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Aux Antilles, la traditionnelle veillée mortuaire mise entre parenthèses

"Finalement, au lieu d’une dizaine de personnes prévues, on n’était que trois pour l’enterrer: son frère, le pasteur et moi". Aux Antilles, la tradition très ancrée des veillées mortuaires est mise à mal par l'épidémie de coronavirus.

Un enterrement précipité et pas de veillée donc pour la tante de René, une octogénaire décédée il y a quelque jours, et dont le certificat de décès mentionnait une suspicion de Covid-19: "On a dû diffuser un avis de décès après l'enterrement tellement il a fallu faire vite", déplore le neveu, encore sous le choc.

La Guadeloupe compte actuellement 135 cas avérés et 7 décès. L'inhumation y a lieu "dans les 24 heures pour les cas confirmés, ou 48 heures en cas de suspicion, et on essaie de raccourcir les délais", témoigne Richard Eliezer-Vanerot, président de la chambre syndicale des pompes funèbres de Guadeloupe.

"Il n’y pas de soins, pas de toilette" et "dans tous les cas, pas de veillée, pas de cérémonie à l’Eglise, pour éviter les rassemblements", ajoute-t-il.

Surtout, le cercueil doit rester fermé, alors que traditionnellement, le défunt est le plus souvent présenté cercueil ouvert lors des veillées funéraires, qui sont organisées à la tombée de la nuit et réunissent, des heures durant, famille proche et lointaine, amis et simples connaissances.

- "Courtoisie" -

"Rhum et soupe toujours", petits fours et plats parfois, sont servis pour ce rassemblement, comme l'explique Jocelyn, âgé d’une quarantaine d’années, qui a assisté à "six ou sept" veillées dans sa vie. "Discours et gwoka" (NDLR : chant traditionnel) sont souvent de mise: "Il n’y a rien de vraiment religieux dans une veillée. Quand le parent d’une connaissance meurt, tu te dois de le soutenir, c’est une marque de courtoisie".

"Les veillées peuvent rassembler des milliers de gens parfois, ajoute-t-il. Pour le grand-père de mon épouse -il était charpentier et il est mort à 103 ans- le maire a dû faire fermer la voie de circulation. La maison du mort donnait sur la route, alors près de 2.000 personnes, ça débordait à l'extérieur". Pour certaines personnalités, une ancienne coutume reste parfois de mise: faire sonner la conque à lambi, gros coquillage des Caraïbes.

Mais désormais les veillées ne sont même plus annoncées sur les ondes des radios locales lors des avis de décès, qui font partie intégrante des programmes.

Les familles doivent aussi faire des choix parmi les proches, car pour les obsèques "il ne faut pas plus de vingt personnes", rappelle M. Eliezer-Vanerot.

Et en cas de "mention de mise en cercueil immédiate", il faut expliquer aux familles qu’elles ne peuvent pas voir leur proche une dernière fois: "il n’y a pas que les risques du virus", explique Georges René-Desbranches, gérant d’une société de Pompes funèbres aux Abymes, "mais comme il n’y a pas de soins, il est parfois mieux de ne pas voir le défunt. On essaie de faire comprendre aux gens qu’il vaut mieux garder une bonne image de leur proche, pour passer le deuil le mieux possible".

"Chez nous, on aime bien entourer son défunt, voir les défunts pour pouvoir commencer un deuil, alors au début ce n’était pas évident", même si désormais "les familles comprennent", reconnait Richard Eliezer-Vanerot.

Pour rediffuser la mise en terre ou la crémation auprès des absents, certains professionnels mettent en place des "systèmes vidéos, mais tous ne sont pas équipés", explique-t-il. Certains proches endeuillés choisissent aussi de diffuser sur les réseaux sociaux la photo du défunt dans son cercueil.

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