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Virginie harcelée par un étrange site de voyage qui lui réclame 2.500€: "Je voulais juste un devis, je n'avais pas entré mes coordonnées bancaires"

Cette mère de famille bruxelloise "n'en dort plus". Alors qu'elle a cliqué sans vraiment s'en rendre compte sur "réservation avec obligation de paiement" après avoir indiqué ses coordonnées (sauf celle liées à sa carte de crédit), la voilà mise en demeure de régler immédiatement l'intégralité de la somme, sans possibilité d'annulation (les frais sont à hauteur de 100%). Comment se défend le site en question, et que dit la loi à ce sujet ?

Lorsqu'ils achètent sur internet, les consommateurs ont toujours l'impression que tant qu'ils n'ont rien payé, ils ne se sont engagés à rien. C'est l'usage (d'un web un peu 'sans règle') qui a créé ce sentiment, mais la législation est bien différente. En réalité, elle est pratiquement la même que lorsque vous signez un contrat en papier face à un vendeur...

Virginie, une jeune mère de famille de la région de Schaerbeek, en fait actuellement l'amère expérience. Alors qu'elle pensait simplement recevoir un devis pour deux semaines de vacances en Italie, elle a cliqué sans s'en rendre compte sur le bouton "Réservation avec obligation de paiement".

"On me réclame 2.500€, et c'est une catastrophe, je n'en dors plus depuis des semaines, je ne sais pas les sortir", nous a-t-elle expliqué après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.


Le bien que Virginie avait regardé. Notez au passage les traductions très approximatives.

Des vacances pour elle et ses enfants

Tout a commencé au début du mois d'août. "Je cherchais un voyage en last minut, et j'ai été sur Google pour trouver des bons plans".

Après quelques recherches, elle tombe sur un site allemand (mais d'origine suisse), www.belita-ferienhaus.de, où elle trouve un bungalow dans un joli camping de Toscane. "C'était 2.569€ pour deux semaines, du 7 au 20 août".

Le site n'inspire pas tellement confiance, au niveau de son look, de sa navigation et des traductions très approximatives en français. "Mais je cherchais surtout les bons prix", poursuit Virginie.


Elle clique sans le savoir sur 'Réservation avec obligation de paiement'

Elle remplit ses coordonnées dans le petit formulaire situé sous le calendrier des réservations, et clique sur un bouton de confirmation, "mal traduit, comme tout le site, d'ailleurs".

Virginie, qui n'avait pas indiqué de coordonnées bancaires (elles ne sont pas demandées dans le formulaire), ne se rend "pas vraiment compte" qu'elle vient d'appuyer sur 'Réservation avec obligation de paiement', même si elle nous avoue "avoir fait une connerie" à un moment donné.

"Je pensais recevoir un devis", avec une invitation à payer en ligne pour officialiser la réservation. "J'ai l'habitude de devoir confirmer le paiement", explique-t-elle.


Le formulaire qui ne fallait pas remplir (avec le fameux bouton de "paiement obligatoire")

Quelques minutes plus tard, le "harcèlement" commence

Mais pour le site, ce que vient de faire Virginie, c'est une réservation ferme et définitive. "J'ai reçu un email très rapidement en allemand, mais je ne l'ai pas compris, et je n'ai pas pris le mail au sérieux". Elle décide donc de ne pas faire confiance à ce site, et de ne pas compter sur ce qu'elle considère comme une pseudo réservation.

Hélas, la société suisse Belita qui gère le site ne l'entend pas de cette oreille. "Peu après, j'ai reçu un coup de fil, une dame qui ne parlait pas très bien le français. Je lui ai dit que je m'étais trompée, que c'était une erreur. Mais elle m'a dit qu'il était trop tard, que j'avais accepté les conditions générales, et que j'avais appuyé sur le bouton".

Virginie n'en croit pas ses yeux et ses oreilles. "J'ai eu beau répéter que c'était une fausse manœuvre, j'ai continué à être harcelée, vraiment: une vingtaine d'emails, une dizaine de coups de fil. C'étaient des phrases qui n'étaient pas du tout professionnelles... le jour de la réservation, on me disait par email que je devais payer à 21h au plus tard. A 21h07 on me téléphonait, j'expliquais alors que je n'avais pas l'argent, que les banques étaient fermées... On m'écrit alors 'TROP DARD' (sic), mais on précise que je peux payer en plusieurs fois, et que je dois commencer le lendemain à 10h !".

Des méthodes en effet très douteuses, à la limite de l'arnaque dite "ivoirienne"...

Un courrier dans sa boite aux lettres: Virginie craint le pire

Virginie décide de ne plus répondre aux sollicitations. Mais quelques jours plus tard, elle reçoit la facture d'annulation, dont le montant s'élève à... plus de 100% de la somme. "Il y avait un jour de plus, et on me demandait 2.765€. D'abord par email, et puis également par courrier, dans ma boite aux lettres!"

Notre jeune mère de famille commence à paniquer, et prend quelques renseignements. "J'ai parlé avec un avocat, j'ai appelé plusieurs associations de défense du consommateur: tout le monde me dit que la loi n'est pas de mon côté..."

Aux dernières nouvelles, écoutant un conseil, "j'ai répondu que je contestais et qu'un avocat prendra contact avec eux". Depuis lors, elle attend, la peur au ventre. "Je ne dors plus depuis des semaines, je n'ai pas cette somme, je suis à la mutuelle donc j'ai déjà du mal à finir le mois..."


Le courrier d'annulation reçu par Virginie (la somme a été corrigée)

Que dit le droit ?

Penchons-nous maintenant sur les règles en la matière, qui ne sont, en effet, pas en la faveur de Virginie.

Contrairement à l'achat d'un bien matériel sur un site d'e-commerce comme Amazon, "il n'y a pas de droit de rétractation pour les contrats de voyage en ligne", nous a expliqué Céline Wulleman, juriste spécialisée dans le droit des technologies de l'information et de la communication (TIC) au sein du collectif lesjuristes.be. Elle précise d'ailleurs immédiatement que "le droit de rétractation ne se justifie que si le prix a déjà été payé par le consommateur". Or ce n'est pas le cas: Virginie n'a pas laissé de coordonnées bancaires.

Quant au bouton de 'Réservation avec obligation de paiement', il est parfaitement légal, a-t-on appris auprès du CEC, le Centre Européen pour les Consommateurs. "Si c'est clairement mentionné, il y a un contrat. Même si les conditions pour le paiement ne sont pas réglées, le contrat reste valable", nous a expliqué pour sa part Martin Dirckx, juriste également.

Ce juriste rappelle que "beaucoup de consommateurs se trompent en pensant qu'il n'y a contrat que s'il y a paiement".

La législation n'est donc clairement pas en la faveur de Virginie.


Des méthodes déloyales

Si la loi n'est pas en la faveur de Virginie, on ne peut que critiquer les méthodes très douteuses utilisées par le site belita-ferienhaus.de, une plateforme très peu recommandable.

La grande majorité des sites de réservation de vacances fonctionnent en effet avec le principe très simple du paiement immédiat, de l'option (valable durant quelques jours) voire du versement de l'acompte en guise de confirmation de réservation. Lorsqu'on réserve un hôtel sur booking.com, l'un des sites les plus populaires, une carte de crédit est demandée en guise de bonne foi (elle n'est d'ailleurs pas communiquée aux propriétaires de l'hotêl), mais le paiement se fait sur place. Et on peut annuler la réservation sans frais, parfois jusqu'à 24h avant l'arrivée.

La possibilité d'une "réservation avec obligation de paiement", sans devoir entrer de coordonnées bancaires, ne fait que compliquer la procédure et sème doute et confusion. Son principal intérêt est, à nos yeux, de piéger le consommateur imprudent, inattentif ou crédule. Cela semble une accusation péremptoire, mais comme on peut lire dans un courrier que Virginie nous a montré, le site avoue lui-même ceci: "Comme nous avons beaucoup de demandes pour ce bungalow, nous ne pouvons pas faire de réservation finale avant d'avoir reçu le paiement".

Ce qui signifie que Belita, qui n'est qu'un intermédiaire, ne s'est pas encore engagé auprès du camping où Virginie souhaitait passer des vacances. Pourquoi dès lors réclamer de manière si pressante l'intégralité de la somme en cas d'annulation ?

Le site se défend et répond à nos questions

Nous avons appelé à plusieurs reprises le numéro de téléphone suisse de Belita, dont le siège est basé à Daniken, en Suisse (même si le site semble allemand, se terminant par .de). Nous avons finalement obtenu quelques éléments de réponses par email.

Les responsables de Belita disent que leurs méthodes "correspondent aux procédures de réservation d'autres sites de location de vacances". Ils expliquent également que le bien en location est mis à disposition de nombreux sites ou agences de voyage, et que les disponibilités de la base de données ne sont actualisées que toutes les 24 heures. "Pour cette raison, nous ne faisons pas payer immédiatement le client, car nous ne sommes pas en mesure de garantir à 100% la disponibilité du bien mis en location". Parallèlement à cela, le site prétend que certains clients préfèrent le virement bancaire à l'utilisation de la carte de crédit sur un site tel que le leur. En réalité, le site ne commence pas par https, et n'est donc pas sécurisé: il ne faut jamais y déposer de données personnelles, et encore moins y effectué le moindre paiement.

Quant aux méthodes peu orthodoxes utilisées pour réclamer l'argent, Belita se retranche derrière le fait que l'utilisateur remplit le formulaire et clique sur 'Réservation avec obligation de paiement'. Il "doit donc respecter les conditions générales qu'il est censé avoir lu avant de cocher la case".

Le site prétend également qu'il a "des obligations envers le propriétaire du bien" et qu'il doit payer des frais d'annulation (nous en doutons fortement, au vu du courrier reçu par Virginie, et au vu du côté très amateur du site). "Frais que nous transférons bien entendu aux locataires, tout cela est indiqué dans les conditions générales", précise forcément Belita.

Le site s'estime donc dans son bon droit...

Un flou juridique qui permet de jouer des sales tours

En réalité, on a l'impression que Belita profite d'un certain flou juridique. En tant que site de voyage, il peut ne pas offrir de droit de rétractation dans ses conditions générales (que Virginie à cocher). Il utilise également un bouton qui fait office de promesse de paiement, peu utilisé, heureusement, par une concurrence plus sérieuse. Il suffit dès lors que le site parvienne à enregistrer les coordonnées (numéro de téléphone, adresses email et postale) pour pouvoir exiger l'argent, de manière totalement légale.

Une méthode qui flirte avec l'arnaque, et qui pose un autre problème, soulevé à juste titre par Virginie. "N'importe qui peut réserver des vacances au nom de quelqu'un d'autre dont il connait les coordonnées, pour le mettre dans un sacré pétrin", estime-t-elle.

"C'est en effet un problème, mais c'est la partie qui conteste qui doit prouver l'identité. Si on dit : 'Ce n'est pas moi qui ai réservé, ce n'est pas mon ordinateur', ça peut aider", rétorque pour sa part le juriste du CEC, précisant qu'il recevait "beaucoup de plaintes de ce genre".


Les conditions générales, peu explicites, mal traduites...

Lueur d'espoir

Lueur d'espoir pour Virginie: la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, et ne peut donc pas profiter des procédures simplifiées mise en place pour faciliter la résolution de litige entre Européens.

De plus, il y a la question des conditions générales, mal traduites, du site. "Elles doivent respecter la loi et ne doivent pas être abusives pour le consommateur. Dans les conditions générales de Belita, il est indiqué que le droit applicable au contrat est le droit suisse, il faut donc vérifier la légalité des conditions en droit suisse. A première vue, les conditions paraissent un peu sévères pour le consommateur mais il faudrait faire une recherche plus approfondie en droit suisse pour en être certain", a conclu Céline Wulleman, juriste spécialisée.

Si le site peu scrupuleux veut aller plus loin pour contraindre Virginie à payer, cela va lui coûter des frais de justice. Et avec un bon avocat, la Bruxelloise pourrait se défendre, même si "elle n'a pas les moyens de perdre en justice..."

Nos conseils

Notre conseil est toujours le même: internet n'est pas une zone de non-droit et il convient d'y observer la même prudence que dans le monde réel. Ce qu'a fait Virginie en indiquant ses coordonnées et en cliquant sur le bouton de réservation de Belita, cela équivaut en réalité à un contrat signé dans une agence de voyage, où on ne paie pas forcément tout, tout de suite...

Et ce, même si le site n'a pas l'air sérieux ni sécurisé. D'ailleurs, on vous conseille de faire confiance à des noms connus (Thomas Cook, Neckermann, Sunjets, Belambra, etc...). Les méthodes seront parfois identiques au niveau du paiement différé, mais il y aura davantage d'indications vous précisant à quoi vous vous engagez...

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