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Une anesthésiste belge de 51 ans poursuivie pour un accouchement fatal qu'elle avait pratiqué en étant ivre, en 2014 à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), a été condamnée jeudi à Pau à trois ans de prison ferme, et une interdiction définitive d'exercer la médecine, une peine jugée "exceptionnelle" par l'avocat des proches de la Britannique Xynthia Hawke.
Le tribunal correctionnel de Pau a retenu la peine maximale de trois ans pour ce délit d'homicide involontaire et condamné en outre l'anesthésiste, Helga Wauters, à verser de lourds dommages et intérêts. Soit 1,4 million d'euros aux proches de Xynthia Hawke: son fils qui a survécu, son compagnon, sa sœur et ses parents Helen et Fraser Hawke, restés en Grande-Bretagne en raison de la crise sanitaire.
"C’est la première fois que la justice, pour un médecin responsable d'un homicide involontaire, va jusqu'au maximum de la peine prévue, trois ans de prison ferme, et également jusqu'à l'interdiction d'exercer", a déclaré à la presse leur avocat Philippe Courtois, saluant une "décision exceptionnelle".
Le jugement, conforme aux réquisitions du parquet lors du procès début octobre, a été prononcé en l'absence de la prévenue, qui avait alors comparu libre sous contrôle judiciaire, se refusant à répondre aux questions du président.
Un mandat de dépôt n'a pas été prononcé contre l'anesthésiste qui avait effectué à l'époque deux mois de détention provisoire.
Sa peine étant non aménageable, elle devra retourner en prison, en France ou en Belgique, sauf si elle décide de faire appel.
Elle était poursuivie pour une série d'erreurs médicales alors qu'elle intervenait, fortement alcoolisée, sur l'accouchement sous césarienne de Xynthia Hawke, 28 ans, le 26 septembre 2014.
Installée en France, la jeune femme, originaire du Somerset, dans le sud du Royaume-Uni, était décédée quatre jours plus tard des suites d'un défaut d'oxygène.
- "Longue attente" -
D'après l'enquête, la médecin, recrutée une dizaine de jours plus tôt par une clinique d'Orthez, avait intubé les voies digestives, au lieu des respiratoires. Puis elle n'avait pas réussi à faire fonctionner le respirateur du bloc. Le Samu avait dû intervenir au bloc et prendre en charge la patiente, "bleue", en détresse cardiorespiratoire. "C'était Bagdad", décrira à l'époque une infirmière.
Devant les enquêteurs, l'anesthésiste avait reconnu avoir commencé sa journée par boire de la vodka mélangée à de l'eau, "comme tous les jours", pour arrêter de trembler et avoir de nouveau bu dans la soirée. Mais elle minimisait sa responsabilité, se défaussant tantôt sur le matériel selon elle défectueux, ce qui était faux, tantôt sur l'équipe médicale. Chez elle, les gendarmes avaient retrouvé 14 bouteilles de vokda.
Helga Wauters avait été recrutée à Orthez via une agence de placement sans aucune vérification sur son passé. Or, en Belgique, elle venait d'être licenciée, en 2013 et 2014 pour faute grave en lien avec son addiction.
A l'ouverture du procès, dans une brève déclaration, l'anesthésiste, "sincèrement désolée", a admis que son addiction était "incompatible" avec son métier. "Je ne mérite pas la prison", avait-elle dit cependant.
"C'est la fin d'une longue attente. Je suis soulagé que cela soit fini, on va pouvoir continuer d’avancer", a commenté Yannick Balthazar, le compagnon de la victime qui élève leur fils de six ans.
"Au-dela de la peine de prison, le souhait de la famille était que Helga Wauters n’exerce plus (...), que d'autres familles n'aient plus ce sentiment-là d'avoir été meurtri par la médecine", a commenté son conseil Philippe Courtois.
Mais pour l'avocat, il y a désormais "un autre combat" à mener pour durcir la répression des homicides involontaires. "Trois ans" pour un "médecin en état d'alcoolémie, c’est inadmissible", a-t-il lancé, faisant un parallèle avec les accidents mortels de la route, punissables de cinq années de prison.
"Aujourd'hui, la justice est allée au maximum de la loi mais il faut aller au-delà et que cette circonstance aggravante", de l'alcool ou des stupéfiants, "puisse être inscrite" dans le droit pour tous les autres homicides involontaires, a-t-il expliqué en annonçant qu'il allait "se rapprocher du ministre de la Justice".
L’avocat de la médecin, Me Antoine Vey, n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.