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Bras de fer autour du budget: l'Italie semble prête à réduire son déficit

Le gouvernement italien, jusqu'ici inflexible, semble désormais disposé à modifier son budget 2019 afin d'éviter un bras de fer avec Bruxelles mais, surtout, pour réduire les tensions sur les marchés financiers.

Ce changement de ton a provoqué lundi un bond de 2,77% de la Bourse de Milan, entraînée notamment par les banques, et un net relâchement du "spread": le très surveillé écart entre les taux d'emprunt italien et allemand à dix ans s'est replié à 290 points, contre 307 vendredi soir.

"Si durant la négociation (avec Bruxelles) le déficit doit diminuer un peu, pour nous, cela n'est pas important", a déclaré Luigi Di Maio, le leader du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), un des deux partis de la coalition au pouvoir en Italie avec la Ligue (extrême droite).

La Commission européenne a rejeté le 23 octobre le projet de budget italien pour 2019, qui prévoit officiellement un déficit à 2,4% du PIB.

Bruxelles juge irréalistes les prévisions italiennes, estimant que le déficit atteindra 2,9%, bien loin des engagements du précédent gouvernement de centre gauche (0,8%).

La coalition populiste avait, depuis, maintenu une ligne inflexible, semblant prête à assumer le risque d'une "procédure de déficit excessif" et donc de sanctions financières.

- "Relancer la croissance" -

Mais au lendemain d'un dîner de travail samedi soir à Bruxelles entre le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et des membres du gouvernement italien, le ton a changé à Rome.

Le leader de la Ligue, Matteo Salvini, toujours prêt à attaquer la Commission, a lui-même affirmé lundi que le gouvernement ferait preuve de "bon sens".

"Si à Bruxelles, ils pensent tenir en otage le gouvernement et 60 millions d'Italiens sur un chiffre après la virgule, nous sommes prêts à leur retirer tout alibi", a-t-il affirmé.

A l'issue d'une réunion lundi soir, le chef du gouvernement Giuseppe Conte et MM. Di Maio et Salvini ont souligné, dans un communiqué, que l'objectif du gouvernement était "de relancer la croissance" et qu'il ne s'agissait "pas d'une question de décimales".

Ils ont réaffirmé les "objectifs fixés" en terme de programme, à savoir la mise en place d'un revenu de citoyenneté pour les plus démunis, une réforme de la loi sur les retraites pour permettre un départ anticipé et l'indemnisation des petits épargnants floués par la faillite de banques.

Mais, ont-ils précisé, concernant "le dialogue en cours avec les institutions européennes", le gouvernement a décidé "d'attendre les rapports techniques sur les propositions de réformes ayant l'impact social le plus important, afin de quantifier avec précision les dépenses".

"Les sommes récupérées seront ré-allouées, en privilégiant les dépenses d'investissements, en particulier la mise en sécurité du territoire" et la gestion des intempéries, ont-ils ajouté.

- Une baisse jusqu'où? -

Plus tôt, M. Conte s'était déjà refusé à donner un chiffre précis sur une éventuelle baisse du déficit, attendant "les informations techniques et l'impact économique" des réformes pour le faire. Un déficit à 2,2% représente une différence de 3 milliards d'euros, avait-il noté.

La question qui se pose désormais est effectivement: à quel niveau Rome va-t-elle diminuer son déficit et cela sera-t-il suffisant pour satisfaire Bruxelles?

"La possibilité d'un compromis avant la décision finale sur une procédure de déficit excessif est plutôt mince. La distance entre la position italienne et ce qui serait requis par le cadre budgétaire (européen) est si large que, si le gouvernement devait essayer de le respecter, il changerait complètement de direction", a estimé l'économiste Lorenzo Codogno, fondateur de LC Macro Advisors.

Mais Rome semble avoir pris conscience, au moins en partie, de l'impact des tensions sur les marchés financiers qu'engendre sa politique.

Le spread a doublé depuis mai sur le marché secondaire, affectant les banques, et le taux que le gouvernement doit offrir pour placer de la dette a nettement augmenté. De surcroît, un placement de bons du Trésor auprès des particuliers a fait un flop la semaine dernière, témoignant d'une inquiétude autour de la dette souveraine italienne et du faible appétit des investisseurs pour celle-ci.

Or l'Italie devra réaliser plus de 250 milliards d'euros d'émissions de dette souveraine l'an prochain.

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