Partager:
Le dossier des pensions est brûlant en France mais aussi en Belgique. Ce sera l'un des dossiers les plus importants auquel devra faire face le gouvernement. En France, on voit que nos voisins se battent pour ne pas travailler jusqu'à 64 ans. Alors que chez nous, c'est acté qu'on passera bientôt à 67 ans. Est-ce que les situations sont comparables? Est ce qu'on "s'est fait avoir" chez nous ?
Dans le RTL INFO 13H, notre journaliste Antonio Solimando a livré son analyse:
"Pas vraiment car l'âge légal de la retraite est un âge qui est théorique. Ce qui compte est l'âge effectif de départ à la retraite (l'âge réel). Sur ce plan-là, la France et la Belgique sont très comparables. On est, selon les sources, entre 61 et 62 ans en moyenne de départ à la pension, que ça soit en France ou en Belgique. C'est un problème car on a un vieillissement de la population et une baisse de la natalité dans nos deux pays. Cela signifie qu'on va avoir de moins en moins de gens qui cotisent pour de plus en plus de pensionnés. Ce phénomène va s'amplifier jusqu'en 2070. C'est la soutenabilité, le fait que ce système puisse être viable financièrement, qui pose problème. Cela pousse la France à prendre une réforme, et la Belgique aussi. La dernière réforme des pensions date de l'été dernier. Entre temps, l'Union européenne a analysé notre réforme des pensions et a estimé qu'elle allait encore coûter trop cher à notre budget dans les prochaines décennies. Elle nous demande de rouvrir le dossier. Cela va poser problème car le compromis a été très difficile à atteindre. Il a fallu 9 mois de discussions au gouvernement pour arriver à ce compromis. Malheureusement, il faut rouvrir ce dossier. On estime que, jusqu'à la fin du mois de février, vont s'étriper la ministre socialiste des pensions Karine Lalieux et le Premier ministre Alexander De Croo."
France: forte mobilisation dans la rue contre la réforme des retraites
Des manifestants en nombre, des grèves et des perturbations à l'école ou dans les transports: les syndicats ont donné jeudi le coup d'envoi de la contestation pour faire reculer le gouvernement sur sa réforme phare des retraites, saluant d'ores et déjà une mobilisation "réussie".
De Nantes à Nice, les manifestants ont battu le pavé dans la matinée, avant que le cortège parisien ne s'ébranle à 14H00 pour dire "non" au recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, sur fond de large mécontentement social dans un contexte d'inflation.
"On est à genoux"
Les premiers chiffres remontés par les autorités attestent d'une mobilisation très importante: au moins 30.000 personnes ont ainsi défilé à Toulouse, 26.000 à Marseille, 15.000 à Montpellier, 14.000 à Tours, 13.600 à Pau, 12.000 à Perpignan et Orléans, 8.000 à Châteauroux, 9.000 à Angoulême, 6.500 à Mulhouse et Périgueux...
Des niveaux comparables voire supérieurs à ceux du 5 décembre 2019: au démarrage de la contestation contre le précédent projet de réforme des retraites, la police avait compté 806.000 manifestants en France, la CGT 1,5 million.
"Je pense que le million va être dépassé", a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans le carré de tête de la manifestation à Paris, évoquant une mobilisation "réussie".
"On est clairement sur une forte mobilisation, au-delà ce qu'on pensait", a abondé le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, également avant le départ du défilé parisien.
A Marseille, le chef de file de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a estimé que "le gouvernement a perdu sa première bataille, celle d'avoir convaincu les gens de la nécessité de sa réforme".
Un rejet exprimé avec véhémence par Manon Marc, animatrice scolaire croisée dans la capitale: "Je trouve qu'on se fout de notre gueule. Ils ne savent pas ce que c'est que de travailler jusqu'à 64 ans dans ces conditions-là".
"On est à genoux", lâche Florence Trintignac, 54 ans, cadre de santé rencontrée parmi des milliers de manifestants à Clermont-Ferrand. Pour elle, "cette réforme, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase".
"Un conflit dur"
Plus de 200 points de rassemblement sont prévus en France, les autorités attendant 550.000 à 750.000 manifestants, dont 50 à 80.000 dans la capitale.
Pour encadrer les rassemblements, plus de 10.000 policiers et gendarmes sont à pied d'oeuvre, dont 3.500 à Paris, où des sources sécuritaires redoutent la formation d'un "pré-cortège" potentiellement violent de 1.000 à 2.000 personnes.
Les Français n'ayant pas recours au télétravail, qui s'est fortement développé depuis le Covid, doivent composer avec des transports en commun au compte-goutte.
A la SNCF qui affiche un taux de grévistes de 46,3%, la circulation était "très fortement perturbée": un TGV sur trois circule, voire un sur cinq selon les lignes, et à peine un TER sur dix en moyenne. Le métro parisien est également "très perturbé".
De nombreux services publics font également l'objet d'appels à la grève, dont l'éducation, où le principal syndicat, la FSU, dénombre 70% d'enseignants grévistes dans les écoles et 65% dans les collèges et lycées.
Le ministère chiffre pour sa part la mobilisation à 42% dans le primaire et 34% dans le secondaire. Quelques dizaines d'établissements ont été l'objet de blocus à Paris, Rennes, Tours et Toulouse notamment.
Il n'y avait aucun trafic au port de Calais, premier de France pour les voyageurs, en raison d'une grève des officiers de port.
Raffineries et dépôts pétroliers étaient aussi appelés à cesser leurs activités. Dans la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), où les expéditions ont été suspendues, le taux de grévistes a atteint 86%, selon la CGT.
"Impôt sur la vie"
Pour le leader de Force ouvrière, Frédéric Souillot "on est partis pour un conflit dur" et "il faut bloquer l'économie".
Une réponse à Emmanuel Macron, qui a jugé mercredi qu'il fallait "faire le distinguo entre les syndicats qui appellent à manifester dans un cadre traditionnel et ceux qui sont dans une démarche délibérée de bloquer le pays".
Les huit principaux syndicats présentent un front uni inédit depuis 12 ans. Les partis de gauche sont aussi vent debout contre une réforme vue comme "un impôt sur la vie", ont accusé les parlementaires socialistes.
Cette première journée a valeur de test pour l'exécutif comme pour les syndicats, qui se retrouveront dans la soirée pour décider d'une nouvelle date - le 26 janvier est sur la table.
La CGT du pétrole veut se remettre en grève ce jour-là pour 48 heures, et le 6 février pour 72 heures.
La CGT Mines-Energie a elle aussi annoncé une grève reconductible à partir de jeudi. Les baisses de production d'électricité se sont ainsi fortement intensifiées, atteignant au moins l'équivalent de deux fois la consommation de Paris.
A quelques jours de la présentation du texte en Conseil des ministres, le gouvernement continue de faire oeuvre de "pédagogie", Elisabeth Borne défendant un "projet porteur de progrès social pour le pays".