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La "blockchain" n'est pas la star la plus glamour du Festival de Cannes, mais selon plusieurs experts présents sur la Croisette cette technologie va bouleverser le monde du cinéma.
Pour la première fois, des acteurs clé de cette industrie émergente ont investi le Marché du film, dans les entrailles du Palais des festivals, où se noue une partie des échanges mondiaux dans le secteur du cinéma.
"La blockchain est l'avenir du cinéma, il n'y aura pas de retour en arrière": Jonny Peters, le fondateur australien de Gaze Coin, n'a pas caché son optimisme, lors d'une des six conférences-ateliers organisées à Cannes.
Vieille d'à peine une dizaine d'années, la technologie blockchain permet de faciliter et surtout sécuriser toute transaction, financière ou autre, via un procédé de cryptage ultra perfectionné théoriquement impossible à briser ou falsifier. Quant aux paiements eux-mêmes, ils sont faits via des crypto-monnaies comme le bitcoin.
Selon ses partisans, cette technologie pourrait briser ce qu'ils perçoivent comme un monopole financier opaque contrôlé par une poignée de studios, et lutter contre le piratage, le système étant a priori totalement étanche. Soit une révolution comparable à celle vécue avec l'internet, promettent-ils.
"Tout le monde parle de la blockchain, et il y a un relatif consensus pour dire que ça deviendra quelque chose d'important dans pas mal de domaines, dont le cinéma", confirme auprès de l'AFP le directeur du Marché du film, Jérôme Paillard.
- Le passé "pas réécrit" -
L'un des objectifs, avec cette technologie, est de faciliter l'accès au financement et au crowdfunding pour les artistes indépendants. "Beaucoup de réalisateurs galèrent pour trouver des fonds, car les investisseurs ne savent pas exactement où va leur argent", explique Daniel Hyman, de l'entreprise suisse SingularDTV. Mais la blockchain "ouvre une fenêtre sur la façon exacte dont l'argent est dépensé", a-t-il plaidé, devant une salle bondée.
Semblable à un fichier Excel, une blockchain est une espèce de "registre" partagé, où chaque entrée est stockée à vie avec un sceau indélébile. Mais surtout, il n'y a aucun opérateur central unique: chaque participant à la chaîne de transactions détient un enregistrement de l'ensemble des transactions, comme l'ADN de la blockchain.
C'est ce système décentralisé, combiné avec une technologie de codage unique, qui le rend extrêmement imperméable à toute intrusion ou piratage: "C'est cet aspect immuable qui empêche toute transaction d'être réécrite", explique Arie Levy-Cohen, le fondateur de SingularDTV.
"La blockchain et les pirates ont en fait une relation intéressante, car de nombreuses personnes impliquées dans la technologie blockchain sont d'anciens pirates", a souligné Jonny Peters, de Gaze Coin: "Ils sont donc bien placés pour fournir des solutions contre le piratage".
Autres avantages de la blockchain, selon les experts: prouver de façon indiscutable la propriété intellectuelle d'une oeuvre, ou protéger le paiement des droits d'auteur: "Dans le cinéma, où la chaîne des droits d'auteur est souvent très complexe, cela pourrait à long terme offrir une alternative à des gros systèmes comme le registre public de la cinématographie qui existe en France", selon Jérôme Paillard.
Pour les spectateurs, les changements pourraient également être importants en permettant notamment aux réalisateurs de contourner les grands studios et de distribuer directement leurs oeuvres au public, via un paiement par crypto-monnaie, des "tokens" (jetons) en l'occurrence.
En juin, la comédie "No Postage Necessary", réalisée par Jeremy Culver, sera le premier film distribué par ce biais, via l'application Vevue, dédiée aux échanges de contenu vidéo.