Partager:
Le Conseil constitutionnel a donné son feu vert jeudi à la proposition de référendum d'initiative partagée (RIP) de parlementaires opposés à la privatisation d'Aéroports de Paris, ouvrant la voie à la poursuite d'un long processus, inédit, pouvant conduire à la consultation de la population.
Effet immédiat de ce verdict : il n'y aura "aucune décision sur la privatisation" pendant "le délai de la procédure" du RIP, a assuré Bercy à l'AFP.
Les "Sages" ont jugé jeudi que "sont remplies les conditions constitutionnelles et organiques d'ouverture de la phase de la procédure dite du +référendum d'initiative partagée+", en soulignant que la mise en oeuvre de cette procédure est une "première".
A l'initiative des parlementaires PS, quelque 250 députés et sénateurs (de LFI à LR, avec le soutien du RN) ont enclenché il y a un mois cette procédure, introduite dans la Constitution en 2008 mais jamais utilisée.
Ils entendent s'opposer à la privatisation controversée du groupe aéroportuaire, inscrite dans la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), adoptée définitivement par le Parlement le 11 avril.
Ces élus ont pour cela déposé le 10 avril une proposition de loi référendaire qui prévoit dans son article unique que "l'aménagement, l'exploitation et le développement des aérodromes de Paris" - Roissy et Le Bourget -, "revêtent les caractères d'un service public national".
Le Conseil constitutionnel a jugé jeudi le texte conforme "aux exigences constitutionnelles et organiques". "La proposition de loi a été présenté par plus d'un cinquième des membres du Parlement", son objet est conforme, elle n'est "pas contraire à la Constitution" et n'avait pas "à sa date d'enregistrement" pour objet "l'abrogation d'un dispostition législative promulguée depuis moins d'un an", constatent les "Sages" dans leur décision.
Mais ce feu vert est loin d'être suffisant pour autoriser la consultation des Français.
La prochaine étape sera pour ses initiateurs de recueillir en neuf mois, par voie électronique, l'approbation d'au moins 10% du corps électoral, soit plus de 4,7 millions de personnes.
Le Conseil constitutionnel interviendra ensuite une seconde fois, pour valider ces soutiens. Enfin, si la proposition de loi n'a pas été examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées parlementaires dans un délai de six mois, le président de la République pourra la soumettre au référendum.
- Risque de "noeud constitutionnel" -
Le groupe PS du Sénat a salué une "décision historique" et "une étape majeure" dans la procédure qui "peut démarrer officiellement". "Les exigences imposées par la Constitution sont lourdes, mais avec l'engagement des Français, nous pouvons réussir", ont ajouté ces sénateurs. Jean-Luc Mélenchon (LFI) a également plaidé pour "une large mobilisation".
La CGT d'ADP s'est réjouie de la décision, qui "valide son action menée depuis 20 mois". Après cette "première victoire, gagnons le référendum", dont "les citoyens vont pouvoir se saisir", ajoute le syndicat.
La cheffe de file des député PS, Valérie Rabault, s'est réjouie d'"un premier pas extrêmement important", et le député LR Gilles Carrez de cette décision obtenue grâce au "travail de fond" mené par "des parlementaires de toutes sensibilités".
En revanche, le rapporteur général du projet de loi Pacte, Roland Lescure (LREM), s'est dit "un peu surpris", "l'esprit" du RIP n'étant "pas de mettre en concurrence démocratie parlementaire et démocratie directe".
Le projet de loi ouvre la voie à la vente totale ou partielle des 50,63% des parts détenues par l'Etat dans le groupe Aéroports de Paris. Ce leader mondial de la conception, de la construction et de l'exploitation d'aéroports pèse 17,4 milliards d'euros.
Parallèlement à cette procédure référendaire, les "Sages" sont saisis de quatre autres recours contre la loi Pacte et la privatisation d'ADP, déposés par des parlementaires de gauche et de droite. Un collectif de la société civile s'y est associé, et le verdict devrait intervenir dans les prochains jours.
Mais les constitutionnalistes mettent en garde contre le risque d'un "noeud constitutionnel" en cas de validation de la loi Pacte, ce qui, selon eux, est probable.
"On risque de se retrouver avec deux textes légitimés par les Sages, mais opposés dans leurs objets", met en garde le constitutionnaliste Didier Maus.