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Contre "le fléau" des stupéfiants au volant, le gouvernement a durci le ton lundi en annonçant la suspension automatique du permis en cas de conduite sous l'effet de drogues, une mesure jugée insuffisante par des avocats et association.
En 2022, 3.260 personnes sont mortes sur les routes de l'hexagone. Parmi elles, 24% sont des usagers des modes de transport doux (marche, vélos, engins de déplacement personnel motorisés).
Un accident mortel sur cinq implique un conducteur positif aux stupéfiants, près d'un sur trois qui est alcoolisé. Face à ce phénomène, le gouvernement entend être "intraitable", selon les termes de la Première ministre à l'issue d'un Comité interministériel de la sécurité routière (CISR).
Il veut "sanctionner plus sévèrement les conduites addictives" et rendre "automatique la suspension du permis en cas de conduite sous l’emprise de stupéfiants", a indiqué Elisabeth Borne.
Ceux qui prendront la route après avoir consommé des drogues perdront huit points sur leur permis de conduire, contre six actuellement et devront se soumettre à un stage obligatoire.
Le gouvernement veut également systématiser les suspensions administratives prononcées à leur encontre par les préfets avant une éventuelle judiciarisation, tout comme l'immobilisation des véhicules.
Le préfet peut pour l'instant décider d'une suspension de permis, "demain il le devra", a résumé Gérald Darmanin.
La durée de suspension administrative du permis (par arrêté) pourra aller jusqu’à six mois et être portée à un an en cas d’accident ayant entraîné la mort ou un dommage corporel, ou de refus de se soumettre aux vérifications, a précisé le ministère de l'Intérieur.
Actuellement, conduire après avoir consommé des drogues, c'est risquer jusqu'à 2 ans de prison et 4.500 euros d'amende. La suspension du permis pour une durée de 3 ans maximum est déjà prévue, sans aménagement possible en dehors de l'activité professionnelle.
"Dans 98% des cas, les préfets suspendent déjà dans les 72h qui suivent" les permis en cas de conduite sous l'effet d'alcool ou de drogues, et sauf récidive "peu de conducteurs sont judiciarisés. On est dans l'effet d'annonce complet", a régi Me Antoine Regley, avocat en droit routier.
-"Infraction nouvelle"-
Elisabeth Borne a par ailleurs confirmé que la qualification d'"homicide routier" remplacerait celle d'"homicide involontaire" par conducteur, qui choquait les associations et proches de victimes.
L’"homicide routier", ou "blessures routières", c’est une "infraction nouvelle", "spécifique", "détachée des autres homicides et blessures involontaires" dans le code pénal, dit-il. Elle s'appliquera que le conducteur ait consommé, ou non, de l’alcool ou des stupéfiants et interviendra après modification du code pénal.
La Ligue contre la violence routière "se désole" que "cette nouvelle dénomination", un "simple changement sémantique", "ne s’accompagne pas de mesure de dissuasion efficaces et d’une application plus sévère des peines déjà prévues par la loi (...)".
Parmi la quarantaine de mesures présentées, le gouvernement promet aussi une plus grande sévérité à l'encontre des excès de vitesse qui "restent la première cause d’accidents sur les routes françaises", selon Mme Borne.
En 2019, 41.000 de ces excès supérieurs à 50 km/h au-delà de la limite fixée ont été recensés, 72.000 en 2022.
Les autoroutes notamment ont enregistré une forte hausse de la mortalité (+12 %), passant de 263 à 294 tués entre 2019 et 2022. Ils représentent 9% de la mortalité routière, contre 32% sur les voies en agglomération et 56% sur les routes hors agglomération.
"Il est temps que nous disions stop", a asséné Eric Dupond-Moretti, précisant que ces infractions deviendraient des délits.
Un autre délit va voir le jour, celui de dénonciation frauduleuse du conducteur auteur d’une infraction. Il s'applique selon le ministre de la Justice, aux "petits malins" qui "pour ne pas perdre les points dénoncent le grand-père ou la grand-mère, qui acceptent naturellement d’être le faux auteur de l’infraction".
Enfin, Mme Borne a annoncé que le gouvernement allait "permettre la suspension du permis le temps d’une vérification médicale d’aptitude à la conduite, dès lors qu’une infraction aura un problème médical pour origine présumée".
Si certaines pistes vont "dans le bon sens, note la Ligue dans un communiqué, comme celle de "renforcer les moyens des associations", "elles sont très notoirement insuffisantes pour atteindre l’objectif de diviser par deux les nombre de tués et de blessés graves sur la décennie 2021-2030".
al-mdh-alh/dch