendus en Angleterre pour rencontrer la responsable d’une association britannique consacrée à la même thématique. À Londres, la firme Biomarin les a reçus pour leur expliquer leur démarche auprès de l’INAMI. Alfredo et Debbie multiplient les rencontrent : malades, spécialistes, consultants... "C’est la première fois qu’on rentre dans un truc comme ça", confie Alfredo. Le couple lance une pétition pour rendre possible l’accès au traitement en Belgique.

Petit à petit, Valentina reprend l’école. Mais elle ne peut pas y aller tous les jours car elle a besoin que quelqu’un soit toujours à côté d’elle. "Avec le corset, c’est pas évident", souligne sa maman. "Cela demande beaucoup d’investissement de l’école et on ne veut pas abuser de tout ça pour le moment", explique Debbie. Valentina n’a pas encore bien conscience de sa maladie. "Elle est encore petite, elle ne pose pas trop de questions. Elle sait qu’elle a le corset parce que c’est bien pour son cou. Mais ça va venir..."

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