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Figures, comme Leonard Cohen et Lou Reed, ou visages moins connus mais incontournables, comme Daniel Johnston et Michel Magne, remplissent les cases d'une déferlante BD consacrée à rock et chanson.
Pour Arnaud Le Gouëfflec, scénariste d'"Underground" (ouvrage dédié aux "rockeurs maudits et grandes prêtresses du son", chez Glénat), il y a un "cousinage profond" entre 9e art et guitares. "Il y a un point commun un peu mystérieux, un peu souterrain, la BD et le rock sont des formes d'art contemporaines, qui sont quasiment nées au même moment", développe-t-il pour l'AFP.
Arnaud Le Gouëfflec, qui a animé des blogs, écrit des romans, aurait pu choisir un autre support pour raconter ces artistes des marges à l'influence majeure. "Mais la dimension graphique du projet est devenue une évidence", expose-t-il. Il cite comme "modèle" le dessinateur Robert Crumb "avec ses biographies des bluesmen du delta et cette capacité chez lui à passer d'un dessin cartoon à un autre plus réaliste".
Avec le dessinateur Nicolas Moog, Arnaud Le Gouëfflec (également organisateur d'un festival à Brest) narre le chemin, parfois cabossé, de ces musiciens "points de contact, entre l'underground, l'ombre et le mainstream, la lumière".
- "Part sombre" -
On croise ainsi Daniel Johnston, maniaco-dépressif dont les premiers enregistrements, parfois bricolés, ont été cités par Kurt Cobain (Nirvana), Beck ou encore Tom Waits. Les femmes ne sont pas oubliées avec Yma Sumac ou Colette Magny.
Le point commun des romans graphiques sur la musique sortis ces derniers mois est un refus de l'hagiographie, comme dans "Leonard Cohen sur un fil" de Philippe Girard (chez Casterman) ou dans "Une histoire du Velvet Underground" de Prosperi Buri (chez Dargaud), avec un Lou Reed accro à une flopée de substances.
Ce traitement ultra-réaliste sur le fond (qui n'exclut pas liberté dans la forme, un des managers du Velvet a une tête de serpent chez Prosperi Buri) se retrouve aussi dans "Les amants d'Hérouville" (chez Delcourt).
C'est une fresque autour du méconnu Michel Magne, compositeur des B.O de "Fantomas" ou des "Tontons flingueurs" qui fonda les mythiques studios d'Hérouville fréquentés par David Bowie ou Elton John dans les années 1970. "Chez Michel Magne, il y a aussi une part sombre, c'est au lecteur de faire la part des choses, de voir le revers de cette énergie créatrice, de ce rêve", brosse pour l'AFP Yann Le Quellec, scénariste.
L'ouvrage, dessiné par Romain Ronzeau, repose sur les archives personnelles de Marie-Claude Magne, veuve du compositeur. Certaines photos et autres documents sont ainsi reproduits. C'est un autre trait partagé entre tous les livres publiés récemment: un gros travail d'enquête a été mené.
- Océan Indien -
La palme revient à Didier Tronchet pour "Le chanteur perdu" (Aire libre/Dupuis), sorti avant le premier confinement. Le créateur de "Jean-Claude Tergal" signe ici l'équivalent du film "Sugar Man" qui avait ressuscité la carrière de Sixto Rodriguez.
Avec moins de répercussions toutefois, puisque son chanteur échappé des radars Jean-Claude Rémy (parrainé dans les années 1970 par Pierre Perret) a tourné le dos il y a bien longtemps au show-biz. "Il y a eu tout une exposition médiatique avec la BD, ses chansons sont repassées en radio, mais il a maintenant 80 ans et, pour lui, ce chanteur est un autre personnage", décrit pour l'AFP Didier Tronchet.
Comme son double de fiction, l'auteur a retrouvé l'artiste (rebaptisé Rémy Bé dans la BD) dans une île perdue de l'Océan Indien. "Il n'y avait aucune trace de lui sur internet quand j'ai commencé, il m'avait profondément touché dans les années 1970 et plus de 30 ans plus tard, j'avais toujours les refrains dans ma tête", relate-t-il.
"Je ne me doutais pas que ça prendrait autant de temps, de distance, et que ce serait aussi riche en émotion". Car Didier Tronchet est aussi compositeur et Jean-Claude Rémy a joué devant lui un de ses morceaux. Une belle histoire de plus.