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Ligue 1: Leonardo Jardim (Monaco), l'intello du foot

Il est fan du sociologue Edgar Morin et cite des poèmes de Rudyard Kipling en conférence de presse: Leonardo Jardim, jeune entraîneur de 42 ans et champion de France avec Monaco, n'a pas fini d'étonner.

Comme les autres coachs, Jardim connaît les formules toutes faites, comme "dans le football, tout va très vite". Mais il peut livrer autre chose.

Après l'humiliation subie à Nice en septembre dernier (4-0), l'homme à la calvitie naissante avait cité en conférence de presse un extrait du poème "Tu seras un homme mon fils" de Rudyard Kipling: "Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite / Et recevoir ces deux menteurs d'un même front, / Si tu peux conserver ton courage et ta tête / Quand tous les autres les perdront..."

Alors que certaines émissions satiriques moquent son accent quand il s'efforce de toujours parler en français en conférence de presse, le Portugais a également surpris en révélant son admiration pour le sociologue Edgar Morin.

"J'ai adoré l'approche d'Edgar Morin, sa relation à la complexité du monde. Face à l'échec, il ne va pas chercher à simplifier et à pointer du doigt un manquement. Il a une perception symphonique de la vie", avait ainsi confié le technicien à L'Equipe Magazine.

- Made in Madère -

Le JDD a même fait se rencontrer les deux hommes. "Mon travail intéresse en général des gens dans l'enseignement, l'entreprise, des médecins... Mais c'est la première fois qu'un grand entraîneur sportif faisait appel à moi. Je suis moi-même amateur de foot et j'avais réfléchi sur l'art et la stratégie de ce sport. Ça m'intéressait donc d'échanger nos points de vue", s'était réjoui le penseur âgé de 95 ans.

Mais d'où vient Jardim? Du Venezuela, où il est né, avant que sa famille ne retourne à Madère d'où elle était originaire. C'est là, dans cette île au large du Maroc, qu'il étudia les sports à l'université. C'est là qu'il devint adepte de l'analyse transversale. C'est encore là qu'il débuta dans la profession à 27 ans comme entraîneur adjoint du club de Camacha. C'est là d'où proviennent ses adjoints Antonio Vieira et José Barros.

Pour Jardim, qui goûte peu les feux médiatiques, le football est avant tout un jeu, sur lequel il s'impose un travail de réflexion de tout instant. Avec deux lignes directrices: développer la prise de décision des joueurs et rapprocher les entraînements des conditions de match. Avec une vraie constance aussi.

Ainsi, après son arrivée en juin 2014, il avait commencé en titularisant Nabil Dirar latéral droit, Tiémoué Bakayoko et Fabinho au milieu. Trois ans plus tard, ils étaient alignés à ces postes en demi-finale aller de Ligue des champions contre la Juventus Turin.

Le quadragénaire a déjà vécu beaucoup de choses, ce qui lui a fait répéter ces derniers temps: "En cas de victoire (finale dans le Championnat de France), je resterai le même, ma personnalité restera toujours la même, vous me connaissez, rien ne peut me changer."

- Lucide sur un métier instable -

Il est lucide et connaît l'instabilité de son métier. Il fut ainsi évincé du club grec de l'Olympiakos en janvier 2013, six mois après son arrivée alors que son équipe possédait 10 points d'avance sur son poursuivant...

D'ailleurs, il y a un an à peine, la question de son maintien fut posée. Les dissensions internes dans le staff entre lui, Claude Makelele et Luis Campos avaient plombé la fin de saison.

Depuis, les deux premiers ont été priés de faire leurs valises. Quant à Jardim, il a dû passer un grand oral devant Dmitry Rybolovlev et Vadim Vasilyev, ses dirigeants. C'était le vendredi 3 juin 2016. Aujourd'hui, il en minimise la portée. Mais c'est lors de cette réunion qu'il a joué son va-tout.

Le lendemain, Vasilyev expliquait à l'AFP: "Il a montré son envie et son ambition pour aller au top niveau avec Monaco. Il est prêt à 200%. Nous avons validé son projet."

Ses patrons l'ont écouté. Monaco a gagné. Les joueurs, eux, ont grandi. Ils ont intégré les exigences de leur métier quand on dispute plus de soixante matches par saison. Jardim peut savourer. C'est sa victoire.

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