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Neuf Allemands face aux juges pour avoir projeté un coup d'Etat

Théories du complot et rejet de la démocratie : le premier jour d'un procès sans précédent dans l'ère récente de neuf Allemands, suspectés d'appartenir à un groupuscule prêt à un coup d'Etat, a donné lundi un aperçu de l'étrange idéologie jusqu'au-boutiste de ce réseau armé démantelé fin 2022.

Âgés de 42 à 60 ans, les accusés sont arrivés menottés, se cachant le visage avec des dossiers, dans la salle d'audience du tribunal de Stuttgart, protégés par d'impressionnantes mesures de sécurité.

Les neuf suspects sont les premiers des 26 membres de ce réseau extrémiste à comparaître devant la justice.

Deux autres procès sont prévus dans quelques semaines à Francfort et Munich pour le reste du groupe. "C'est probablement l'une des plus grandes procédures de l'histoire", a estimé le porte-parole du tribunal de Stuttgart, Lars Kremmner, citant notamment les "plus de 700 classeurs avec plus de 400.000 feuilles" rassemblés pour l'enquête.

Le groupuscule, nourri aux idéologies complotistes et d'extrême droite, celles des "Reichsbürger" ("citoyens du Reich"), projetait d'envahir la chambre des députés allemands à Berlin pour y arrêter les élus et se faisait fort de renverser le gouvernement.

Les neuf hommes appelés à la barre lundi, soupçonnés pour la plupart d'avoir été chargés des opérations militaires du réseau, étaient convaincus que l'Allemagne était dirigée par une "secte conspiratrice d'élites pédophiles", selon l'acte d'accusation lu par le procureur. Une idéologie rappelant la mouvance la mouvance complotiste QAnon venue des Etats-Unis.

- "Alliance" secrète -

Pour s'opposer à cette secte, ils croyaient en l'existence d'une "alliance" secrète entre différents Etats, dont la Russie et les Etats-Unis, qui les auraient aidés à libérer l'Allemagne, a expliqué le procureur.

Le cerveau présumé du réseau est un aristocrate et homme d'affaires septuagénaire, Henri XIII, dit prince Reuss, descendant d'une lignée de l'Etat de Thuringe.

Il sera jugé avec huit autres meneurs présumés, dont une ancienne députée d'extrême droite et un ex-haut gradé de l'armée, à Francfort à partir du 21 mai.

La mouvance s'était structurée fin juillet 2021, avec une organisation politique et militaire, en vue d'un coup d'Etat.

Les Reichsbürger regroupe des extrémistes de droite et amateurs d'armes qui rejettent la légitimité de la République allemande moderne : ils croient en la pérennité du Reich allemand d'avant la Première Guerre mondiale, sous la forme d'une monarchie, et plusieurs groupes de sympathisants ont décrété la création de leurs propres mini-Etats.

Sur le complot plane l'ombre de Moscou. La compagne présumée de Henri XIII, une ressortissante russe nommée "Vitalia B.", est en effet suspectée d'avoir "mis en contact l'aristocrate avec le consulat général de Russie à Leipzig et l'y a accompagné en juin 2022".

- Arsenal -

Henri XIII cherchait à s'assurer du soutien de Moscou, même si, au moment du démantèlement de la cellule, le Kremlin avait démenti toute "ingérence".

Le réseau s'était donné les moyens de ses ambitions, avec "environ 500.000 euros" à disposition, ainsi qu'un "arsenal d'environ 380 armes à feu, près de 350 armes blanches ainsi que 500 autres armes et au moins 148.000 munitions", selon les enquêteurs.

Il avait également acheté d'autres équipements, y compris des casques balistiques, des gilets pare-balles, des appareils de vision nocturne et des menottes.

A Stuttgart, la majeure partie des neuf accusés sont soupçonnés d'avoir tenté de recruter d'autres personnes à leur cause dans les rangs de l'armée ou de la police allemande, ou parmi d'anciens membres de ces deux institutions.

Parmi les neuf suspects, Markus H. et Andreas M. faisaient partie des instances dirigeantes, tandis que Matthias H. et Steffen W. étaient responsables de la formation militaire.

Un autre suspect, Markus L., est en outre accusé de tentative de meurtre pour avoir tiré à bout portant sur des policiers en mars 2022.

Pour chacun des trois procès, Stuttgart, Francfort, Munich, la justice a prévu une cinquantaine de jours d'audience, jusqu'en janvier 2025 au moins.

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