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Carnets de profs: intégrer un lycée professionnel "n'est pas du gâchis !"

Avant les vacances, le verdict: les élèves de troisième reçoivent, en cette fin d'année scolaire, une réponse à leurs vœux d'orientation. Direction le lycée professionnel ou le lycée général et technologique.

Pour leurs 24e "Carnets de profs", les trois correspondants réguliers de l'AFP, professeurs en collège public, regrettent que la voie professionnelle ne soit pas davantage valorisée.

- "Pas assez de places" -

Céline, 45 ans, professeure dans un collège classé REP+ du Haut-Rhin:

"L'orientation commence dès la 4e, avec la possibilité d'aller l'année suivante en +3e prépa métiers+. Ce sont des classes en lycée professionnel, où ils peuvent, pendant l'année de troisième, découvrir le milieu professionnel.

Cela concerne plutôt des élèves qui ont des difficultés, mais leur motivation et leur assiduité entrent en ligne de compte. Le problème, c’est qu'il n'y a pas assez de places, une demande sur deux est acceptée.

Pour ceux qui veulent une seconde générale, le conseil de classe dit si on est d'accord. Les familles et élèves peuvent faire appel. C'est alors une commission d'appel qui examine leur assiduité, leurs résultats et se prononce.

Le pire, c'est pour les élèves qui n'ont rien du tout. J'ai des élèves pour qui on a tremblé toute l'année. Il y a beaucoup plus de demandes que de places en lycée professionnel. On n'ouvre pas assez de classes dans les secteurs porteurs."

- "Salvateur" -

Camille, 40 ans, enseigne dans un collège classé REP+ des Yvelines:

"Lorsque mes élèves réfléchissent à leur avenir, je leur demande s'ils se voient étudier assis derrière un bureau pendant encore cinq ans. Je les interroge sur ce qu'ils aiment: être en contact de personnes, travailler en extérieur, des horaires décalés... Ce sont de bons indices pour s'orienter.

La plupart des élèves veulent une seconde générale parce que leurs parents le souhaitent et parce qu'autre chose est synonyme d'échec. Mais pour beaucoup d'élèves, le fait de pouvoir changer de mode de scolarité est salvateur. Et aller en voie professionnelle ne signifie pas ne pas faire d'études: ils peuvent poursuivre en IUT et même en licence.

J'ai eu une élève qui venait d'arriver en France. Elle avait une compréhension fine et un excellent esprit d'analyse. Mais elle avait du mal à le restituer. Pour corriger ses copies, je devais les lire à haute voix.

Le conseil de classe a beaucoup hésité car elle avait des capacités évidentes pour faire des études longues. Nous l'avons encouragée à poursuivre d'abord en bac pro, pour qu'elle soit en situation de réussite puis de continuer ensuite. Nous avons bien insisté sur son potentiel pour qu'elle se rassure et j'espère que nous l'avons bien orientée."

- "Planification à la soviétique" -

Philippe, 54 ans, professeur dans un village du Puy-de-Dôme:

"Beaucoup a été fait pour améliorer l'orientation en quelques décennies. Quand j'ai débuté, un élève ne rencontrait pas toujours un psychologue de l'Education nationale. Il n'y avait pas de mini-stage dans un lycée professionnel. Les portes ouvertes n'existaient pas dans les lycées. Le stage d'observation non plus. Le professeur principal ne disposait pas d'un temps spécifique.

Si les études professionnelles ne sont pas considérées par mes élèves comme par leurs parents comme un choix par défaut, je remarque que, du point de vue de l'Education nationale, on reste sur une autre position.

Chaque année paraissent des statistiques sur le taux de passage en voie générale et technologique. Le chef d'établissement nous rappelle que nous sommes ou pas dans les clous.

Je ne parlerai pas de pression. Mais, je n'aime guère ce qui, pour moi, rappelle une sorte de planification à la soviétique.

Je contribue à l'orientation de mes élèves en fonction de leurs goûts, de leurs souhaits et possibilités scolaires. Je n'ai pas à appliquer une politique d'orientation de toute une génération, politique dans laquelle il faudrait tant de pourcentage en voie générale ou en voie professionnelle.

Cette année, j'ai deux garçons en réussite au collège qui ont demandé des vœux professionnels qu'ils obtiendront, selon moi, sans difficulté. Ce n'est pas du gâchis !"

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