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Voile: Jean-Yves Bernot, "sorcier" qui prédit les trajectoires

Cerné par six ordinateurs dans le bureau de sa maison de Châtelaillon-Plage, en Charente-Maritime, le météorologue et navigateur Jean-Yves Bernot surveille vents et courants pour guider François Gabart, qui tente le record du tour du monde en solitaire ou Sébastien Josse et Vincent Riou, en lice dans la transat Jacques Vabre.

Surnommé "le sorcier", Jean-Yves Bernot est une référence en matière d’analyse des systèmes météorologiques et de choix stratégiques. "Je suis là pour optimiser les trajectoires, pour aller le plus vite possible sans mettre en danger le bateau", résume ce grand échalas frisé.

Les navigateurs comme lui sont très recherchés. "Il faut de bonnes connaissances scientifiques, informatiques, ne pas être malade à bord quand on y est et connaître assez la manipulation du bateau pour comprendre ce qui se passe, dit-il. C'est pour ça qu'on n'est pas beaucoup. Dans le monde on est une dizaine".

Depuis la terre ferme, il vit désormais au rythme de ses poulains. "Je sais que cette nuit, je ne dormirai pas parce que François a le Pot au noir à passer", zone intertropicale délicate, disait-il jeudi soir.

"C'est ma vie normale", dit ce marin né à Moulins (Allier) "par hasard", qui n'a jamais remis les pieds non plus à Reims, où il feint d'avoir oublié son cursus. "Bac + 8 ou 10 de mathématiques", dit ce sexagénaire, tout aussi fâché avec les chiffres sur son âge : "Je suis assez vieux pour dire que j'ai commencé ce métier il y a une quarantaine d'années".

Il devient plus disert pour évoquer sa mère bretonne, sa découverte de la voile en Bretagne nord, et les Glénans où il faisait "toutes les régates qu'on pouvait".

Il commence sa carrière de marin "de bon niveau" comme barreur sur les courses du Royal ocean racing club (RORC), en Manche. "Il y avait des navigateurs catastrophiques, se souvient-il. J'ai fait une petite erreur, je me suis occupé de la stratégie. Je n'ai plus jamais quitté cette p... de table à carte ! Mais ça a assuré ma longévité".

- 'Traîne ponton' -

Il mène aussi des recherches en océanographie mais un jour il a fallu choisir, "être un chercheur réputé ou un traîne ponton. Je suis devenu traîne ponton".

Il navigue avec les plus grands, Loïc Caradec, Philippe Poupon, côtoie Eric Tabarly, remporte des transatlantiques (Admiral's cup, Québec–Saint-Malo) et multiplie les tours du monde (Volvo race, The race), énumère-t-il.

Il interrompt soudain son palmarès : François Gabart s'approche d'un front nuageux et lui demande de l'aide sur internet. Le navigateur n'a pas droit à l'erreur, le skipper charentais est légèrement en avance sur le record que Thomas Coville a établi l'an dernier.

Le sorcier s'est professionnalisé en même temps que la voile. "Je suis passé de la navigation du XIXe siècle, au sextant et au baromètre à celle du vingtième siècle avec des images satellitaires, des prévisions météo fiables. Je suis arrivé au moment où tout a évolué. Et ce que j'avais fait avant en mathématiques, en océanographie, me donnait un coup d'avance".

De navigateur "entre deux courses", il passe professionnel. "J'ai été un des premiers à créer des logiciels de routage et d'aide à la décision. Je m'occupais de gens qui font le tour du monde depuis les années 90. Je me suis spécialisé dans la gestion des systèmes météo autour du monde". Coup de pouce, la course open se développe alors en France, ce qui veut dire des sponsors qui parient sur la technologie.

Aujourd'hui, il s'est aussi tourné vers la formation. Que ce soit au Pôle Finistère de course au large ou à La Rochelle, il forge les skippers d'aujourd'hui et de demain. Michel Desjoyaux, Ellen Mac Arthur, Armel Le Cléac'h, Franck Cammas ont tous fait appel à lui, tout comme les jeunes marins engagés dans la Mini transat 6,5 qui font actuellement route vers la Martinique.

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