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Yvan et Karen économisaient depuis 6 ans pour faire le tour du monde avec leurs enfants: mais ce 1er avril brise leur rêve

Yvan et Karen ont un rêve depuis de nombreuses années, s'offrir une année de pause dans leurs carrières respectives pour faire le tour du monde avec leurs enfants. Tout était planifié pour y parvenir. Mais il y a quelques semaines, ils ont appris une nouvelle qui s'apparente à une fameuse douche froide.

Ce samedi 1er avril, plusieurs changements interviennent en Belgique. Parmi ceux-ci, la suppression du crédit-temps sans motif, ce système qui vous permettait d’interrompre votre carrière pendant un an en étant sûr de récupérer votre poste à votre retour. L'annulation de cette possibilité accable Yvan et Karen qui ont pris contact avec notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous. "Dans 4 jours (1er avril), notre projet d'une vie tombera "définitivement" à l'eau ! Merci au gouvernement...", nous écrivent-ils.


"On s'est rendu compte qu'on pouvait aller explorer des terres autres que celles qui nous entouraient"

Dans ce jeune couple de Bruxellois, lui est informaticien, elle travaille dans le secteur bancaire. Ensemble, ils sont parents de deux enfants de 5 ans et demi et 2 ans et demi et rêvent depuis de nombreuses années de partir faire un tour du monde en famille pendant un an. Le virus du voyage les a contaminés il y a 14 ans, peu après leur rencontre quand, à 19 ans, ils sont partis pour la première fois en avion à la découverte d'un pays. "On s’est rendu compte que, après les voyages avec nos parents qui eux nous ont enseigné le voyage en voiture, on pouvait aller explorer des terres autres que celles qui nous entouraient et d’autres cultures et ça nous a donné l’envie d’aller plus loin, d’aller plus longtemps", nous explique Yvan.


"En même temps payer le crédit de la maison ainsi que parcourir tous les pays qu’on voulait faire et sans devoir se priver"

Il y a six ans, ils se disent que c'est le bon moment pour commencer à penser concrètement à leur tour du monde. Ils réfléchissent à un budget sur le long terme pour pouvoir se permettre ce voyage et comprennent vite qu’ils vont devoir économiser chaque mois pour y parvenir. "On avait établi un budget et c’était faisable sur une économie qui se faisait mensuellement, détaille Yvan. Là on pouvait s’imaginer sur huit-neuf années d’économie pouvoir partir, c’est-à-dire en même temps payer le crédit de la maison ainsi que parcourir tous les pays qu’on voulait faire et sans devoir se priver de quoi que ce soit."


Il y a quelques semaines, c’est la douche froide

Depuis six ans, donc, Yvan et Karen mettent de l’argent de côté chaque mois pour pouvoir s'offrir cette pause dans leur vie de travailleur et ainsi passer plus de temps et profiter de leur enfants. Après six années, ils commencent à voir le bout du tunnel puisqu’il ne leur reste plus que deux ou trois années à économiser, ils ont fait le plus dur.

Mais il y a quelques semaines, c’est la douche froide. Ils apprennent que le crédit-temps sans motif sera supprimé le 1er avril. À partir de ce jour, on ne pourra plus introduire une nouvelle demande. "Le but de notre voyage, c’était aussi de revenir après douze mois à la vie active que nous avions avant, c’est-à-dire avec le même travail qu’initialement. Mais avec le changement de loi ça chamboule un petit peu tout, parce que ça veut dire qu’en gros, on n’a plus le droit de le faire. Maintenant, il y a obligation de démissionner de notre travail pour pouvoir se permettre une pause carrière", regrette Yvan.


"Vraiment, on se sent toujours pressés comme des citrons"

Yvan ne comprend pas la décision du gouvernement. Pour lui, il est illogique de supprimer le crédit-temps sans motif puisqu'il ne coûte plus rien à l'État depuis deux ans. Jusque début 2015, une allocation de chômage était accordée aux personnes qui prenaient un crédit-temps sans motif. Mais le 1er janvier de cette année-là, l'allocation avait été supprimée par le gouvernement pour faire des économies et depuis, toute personne qui décidait de prendre un crédit-temps sans motif ne touchait plus rien.

Et le jeune père de famille de s'énerver contre cette décision qu'il juge incompréhensible: "Nous travaillons de plus en plus, avec une pression de plus en plus grande, avec un tas d’obligations, des horaires de plus en plus stricts, ça devient de plus en plus pénible et il y a de plus en plus de personnes qui font des burn-out. Je trouve la décision du gouvernement un peu ridicule parce que, en fait, ils ne font rien pour justement améliorer le train de vie des travailleurs".

Il va même plus loin, c'est un vrai coup de gueule qu'il adresse à ceux qui nous gouvernent. "Vraiment, on se sent toujours pressés comme des citrons. J’ai l’impression d’être un petit peu trahi encore une fois par le gouvernement qui essaie de nous faire passer certaines lois pour des économies, encore des économies, encore encore des économies".


Pourquoi ne pas introduire leur demande avant le 1er avril?

Avant que le crédit-temps sans motif ne soit supprimé, le travailleur qui demandait à y avoir droit devait le faire entre trois et six mois avant le départ, selon l'entreprise dans laquelle il travaillait.

Pour pouvoir encore profiter de cette "pause", Yvan et sa compagne pouvaient encore introduire leur demande dans les derniers jours de mars. Mais ils ne l'ont pas fait. Pourquoi? Entre le moment de la demande et la prise de congé, il y a un délai maximum de six mois. Trop court pour la famille qui avait prévu de partir d'ici quelques années. Yvan et Karen ne veulent pas changer leur plan de base. "Je m’étais un peu renseigné là-dessus, mais c’est trop court, mon but c’est vraiment de marquer le coup en partant un an. Je me suis renseigné auprès des écoles de mes enfants et tout était déjà plus ou moins planifié pour un an, on allait leur donner cours à distance. Accélérer tout ça allait être compliqué parce que j’aime bien préparer tout ce qui est planning, voyages, puis il y a les visas, les vaccins et avec deux enfants, il faut être plus prévoyant que simplement en couple", nous explique encore Yvan.


Devenir "une famille nomade"?

Pourtant Yvan et Karen ont l’infime espoir que la loi change à nouveau, mais cette fois en leur faveur, avant leur départ dans quelques années, même s’ils n’osent pas trop compter là-dessus.

Leur est aussi venue une autre idée : commencer une vie nomade. Ils ont déjà voyagé en famille dans de nombreux pays comme la Polynésie française, le Costa Rica ou encore les Etats-Unis (dont ils ont publié des photos sur leur compte Instagram) et ont rencontré plusieurs familles nomades. "Je vois de plus en plus de familles nomades qui vivent en travaillant et qui bougent de pays en pays. Ils trouvent un job soit en ligne, soit sur place dans de petits endroits locaux et autres. C‘est un train de vie complètement différent qui permet de ne pas vraiment s’attacher à un système et à une société qui impose certaines choses. Que ce soit au niveau expérience, que ce soit au niveau contacts, que ce soit au niveau entraide, c’est beaucoup plus ouvert. C’est un milieu qui est complètement différent de notre société actuelle où c’est vraiment le chacun pour soi", insiste le jeune trentenaire qui devrait pourtant quitter sa famille et ses amis pour y adhérer.

Une chose est sûre, même si le gouvernement a changé la loi, Yvan, Karen et leurs enfants partiront faire le tour du monde, mais avec le risque de pas retrouver de boulot en rentrant ou en changeant totalement de style de vie.


Les travailleurs du secteur public peuvent continuer à bénéficier de ce crédit-temps sans motif

Attention, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne concernant le crédit-temps sans motif. Il n’est supprimé que pour ceux qui travaillent dans le secteur privé (comme Yvan et Karen). Si vous exercez dans le secteur public, vous y avez encore droit. Vous pouvez prendre entre trois et douze mois en une fois et avez droit au total à 60 mois d’interruption de carrière.

Si les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde, c'est tout simplement car le secteur public et le secteur privé ne dépendent pas des mêmes autorités. Pour le privé, c'est le Conseil National du Travail, dont font partie les partenaires sociaux, qui décide. Et ce sont ces partenaires qui ont signé en décembre dernier la nouvelle convention collective de travail, dans laquelle la possibilité de prendre un crédit-temps sans motif a été supprimée.

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