Partager:
Le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué mardi le tir de trois roquettes qui ont atterri près du palais présidentiel à Kaboul, où de nombreux responsables étaient réunis autour du président Ashraf Ghani à l'occasion de l'Aïd el Adha, la fête musulmane du Sacrifice.
Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur Mirwais Stanikzai, les roquettes, tirées depuis un pick-up, ont atterri dans trois zones situées dans un rayon d'environ un kilomètre autour du palais présidentiel, déjà visé à plusieurs reprises dans le passé, la dernière fois en décembre.
Seules deux des trois roquettes ont explosé, sans faire de victime, a-t-il ajouté.
En fin de journée, l'EI, qui a déjà revendiqué plusieurs attaques à la roquette contre la capitale, ainsi que des attentats sanglants, a affirmé dans un communiqué que ses "soldats" avaient "visé le palais présidentiel du tyran afghan et la +zone verte+ à Kaboul avec sept roquettes Katioucha".
Vers 08H00 (03H30 GMT), des journalistes de l'AFP ont entendu le bruit, suivi d'explosions, d'au moins deux roquettes survolant la "zone verte" ultrafortifiée qui abrite également plusieurs ambassades, dont la mission de l'ONU.
Dans une vidéo filmée par la télévision nationale, on entend le sifflement suivi de l'explosion d'au moins deux roquettes pendant que M. Ghani et plusieurs hauts responsables prient dans le jardin du palais, à l'occasion de l'Aïd al Adha.
Le chef de l'Etat et la plupart des hommes présents restent impassibles et continuent de prier.
- Espoirs douchés -
En mars 2020, une attaque à la roquette, déjà revendiquée par l'EI, avait visé la cérémonie d'investiture de M. Ghani pour son second mandat.
"Mon impression est que l'importance de ces attaques s'évalue moins aux dégâts qu'elles causent qu'à l'impact psychologique qu'elles ont en sapant la confiance dans le gouvernement", a indiqué à l'AFP Ibraheem Bahiss, consultant de l'International Crisis Group (ICG).
Mais "le fait que (les roquettes) aient atterri si près du palais présidentiel montre que ces attaques peuvent potentiellement devenir mortelles".
Le gouvernement afghan attribue régulièrement aux talibans des attaques revendiquées par l'EI, soutenant que l'organisation djihadiste a été largement anéantie en 2019 dans la province de Nangarhar (Est), son bastion de l'époque.
"Les talibans ont montré qu'ils n'avaient ni la volonté ni l'intention de faire la paix", malgré leurs affirmations, a accusé mardi le président Ghani dans son discours de l'Aïd el Adha, dans lequel il n'a fait aucune référence à l'attaque.
"Jusqu'à maintenant, les talibans n'ont pas montré" le moindre intérêt "pour des pourparlers significatifs et sérieux", a-t-il ajouté, à l'issue d'un nouveau weekend stérile de discussions entre gouvernement et insurgés à Doha.
Les deux délégations se sont séparées dimanche en indiquant simplement s'être accordées sur le besoin de trouver une "solution juste" et de se rencontrer à nouveau "la semaine prochaine".
Mardi, l'émissaire du Kremlin pour l'Afghanistan, Zamir Kaboulov, a cependant soutenu lors d'une conférence d'experts en ligne que les talibans étaient "prêts à un compromis politique, mais (que) de leur point de vue, ce compromis politique doit être présenté avec dignité".
Selon lui, une grande partie des dirigeants talibans "en a assez de la guerre" et comprend qu'après 20 ans de conflit, "il faut chercher des issues politiques pour sortir de l'impasse actuelle", même si une génération plus jeune de combattants, aux vues plus radicales, est moins disposée à cesser les combats.
Les pourparlers de Doha, entamés en septembre, n'ont connu depuis aucune avancée et les talibans ont lancé début mai une offensive tous azimuts contre les forces afghanes, à la faveur du commencement du retrait définitif des forces internationales d'Afghanistan, prévu pour s'achever fin août.
Privées du crucial soutien américain, les forces afghanes n'ont opposé qu'une faible résistance et ne contrôlent plus pour l'essentiel que les capitales provinciales et les axes majeurs.
Les talibans n'ont pas annoncé de cessez-le-feu à l'occasion de l'Aïd al Adha, comme ils l'avaient précédemment fait ces dernières années lors de fêtes musulmanes.
Selon Ibrahim Bahiss, ils ne l'ont pas fait car ils veulent "tirer parti d'avoir repris l'initiative militaire au gouvernement", mais aussi pour ne pas donner prise aux affirmations selon lesquelles "ils enregistrent d'importantes pertes et veulent une pause militaire".
"Cela va décevoir beaucoup de gens dans le pays, pour qui les cessez-le-feu de l'Aïd figuraient parmi les rares et précieux moments permettant de rendre visite aux amis et à la famille", a-t-il souligné.