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"Homme de 25 ans. Blessure par balle au membre inférieur droit", énonce un infirmier dans un hôpital du nord-est du Nigeria, lisant au reste de l'équipe le diagnostic de la dernière victime amenée au bloc opératoire.
"La balle a explosé à l'intérieur de sa jambe", précise le chirurgien Alberto Giudiceandrea qui s'apprête à pratiquer une intervention dans cet hôpital spécialisé de Maiduguri soutenu par le Comité international de la Croix-Rouge dans cette région éprouvée par douze ans de conflit.
A l'extérieur, dans les paisibles rues de la capitale provinciale du Borno, rien ou presque ne rappelle que cet Etat est en proie depuis 2009 à une insurrection jihadiste, attestant la thèse d'une accalmie, avancée par les autorités.
Et pourtant, hommes, femmes et enfants blessés par ce conflit continuent d'affluer, un rappel sanglant que la guerre n'a pas pris fin.
Comme d'habitude pendant la saison sèche, l'armée nigériane passe à l'offensive, lançant des frappes aériennes meurtrières sur les camps des combattants affiliés à l'État islamique (Iswap).
Et cette année, les militaires ont gardé l'espoir d'en finir avec l'insurrection jihadiste surtout depuis la mort du leader du groupe rival Boko Haram, Abubakar Shekau, tué l'année dernière par l'Iswap.
Ils étaient nombreux à espérer que sa mort marque un tournant dans ce conflit qui a fait plus de 40.000 morts et déplacé plus de 2,2 millions de personnes dans le pays le plus peuplé d'Afrique.
Dans les mois qui ont suivi, des centaines de combattants de Boko Haram se sont rendus et les autorités ont commencé à fermer les camps de déplacés à Maiduguri, encourageant les habitants à retourner vivre dans les villages.
Mais dans le même temps, le groupe Iswap s'est réorganisé et, après un bref répit, les attaques ont repris.
Pour l'Etat islamique, qui a perdu de son influence en Syrie et en Iraq, le Nigeria est plus que jamais un territoire clé.
- Attaques aux mortiers -
"On commence à voir une nouvelle configuration. L'Iswap consolide le contrôle sur des zones rurales de Borno et l'armée avec l'aviation est maintenant capable d'empêcher les grosses attaques sur les villes", déclare à l'AFP Vincent Foucher, chercheur au CNRS, en France.
"Le groupe s'est également étendu puisqu'ils ont récupéré une grande partie du territoire occupé par Shekau", ajoute M. Foucher - un point de vue partagé par Tomasz Rolbiecki, chercheur indépendant sur les attaques de l'État islamique dans le monde.
"Les attaques de l'Iswap ne sont pas aussi massives et meurtrières (qu'auparavant), mais elles couvrent plus de zones" et "le long des routes principales", selon lui.
Le groupe jihadiste s'adapte également à la défense de l'armée, qui s'est améliorée, selon M. Foucher, "en intensifiant l'utilisation d'engins explosifs improvisés (EEI), de l'artillerie et des embuscades".
A l'hôpital de Maiduguri, dans le service des femmes, Zahra Bulama, 40 ans, tente de consoler sa fille, Fatima.
La petite de 10 ans, dont la tête est couverte de bandages, pleure. Elle a perdu un œil et une partie de son visage dans une attaque de l'Iswap. "Nous étions en train de suivre la route quand nous avons marché sur une mine", raconte la mère, qui a également perdu deux de ses huit enfants ce jour-là.
Selon un physiothérapeute de l'hôpital Sanda Mohammed, "nous soignons moins de patients qu'auparavant", mais il y a "toujours des enfants avec des blessures irréparables" et dont "les vies sont changées à jamais".
- Enfants soldats -
Le groupe jihadiste affirme qu'il ne vise pas les civils musulmans à moins qu'ils collaborent avec les autorités.
Pourtant, même s'ils n'ont pas de lien avec le gouvernement, selon M. Foucher, de nombreux civils paient des impôts à l'Iswap.
Et bien que l'on ne sache pas exactement combien sont concernés, il pense qu'"au moins des centaines de milliers" sont à la portée du groupe.
Le gouverneur de Borno, Babagana Zulum, a prévenu que l'Iswap est "plus sophistiqué" et "mieux financé" que ses rivaux.
"Nous devons faire tout notre possible pour le vaincre, l'armée nigériane doit revoir sa stratégie", a-t-il déclaré aux journalistes au début du mois.
Depuis la fin janvier, l'armée affirme avoir tué 180 combattants et arrêté 130 autres personnes soupçonnées de terrorisme dans le nord-est du pays.
Mais les analystes craignent que cela ne soit pas suffisant. Au début de l'année, l'Iswap a publié une vidéo de propagande de 30 minutes, mettant en scène des enfants soldats.
Pour M. Rolbiecki, c'est un message pour montrer qu'en dépit de la mort de "combattants plus âgés et plus expérimentés, ils ont une nouvelle génération prête à poursuivre leur combat".
Quant à Boko Haram, des combattants sont également toujours actifs, avec une faction survivante autour du lac Tchad voisin, connue sous le nom de Bakura, et des rapports indiquent qu'un petit nombre de ses combattants se sont déplacés vers le nord-ouest du pays.