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Affaire Evra: les supporters marseillais pèsent-ils autant qu'avant?

"Virus", "mal nécessaire" ou véritable pouvoir? Beaucoup de fantasmes circulent autour des supporters de l'Olympique de Marseille, à nouveau dans l'œil du cyclone depuis que Patrice Evra a frappé l'un d'entre eux.

Basile Boli raconte souvent qu'à la grande époque, dans les années 1990, des fans entraient... dans les vestiaires pour rappeler les joueurs à leurs "devoirs".

"Avant, on nous prêtait beaucoup plus d'influence qu'on n'en avait réellement", tempère à l'AFP Michel Tonini, chef historique du groupe Yankee Nord Marseille.

Pour lui, "les supporters de Marseille sont bien organisés parce qu'on est une grande masse et qu'on vit l'OM et le football de façon complètement différente, les dirigeants d'avant avaient compris ça et on travaillait main dans la main".

L'OM et les groupes organisés se dirigent "vers une redéfinition des relations, la nouvelle équipe veut rebattre les cartes, et cela a débuté un peu avant la reprise du club par les nouveaux propriétaires, avec l'ancien président Vincent Labrune", explique à l'AFP le sociologue Ludovic Lestrelin, spécialiste des questions de supporters.

Pour Alexandre Jacquin, qui suit le club pour La Provence, les supporters ont "un peu moins d'influence que par le passé, mais surtout il y a moins de dialogue, et bien au-delà de la seule question de la gestion des abonnements", que l'OM a récupérée.

Depuis l'ère Bernard Tapie au tournant des années 1990, les groupes vendaient les billets à l'année et se constituaient ainsi un budget pour les déplacements ou les "tifo", ces spectacles de tribunes.

- 'Attention pan-pan cul-cul' -

"C'était juste un modèle de commercialisation différent, souligne Tonini, mais l'OM prenait bien l'argent des abonnements. En échange, il y avait quand même quelque chose d'extraordinaire: l'OM et ses supporters ne faisaient qu'un."

Sous la présidence de Pape Diouf, le club avait même envoyé son équipe réserve à Paris en soutien aux groupes, interdits de Parc des Princes. "Ce ne serait plus possible aujourd'hui, note Jacquin. Le pic de leur influence, ce sont les années en D2 (1994-1996)".

"D'anciens présidents comme Jean-Michel Roussier ou Christophe Bouchet ont quasiment été chassés par la pression des supporters", ajoute le journaliste.

En cas de mauvais résultats, ils pouvaient également aller attendre les joueurs pour les invectiver au centre d'entraînement de La Commanderie. "Rudi Völler a même été caillassé, et on allait être champions d'Europe", se souvient Tonini.

Aujourd'hui, c'est plus calme, mais le dialogue est presque rompu. "Il n'y a plus de référent supporter, explique Lestrelin, comme Guy Cazadamont auparavant". Ce responsable de la sécurité mettait de l'huile. Il a été un peu écarté par Labrune puis définitivement par Jacques-Henri Eyraud, le nouveau président.

Les supporters ont "moins d'entrées directes et de relais en interne qu'auparavant", ajoute le sociologue.

- Ils font partie de la marque OM -

A la place de Cazadamont, "JHE" a choisi Thierry Aldebert, un ancien "super gendarme". "Quand on met comme nouveau responsable de la sécurité un ancien du GIGN, le message subliminal c'est: +Attention pan-pan cul-cul+", raille Tonini.

La rupture a été actée quand le club a suspendu mi-août les Winners pour le match contre Ostende, pour abus pyrotechnique, décision très mal vécue par les virages du stade Vélodrome.

Et dans le cas de l'affaire Evra, les groupes ont vivement déploré que le communiqué de l'OM consacre plus de lignes à la condamnation des supporters qu'à celle du joueur.

Les virages pourraient fomenter la riposte. "Ils gardent un levier: ils sont un atout de la marque OM, cela représente un poids économique, explique le sociologue. Eyraud parle beaucoup de la +fan experience+, difficile à vendre sans les entrepreneurs d'ambiance que sont les supporters. Le club serait perdant sur le long terme", avec un stade vidé.

"J'ai l'impression qu'on ne veut plus de nous, peste Tonini, on était encore un mal nécessaire, maintenant on est devenu un virus. On devrait venir en fermant sa gueule mais on ne peut pas, Marseille c'est Marseille. La passion on l'exploite, de façon intelligente, on n'essaie pas de la mettre sous tutelle, sinon ils vont se retourner, les supporters."

Est-ce que c'était mieux avant? "Mais c'est l'OM qui était mieux avant! conclut Tonini. On ne peut pas nous demander de faire la fête quand on voit le spectacle depuis sept ans. Donnez-nous une équipe qui marche sur ses adversaires et vous verrez le Vélodrome..."

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