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Albert ne s’attendait pas à hériter d’une aussi lourde couronne.
En ce petit matin du 1er août 1993, un frère cadet ressentait une peine immense. Baudouin et Albert étaient différents mais depuis toujours, ils avaient appris à s’estimer et à s’aimer à travers leurs caractères propres. Leur relation était fraternelle dans le sens amical du terme, à mille lieues de ce qu’avait pu être celle de Léopold II et de son frère Philippe ou encore celle de Léopold III et de son frère Charles. Entre Baudouin et Albert s’étaient établis des liens indestructibles comme seules la vie et ses épreuves peuvent en tisser. Pour la première fois depuis longtemps, le prince de Liège ressentait cette impression qu’il croyait appartenir au passé, le vide cruel de l’absence. Un sentiment qui le ramenait aux heures les plus noires de son enfance.
En d’autres temps, on criait dans les couloirs du château de Versailles " le Roi est mort, vive le Roi ". La formule consacrée rappelait qu’en France, le Roi ne mourait pas. Ou plutôt, si le Roi mourait, le principe lui survivait dans son essence éternelle et monarchique. La Belgique n’a rien d’une monarchie absolue de droit divin mais néanmoins, il ne saurait être question d’une vacance du trône. À l’issue d’un aussi long règne, Baudouin avait fini par incarner la fonction jusqu’à se confondre entièrement avec elle. Et en ces heures noires, un sentiment le disputait souvent à la peine, il s’agissait de la stupéfaction.
Après Baudouin, que pouvait-il bien se passer ? Qu’allait-il advenir du pays ? Certes, l’attachement des Belges à leur Roi était profond et sincère mais le lien à la Belgique n’était pas non plus à dédaigner. Le système monarchique induit l’incarnation de l’Etat dans la personne d’un homme et lorsque celui-ci avait exécuté sa mission avec autant de dévouement et de charge symbolique que feu Baudouin Ier, il était permis de nourrir quelque inquiétude pour le futur.
