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UNE JOURNÉE AVEC Bruno Fahy, photographe de football

Vous les voyez lors de chaque match de foot, planqués derrière les panneaux publicitaires, armés de leur immense objectif braqué sur les 22 joueurs. Ils saisissent des visages, des gestes et surtout des émotions. Mais qui sont vraiment ces photographes? Bruno Fahy est l'un des plus actifs en Belgique, couvrant plus de 150 matchs. Nous l'avons rencontré et suivi à l'occasion de deux matchs internationaux.

"Mon grand-père développait ses photographies dans un laboratoire aménagé dans la cave. Un jour, il m'a montré comment faire et c'est comme ça que j'ai commencé", commence Bruno, photographe de sport pour l'agence de presse Belga que nous avons rencontré quelques heures avant le match Belgique - Chypre, le 28 mars dernier, dans le décor cosy de la Brasserie du Heysel. L'idée de faire de la photographie son métier et d'en vivre n'est venue que bien plus tard, et sans pour autant savoir que sa passion l'enverrait aux quatre coins de la Belgique et d'Europe pour immortaliser les plus grands matchs, les plus grands joueurs de football. "La photo de sport, c'est venu sur le tard. Au début, ça ne m'intéressait pas plus que ça. C'est arrivé comme ça, un peu par hasard. Je me destinais à la presse quotidienne, au reportage de presse généraliste. Ensuite, l'agence de presse Belga a commencé à m'envoyer un peu plus sur le sport et je me suis pris au jeu". C'est donc à force d'arpenter les terrains de notre Pro League que notre photographe indépendant a pris goût au football. "J'ai commencé à apprécier le foot en faisant de la photo. Je n'étais pas du tout un fan de foot alors qu'aujourd’hui, le ballon rond occupe 85% de mon activité professionnelle". Un ballon que ce Namurois âgé de 40 ans ne veut plus lâcher. "Le sport que je préfère photographier, c'est le foot. C'est le sport-roi. Il véhicule tellement d'émotions. Des émotions positives mais aussi de la tristesse, de l'effort. Et puis, tout le monde a, dans sa vie, déjà vu au moins une fois une image de football. Il y a plein d'autres sports photogéniques mais pour moi, c'est le foot. Je ne peux l'expliquer".


Bruno Fahy en pleine action lors du match FC Bruges - Dnipro Dnipropetrovsk, 16 avril 2015


Une photo marquante

Le football l'a emmené jusqu'au Brésil, pour la Coupe du monde 2014. Une magnifique expérience pour ce papa, moins pour sa femme et ses trois enfants. "A la fin, ça devient long. Pour soi, pour la famille, pour tout le monde. C'était mon premier voyage depuis que j'ai des enfants. Vingt-huit jours loin de chez soi, ça fait quelque chose. Ma fille a vite compris cela aussi. Je crois qu'elle a pleuré après la qualification de nos Diables Rouges face aux Etats-Unis. Elle regardait le match en compagnie de ma femme sur un écran géant en ville. Tout le monde faisait la fête sauf elle, qui pleurait dans un coin. Elle avait compris que son papa allait devoir rester une semaine de plus, loin d'elle. Ensuite, le contraire s'est passé lorsque l'Argentine nous a malheureusement éliminé en quarts de finale. Tout le monde était déçu, une personne faisait la fête...". Au niveau personnel, cependant, le Mondial brésilien est plus qu'une réussite pour celui que vous pouvez suivre sur le réseau social Instagram. Sa photo de Romelu Lukaku et Kevin De Bruyne main dans la main lors du match contre les USA a remporté le prix du journalisme du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. "De un, j'ai rempli mon contrat puis, cerise sur gâteau, il y a un cliché qui a marché. Une photo marquante, c'est ça la recette d'une Coupe du monde réussie. Je ne pensais pas qu'ils allaient faire ça. Parfois, ça se joue à peu de choses. C'est un coup de chance".


© Bruno Fahy, Belgique - Etats-Unis, 1er juillet 2014


La recette d'une photo parfaite?

Nous avons demandé à ce grand professionnel quelle était la recette d'une photo parfaite.

"La photo doit raconter une histoire. L'idéal, c'est qu'une photo se suffise à elle-même. A la limite, la légende doit devenir facultative. Si elle claque tout de suite, c'est une photo réussie. Elle attire le regard, on ressent des choses".

"Et puis, il y a des personnes plus photogénique que d'autres. Un gars comme Eden Hazard, par exemple, dégage quelque chose. C'est quelqu'un de simple, de naturel, qui a des choses à raconter et puis, quel joueur! Vincent Kompany, c'est pareil, il en impose. C'est "Vince The Prince" tout le temps. Un peu à la Barack Obama. Lors de la dernière conférence de presse au Brésil, il traverse le terrain, lunettes de soleil sur le nez, accompagné de deux gardes du corps. Ça, c'est Kompany quoi. Ça fait une bonne image tout de suite. Le mec a une aura naturelle. Un gars plus timide sera plus rigide et ça se ressentira sur la photo".

Avant de prendre en photos les meilleurs joueurs belges et étrangers, Bruno Fahy a commencé par l'échelon provincial de notre football. Un passage qui a façonné l'homme et le photographe qu'il est aujourd'hui. "J'ai travaillé pour le journal "Vers l'Avenir" pendant vingt ans. Là, on couvrait tous les sports. C'est la meilleure école. Si tu arrives à t'en sortir lors d'un match de Provinciales, après, le reste c'est du gâteau".


FC Bruges - Dnipro Dnipropetrovsk, 16 avril 2015, Bruno trie immédiatement ses clichés.


"Sur le chemin, il n'est pas rare de m'arrêter une ou deux fois sur une aire d'autoroute pour tout vérifier"

L'heure tourne. Le match des Diables Rouges approche. L'occasion pour Bruno de vérifier son matériel une dernière fois en notre compagnie. "Je n'ai pas de rituel bien particulier ni de vêtement ou objet porte-bonheur. Je ne me signe pas avant de monter sur le terrain (rires). C'est juste professionnel. J'aime bien arriver tôt au stade, prendre ma place et tout préparer. Je regarde les compositions des équipes, je me renseigne un peu sur tel ou tel joueur, qui est sous la menace d'une suspension".

Au fil des minutes, le stress monte. "C'est vrai qu'après autant de matches (il en couvre près de 150 par saison, ndlr), je stresse toujours. Sur le chemin, il n'est pas rare de m'arrêter une ou deux fois sur une aire d'autoroute pour tout vérifier. Ensuite, je me vide l'esprit. Je ne pense jamais au match. Je ne me projette jamais parce qu'alors on se focalise et on espère faire la photo rêvée. Et on ne l'a jamais. Enfin, c'est un stress positif qui me permet de rester concentrer sur ma tâche. Par exemple, j'ai commencé les Play-offs avec un match de Play-offs 3. Il avait autant d'importance pour moi que le match de ce soir". Un discours de... sportif. "Mais le physique en moins (rires)".

Deux semaines plus tard, nous avons accompagné Bruno qui couvrait une autre rencontre internationale, cette fois un match de l'Europa League entre le FC Bruges et le Dnipro Dnipropetrovsk. Pendant le match, Bruno ne chôme pas. "Non, on n'a pas vraiment le temps de se reposer". Il prend entre 350 et 500 photos en... une mi-temps! Il procède immédiatement au tri des meilleurs clichés au bord du terrain, pendant le match. C'est ainsi qu'une quarantaine de photos sont envoyées à l'agence de presse Belga qui les rend disponibles à ses clients dont fait partie RTLsport.be.

Le rythme est intense. Qui aurait cru que ce soit si... physique? "Je me retrouve assez bien quand j'entends un footballeur qui vit son truc à fond, même parfois au détriment de sa vie privée. Je me retrouve complètement là-dedans".


FC Bruges - Dnipro Dnipropetrovsk, 16 avril 2015

Maxime Avengazar

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