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Suivez l'entraînement d'Ismail, un garçon "pas comme les autres" qui va traverser le détroit de Gibraltar à la nage

"Je veux être comme les autres": c’est le cri du cœur d’Ismail, un jeune homme de 24 ans qui a la particularité d’être "extraordinaire", comme l'explique sa famille. En d’autres termes, il est atteint de trisomie 21. Un handicap qui ne l’a pas empêché de développer une passion pour la natation, au point de se lancer le défi de traverser le détroit de Gibraltar à la nage. Nous l’avons suivi lors de l’un de ses entraînements.

C’est un défi de taille qu’Ismail, 24 ans, s’apprête à relever : traverser le détroit de Gibraltar à la nage, et par la même occasion, prouver qu’il en est tout autant capable qu’un autre nageur, malgré son handicap mental. Nous avons rencontré cet athlète hors du commun lors de l’un de ses entraînements à la piscine de Neder-Over-Hembeek, en périphérie bruxelloise. En ce moment, le jeune homme s’y rend trois fois par semaine pour enchaîner des longueurs pendant deux heures avec sa coach, Noémie. Au fur et à mesure, elle va augmenter la cadence avec 4, puis 5 entraînements de natation par semaine, toujours plus longs. Ajoutez à cela une session de cardio à la salle et un jogging tous les dimanches, et Ismail sera fin prêt à relever son défi cet été (voir la vidéo de l'entraînement).



"On essaye de vivre normalement"

Ismail, comme son frère jumeau Mehdi, est donc né avec la trisomie 21. Au quotidien, cela se traduit par une succession de moments extraordinaires, mais aussi plus difficiles, confie son père, Larbi, sans s'épancher davantage sur le handicap, qu'il préfère mettre de côté: "On essaye de vivre normalement". C’est dans cette optique que les jumeaux, âgés de 24 ans, ont été élevés, et qu’ils ont développé des passions, comme tout le monde. Depuis son plus jeune âge, Ismail aime la natation. Inscrit aux "bébés nageurs" à l’âge de 6 mois, il n’a jamais cessé d’aller dans l’eau dès qu’il en avait l’occasion. Son père, lui-même féru de plongée, nous raconte qu’en vacances, il fallait toujours le surveiller pour qu’il n’aille pas trop loin. "Dès qu’on est à la plage, il faut vite mettre son maillot et pour aller dans l’eau... Il est tout le temps parti en mer". Lors de vacances passées à Tanger, au Maroc, ce loisir a pris une tournure nouvelle. Depuis la côte, on aperçoit les contours de l’Espagne: "Quand il fait bien clair, on voit même les voitures". Ismail a donc naturellement émis l’envie d’aller "de l’autre côté". Traverser le détroit de Gibraltar, à la nage: c’est le rêve un peu fou que sa famille va l’aider à concrétiser.


Des compétitions pour tester ses performances

"Pour lui faire comprendre que c’est assez difficile, on lui a montré les images, on avait déjà fait la traversée en bateau. La première année, on s’est entraîné pour voir s’il était vraiment conscient de l’effort que cela demandait et si c’était possible de faire ça". Ismail participe alors à plusieurs compétitions en 2015. Notamment à l’Odyssée du 31 à la Ciotat, en France, où il arrive 108e sur 400 participants, parmi lesquels il est le seul déficient mental inscrit. Une belle performance qui lui a valu le prix du courage. Un peu plus tard aux Special Olympics, le jeune athlète participe au triathlon, où il reçoit la médaille d’or dans sa catégorie.




Après une année très sportive, le jeune homme a l’occasion d’assister à la traversée d’Alain, un autre nageur. Un moment décisif qui permet à Ismail de voir concrètement à quoi ressemblera son challenge. Larbi nous le raconte avec beaucoup d’émotion: "On a été le voir arriver tout doucement, et on voyait qu’Ismail avait du plaisir, c’était la joie, il applaudissait, il avait des yeux grands ouverts. Il allait faire la même chose. C’était un moment formidable".



Depuis 24 ans, les parents confrontés à la peur du handicap et au "non"

Le potentiel est là, l’envie aussi. Reste alors à gérer les aspects pratiques de la traversée. Larbi envoie plusieurs demandes, qui restent sans suite. "Les clubs sont souvent réticents, car ils ont peur du handicap", nous explique le père d’Ismail. Et c’est précisément sur ce point qu’il souhaite changer les mentalités. "On est chaque fois confrontés à cette peur, ils ont 24 ans, et on a toujours eu ce problème du "non". On pense qu’ils ne savent rien faire, on 'n'en veut pas', on n'a 'pas le temps'. C’est malheureux parce qu’ils peuvent faire pas mal de choses, il faut juste prendre un peu de temps pour le permettre".

Finalement, à force de contacts, le club qui organise la traversée, l’ACNEG, l’Association de traversée à la nage du détroit de Gibraltar, a procédé à l’inscription. Les conditions: pouvoir assurer un rythme de 3 km/h à la nage, être capable de rester 6 heures dans l'eau, et fournir une série de documents: "Il a dû obtenir un brevet de natation, des attestations médicales, une épreuve à l’effort, et souscrire à des assurances pour avoir accès à la traversée".


Un bateau pour les proches qui viendront l'encourager

Celle-ci se déroulera dans la semaine du 8 au 15 juillet en fonction de la météo: "On doit être là pendant une semaine pour voir le meilleur jour pour le faire". Dans l’eau, Ismail sera entouré de sa coach Noémie, et d’Hélène, une autre entraîneuse qui s’est intéressée au projet. Plusieurs bateaux quadrilleront les nageurs: "Il y aura un bateau guide qui suit un peu les courants, car il y en a beaucoup dans le détroit. Le deuxième, qui est juste à côté des nageurs, veille à leur sécurité. Il y aura un troisième bateau, éloigné de 50 voire 100 mètres, avec les amis qui veulent l’accompagner pour l’encourager". Ismail partira de Tarifa, en Espagne et devra toucher le rocher de Punta Ceres, au Maroc, avant de retourner vers l’Espagne. Un trajet de 14 kilomètres qui s'effectue généralement entre 3 et 6 heures en fonction des conditions climatiques et du niveau du nageur. "Ismaïl sera la première personne atteinte de déficience mentale à réaliser ce challenge. Peut-être aidera-t-il le monde à changer son regard sur les personnes différentes de ce que nous appelons la normalité", peut-on lire sur son site internet. 


Un challenge coûteux

Toute cette organisation a évidemment un coût: 4000€ rien que pour la traversée, auxquels il faut ajouter le prix des déplacements en groupe à l’étranger, pour les entraînements en mer et les compétitions. Un sacré budget, dont une petite somme a pu être récoltée lors d’un événement: "On a organisé une soirée couscous, et ça c’est très bien passé. Les gens sont conscients du message qu’on veut faire passer", nous explique Larbi, enthousiaste. Il reste donc un peu plus de 5 mois à Ismail pour s’entraîner à réaliser l’exploit, encouragé par une famille qui n'a jamais douté de ses capacités.

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