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JR et Agnès Varda à la rencontre de gens dans "Visages, villages": une tribulation poétique sur les routes de France

Elle est l'une des dernières représentantes de la Nouvelle Vague, lui une figure mondiale du street art. D'une rencontre devenue une évidence, Agnès Varda et JR, plus de 50 ans d'écart, ont fait un film "Visages, villages", une tribulation poétique sur les routes de France.

La première fois qu'ils se sont vus, "on s'est demandé comment ça se faisait qu'on ne se soit pas déjà rencontré", a expliqué JR avant la présentation vendredi à Cannes (hors compétition) de ce projet commun. "Il y a beaucoup de similitudes dans nos travaux". L'artiste français, installé à New York, jouit d'une renommée internationale grâce à ses immenses portraits photo collés un peu partout dans le monde, des escaliers d'une favela brésilienne au Panthéon à Paris, en passant par le mur de séparation en Cisjordanie.

Un de ses projets, "The Wrinkles of The City", fait le portrait de personnes âgées avec une attention particulière portée à leurs rides et autres marques du temps. Agnès Varda, elle, a bâti une oeuvre à la frontière du documentaire et de la fiction où elle mêle des éléments autobiographiques ("Les plages d'Agnès"). Curieuse de tout, elle s'est intéressée aux artistes de rue dès les années 1980, avec "Mur murs" (1981) sur les muralistes à Los Angeles.


"Partir? Tu es partante?"

De leur rencontre est née l'envie d'un projet ancré dans le présent. "Partir? Tu es partante?", lui lance JR avant de l'emmener sillonner l'Hexagone dans son camion photographique. L'idée du tandem est d'aller à la rencontre de gens, loin des grandes villes (des agriculteurs, des facteurs, des dockers...), de les prendre en photo en grand format et de coller leur portrait sur une façade originale. Une façon d'explorer un paysage souvent délaissé... et de distiller une bonne dose d'optimisme. "On faisait confiance au hasard, aux rencontres", souligne la réalisatrice pour qui le film "n'est pas un gémissement politique, ni sociologique, ce n'est pas le constat tout va mal". "Tout va peut-être mal, mais si on peut partager des moments exceptionnels ça réconcilie un petit peu avec la vie", insiste-t-elle.


Le rébus de Godard

Le tournage a commencé il y a deux ans. Deux années en marge pour les deux complices, qui se sont tenus à distance des soubresauts politiques en France. Au fil de leurs déambulations, le film s'aventure également sur les souvenirs d'Agnès Varda, qui se rend par exemple sur la tombe du photographe Henri Cartier-Bresson.

Retrouvant dans ses archives un cliché de Guy Bourdin jeune, futur grand nom de la photographie de mode, elle va le faire agrandir et le coller sur un blockhaus gisant sur une plage. Un souvenir qui sera balayé en une journée par la mer. "On a eu l'envie d'aller chercher dans notre imagination des choses qui peuvent faire rêver les autres et d'entraîner les gens, la ville", souligne JR.

Une séquence particulièrement émouvante conduit enfin le duo en Suisse à la rencontre du cinéaste Jean-Luc Godard qui restera porte close, laissant un petit mot en forme de rébus sur une fenêtre. Une non-rencontre in fine positive, juge celle qui fut l'épouse de Jacques Demy, l'homme des "Parapluies de Cherbourg" et des "Demoiselles de Rochefort". "C'était une sorte de dialogue virtuel entre Godard et moi. On est un peu proches dans le fait qu'on fait des films où il y a plus de recherche que de commerce, c'est ça qu'on a en commun", explique-t-elle.

Avec JR, les affinités sont encore plus évidentes. Depuis qu'il a convaincu la réalisatrice de bientôt 89 ans de s'inscrire sur Instagram, leur complicité crève l'écran des smartphones.

"Visages, villages" sortira en salles le 28 juin.

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