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Cyclisme/Dopage: six mois ferme requis contre Bernard Sainz, alias docteur Mabuse

Six mois de prison et 20.000 euros d'amende ont été requis mardi en correctionnelle à Caen contre Bernard Sainz, alias Dr Mabuse, pour incitation au dopage.

"Les témoignages, trois directs et cinq indirects, disent tous la même chose. Le rôle de Bernard Sainz, c'est la rédaction de protocoles de dopage qu'il dicte" au coureur, a estimé Joséphine Lecardeur, vice-procureur de la République. Et "c'est une activité très rémunératrice", a ajouté la magistrate, citant un dépôt d'espèces de 70.000 euros sur le compte de l'ex-épouse de celui qui se présente comme un "spécialiste des médecines douces".

Bernard Sainz, 73 ans, est poursuivi pour incitation au dopage dans cette affaire qui concerne le cyclisme amateur et dans laquelle comparaissent onze personnes au total.

Le tribunal rendra sa décision le 5 septembre.

"J'ai cette caricature diabolique de dopeur. Mais qu'est ce qu'il y a de concret ? Rien", s'est défendu à la barre, très loquace, le principal prévenu, qui n'a pas de compte en banque.

"Soit vous n'avez rien fait, soit vous êtes très malin", a résumé le président du tribunal Christophe Subts.

"En six mois d'écoute téléphonique, Sainz Bernard n'apparaît jamais", a rétorqué l'avocat de la défense Stéphane Mesones, affirmant que son client ne recommandait que des "remèdes de grand-mère". Il plaide la relaxe.

Mais le prévenu Fabien Taillefer, cycliste dopé repenti, est à la barre lui aussi catégorique. Il "confirme" que Bernard Sainz a selon lui conseillé son père Fabrice Taillefer, ex-coureur et prévenu lui aussi, pour la prise d'hormones de croissance.

Pourquoi l'ancien coureur n'a-t-il pas dénoncé Sainz dès le début de l'enquête ? "Je ne savais pas si je referais du vélo. Beaucoup de présidents de clubs connaissent Sainz. C'est la même génération. Si on parle sur Sainz, on est grillé", poursuit Fabien Taillefer, vainqueur en 2007 du Paris-Roubaix juniors, avant de se doper.

Durant l'enquête, un autre prévenu a témoigné encore davantage à charge contre Bernard Sainz. Mais cet ancien coureur, père de deux enfants, est mort en mai 2014, à l'âge de 30 ans d'une overdose de cocaïne et d'antalgiques. Bernard Sainz fut son "gourou", selon Karine Fautrat, l'avocate de sa veuve, elle-même poursuivie pour avoir participé à ce trafic de produits dopants.

Le coureur décédé expliquait aux enquêteurs comme à sa femme que Sainz donnait ses protocoles par oral, nommant les substances par des codes homéopathiques que le coureur devait apprendre par cœur.

Sainz affirme pourtant qu'il refusait de soigner les coureurs qui se dopaient. "Je lui ai dit, si tu viens me voir, tu arrêtes les produits dopants", affirme le "soigneur". "Votre propriété de l'Orne, c'était un centre de désintoxication !", ironise le président du tribunal.

- 'L'emprise' -

La veuve, elle, secoue la tête à chaque déni de Sainz. A la barre, elle pleure et dit son dégoût aujourd'hui pour ce "monde pourri du sport". Son avocate parle de "l'emprise", selon elle, de Bernard Sainz sur les coureurs.

Mais pour la défense, ces deux coureurs avaient intérêt à témoigner contre Sainz, pour s'attirer les faveurs de leur fédération.

Et, reconnaît le président, le dossier est plombé par une "absence totale de preuve matérielle".

Reste que, fort d'un manoir avec plusieurs personnels de service, Bernard Sainz jouit d'un niveau de vie bien supérieur à ce que peut permettre une retraite de 700 euros, souligne M. Subts.

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et la Fédération française de cyclisme sont parties civiles.

Bernard Sainz a été condamné en 2014 par la cour d'appel de Paris à deux ans de prison dont vingt mois avec sursis, notamment pour incitation au dopage et exercice illégal de la médecine en 1998. En 2013, la cour d'appel de Caen l'a elle condamné à 3.000 euros d'amende pour exercice illégal de la médecine et travail dissimulé dans une affaire liée à des pratiques de dopage de chevaux.

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