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Belgrade déboulonne son "Vainqueur" pour restauration

Elle regardait vers l'Autriche-Hongrie depuis la citadelle du Kalemegdan, surplombant la confluence du Danube et de la Save: la statue du "Vainqueur", le "Pobednik", symbole de Belgrade, a été déboulonnée jeudi pour être restaurée.

Cet homme nu tendant une colombe dans une main et tenant un glaive de l'autre, mâchoire carrée et oeil martial, est un résumé du passé complexe et guerrier des Balkans.

Initialement, Belgrade l'avait commandée en 1913 au sculpteur Ivan Mestrovic pour célébrer la défaite de l'Empire ottoman lors de la première guerre balkanique (1912-1913) : une coalition des peuples slaves de la région avait mis un terme à cinq siècles de domination ottomane avant que Serbes et Bulgares ne se déchirent pour le partage du butin lors de la deuxième guerre balkanique (1913).

Mais l'attentat de Sarajevo et le déclenchement de la première guerre mondiale allaient perturber la réalisation de la statue, entamée en 1914 dans le centre de Belgrade: Croate de Slavonie et donc ressortissant austro-hongrois, Ivan Mestrovic est contraint de quitter la ville. Mais il honore sa commande et finit son travail en République tchèque.

Après l'Armistice, l'idée première de la statue n'avait guère de sens pour la Serbie, pays allié qui fut en proportion de sa population le plus décimé par la première guerre mondiale, avec 1,1 millions de morts.

La statue resta stockée jusqu'en 1928 dans un hangar du quartier excentré de Senjak. Mais cette année-là, il fut décidé de la ressortir pour commémorer la percée du front de Salonique sur le front d'orient qui devait précipiter la défaite des forces de l'Axe. Sauf que le regard du Pobednik n'est plus tourné vers le sud-est et l'Empire ottoman, mais toise le soleil couchant et l'Autriche-Hongrie.

Initialement, l'oeuvre devait être installée sur la Terazije, une des principales avenues de Belgrade. Mais les autorités y avaient renoncé après une campagne de ligues de vertu, outrées qu'un homme nu puisse s'exposer en plein centre-ville.

Il a donc été placé en haut d'une colonne de 17 mètres dans la citadelle du Kalemegdan, citadelle tour à tour passée entre les mains des Romains, des Huns, des Ostrogoths, des Austro-Hongrois, des Serbes, des Ottomans, des Allemands... Du haut de son promontoire, il est impossible de ne pas voir le Pobednik et sa nudité.

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