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Chambre du conseil pour les attentats de Bruxelles: qui étaient les frères Bakraoui, deux des trois kamikazes ?

Du grand banditisme au terrorisme, les frères El Bakraoui ont eu un parcours criminel marqué par l’ultra-violence. Ils sont morts en se faisant exploser en kamikaze: Ibrahim El Bakraoui, 30 ans, à l’aéroport de Bruxelles et Khalid El Bakraoui, 27 ans, à la station de métro Maelbeek dans le quartier européen. Ils ont l’un et l’autre joué un rôle de logisticien dans la cellule de l’État Islamique qui a attaqué la Belgique et la France. Les deux frères radicalisés ont pourtant été, chacun à un moment, dans le viseur des services de police avant de disparaître des radars.

Ce début décembre sur l'ancien site de l'OTAN, la chambre du Conseil se penche sur la responsabilité d'un certain nombre de suspects dans les attentats de Bruxelles. Elle décidera de ceux qui seront jugés lors du procès attendu à l'automne 2021 ou en 2022. Les auteurs des trois attentats-suicide du 22 mars ne seront pas jugés, étant décédés. Parmi eux, les deux frères Bakraoui. Qui étaient-ils ?

LEUR PARCOURS 

IBRAHIM EL BAKRAOUI, LE GRAND-FRÈRE


Ibrahim El Bakraoui est né le 9 octobre 1986 à Bruxelles.

Il se fait connaitre par la justice pour des faits de grand banditisme.

En janvier 2010, il participe au violent braquage d’une agence Western Union dans le centre de Bruxelles. A l’arrivée de la police, une fusillade éclate. Il tire à l’arme lourde (kalachnikov) sur les agents. Les Unités Spéciales de le police fédérale doivent intervenir. Ibrahim El Bakraoui est arrêté et condamné à 9 ans de prison pour ces faits. Il est libéré sous conditions, cinq ans plus tard, en 2014.

C’est durant son incarcération que le futur kamikaze s’est radicalisé.

Un an plus tard, il tente de rejoindre la Syrie.

Il est arrêté en juin 2015 en Turquie non loin de la frontière syrienne avant d’être expulsé, le 14 juillet 2015, vers les Pays-Bas. Après les attaques terroristes, la Turquie accusera la Belgique de laxisme pour n’avoir pris aucune mesure suite à son expulsion. Selon les autorités turques, il avait été précisé qu’il s’agissait d’un combattant terroriste étranger. Mais la Belgique a démenti avoir été en possession de cette information cruciale.
 

Lors de son arrivée à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, il est relâché. S'il n’a pas réussi à combattre en Syrie, il décide d’agir en Europe et il deviendra l’un des logisticiens de la cellule terroriste qui a attaqué la France d’abord, la Belgique ensuite. Il meurt le 22 mars 2016 dans l’explosion volontaire de sa charge explosive à l’aéroport de Zaventem.

KHALID EL BAKRAOUI, LA HAINE DU SYSTÈME



Khalid El Bakraoui est né le 12 janvier 1989 à Bruxelles.

En 2011, il est condamné à 5 ans de prison pour des vols de voitures de type car-jacking. Lors de son arrestation, il est en possession avec ses complices, d’une kalachnikov.

Comme son frère, il se radicalise en prison. Deux semaines après sa mort, une équipe de RTL INFO avait rencontré Leila (prénom d’emprunt), une de ses connaissances. Elle avait remarqué que le comportement de Khalid El Bakraoui était celui d’un salafiste (qui applique une vision rigoriste de l’Islam). Elle explique : "Il avait refusé de me serrer la main. Mais il était bien habillé, il était poli. Il était respectueux, c’était vraiment un gentil garçon." Le compagnon de Leila était détenu à la prison de Mons avec le futur terroriste. Selon ce dernier, il aurait développé une colère par rapport à la justice comme le précise Leila: "C’était sa première fois en prison et généralement lorsque c’est la première fois, on a droit à des congés ou au bracelet électronique. On ne fait pas sa peine entière et ils lui ont presque fait faire sa peine entière et depuis ce jour-là, il en a voulu a la justice. Il avait une haine envers la justice et il a commencé à prier, prier, prier…. Il était tout le temps dans sa cellule."

Il est libéré sous conditions en janvier 2014.

Mais il refait parler de lui dans le cadre d’une enquête concernant un trafic d’armes. Il est placé sur écoute et sous surveillance avant d'être interpellé pour audition le 21 octobre 2015 dans le cadre de ce dossier. Il sera finalement relâché faute d’éléments probants.

Il disparaît alors définitivement des radars de la police jusqu’au 22 mars 2016. Abandonné in extremis par son complice Oussama Krayem, il se fait exploser seul dans une rame de métro de la station Maelbeek. Il était âgé de 27 ans.



Charleroi, le 13 novembre 2015, jour des attentats de Paris. Nous sommes au numéro 29 de la rue du Fort, à moins d’un kilomètre de l’hôtel de ville. Dans l’immeuble, deux hommes font leurs prières. Il s’agit d’Abdelhamid Abaaoud et de Bilal Adfi. Le premier est un Anderlechtois revenu de Syrie pour coordonner les attaques de la cellule terroriste de l’Etat Islamique. Le second est originaire de Forest, il est également de retour de la zone de combat. Il se fera exploser dans quelques heures à proximité du stade de France. Soutenu par une logistique mise en place notamment par les frères El Bakraoui, les deux terroristes quittent Charleroi sans être inquiétés. Direction Paris, où ils participeront aux attaques sanglantes avant de mourir.


 

LEUR RÔLE

KHALID EL BAKRAOUI, L’INDISPENSABLE SOUTIEN LOGISTIQUE

L'appartement de Charleroi a été loué le 3 septembre sous la fausse identité d'Ibrahim Maaroufi. L’homme qui se cache derrière ce nom est en réalité Khalid El Bakraoui, le futur kamikaze du métro Maelbeek.

Les enquêteurs du Parquet Fédéral ont également découvert que Khalid El Bakraoui avait aussi pris une location à la rue du Dries à Forest. C’est là qu’une fusillade éclate, le 15 mars 2016, entre les terroristes et la police. Salah Abdeslam y était caché mais il arrivera à prendre la fuite avec un complice pendant que Mohamed Belkaïd tiendra tête aux forces spéciales avant d’être tué.

Khalid El Bakraoui, l’ancien braqueur, a donc participé activement à la mise en place des "safe houses" (NDLR: lieu sécurisé et stratégique de repli) utiles pour les assaillants avant les attaques de Paris mais également pour Salah Abdeslam, et ce, même si ce dernier n’a pas été au bout de l’acte terroriste.

En août 2017, RTL INFO révélait que 4 mois avant les attentats de Paris, Khalid El Bakraoui avait demandé à des proches d’acheter des chargeurs (vides) de kalachnikov dans une armurerie du Brabant Wallon. Ils s’y sont rendu au moins trois fois. Inquiète, la direction de l’établissement a prévenu la police. "Ce matin, un individu s'est présenté pour la deuxième fois pour commander 10 chargeurs de AK47. Nous lui en avons fourni 4 au prix de 40€ le chargeur. Mon collègue est venu m'avertir que c'était le même individu que la dernière fois", déclarait l'employé de l’armurerie à la police.

Suite aux achats de chargeurs par ces hommes proches du milieu du grand banditisme, les enquêteurs sont inquiets. Certains écrits le prouvent. Ils datent de 4 mois avant les attentats de Paris. "Il y a lieu de craindre que M.B. et des complices non-identifiés seraient en train de préparer une attaque à main armée d'envergure en Belgique. L'objectif n'est actuellement pas connu", indique alors la police fédérale.

Khalid El Bakraoui et ses proches sont alors surveillés et placés sous écoute.

Des perquisitions ont lieu le 21 octobre 2015, soit trois semaines seulement avant les attaques en France. Les enquêteurs soupçonnent un trafic d’armes. Faute d’éléments probants, Khalid El Bakraoui est relâché après audition. Sous pression, le futur kamikaze se cache et travaille dans l’ombre pour assurer la logistique des attentats de Paris avant de lui-même se faire exploser à la station de métro Maelbeek.

IBRAHIM EL BAKRAOUI, LE COMMUNICANT

Sur les images de vidéosurveillance de l’aéroport de Bruxelles, filmées le 22 mars 2016, trois hommes sont visibles. Ibrahim El Bakraoui est au milieu de ses complices, il semble pousser son chariot avec détermination.

Arrêté en juin 2015 en Turquie alors qu’il voulait rejoindre la Syrie, il a décidé d’agir en Europe. La France est la première cible mais l’enchaînement des événements bouscule ses plans. Il fera exploser sa charge dans le hall de l’aéroport bruxellois, plongeant la Belgique dans la sidération.

Avant de servir de chair à canon pour l’idéologie islamiste, Ibrahim El Bakraoui semble avoir organisé la communication du groupe.

Dans un ordinateur retrouvé dans une poubelle non loin de la planque schaerbeekoise, les enquêteurs ont trouvé toute une série de messages. Notamment à destination de la Syrie où se trouvaient les commanditaires des attaques. Il semble être soucieux d’expliquer précisément comment et pourquoi ils ont agi.  C’est lui également qui laisse toutes une série de messages vocaux à destination de certains proches ou même du grand public, des audios considérés comme des testaments.

Son frère Khalid El Bakraoui laissera lui une série de messages écrits dont un à destination de Salah Abdeslam qui était encore fuite. Il l'incite à agir: "Salam Aleykum. Cher frère, tu es vite rentré dans mon cœur. Ton frère t’attend au Paradis, tu as déjà raté une fois l’entrée du Paradis, ne le rate pas une deuxième fois. La vie ne vaut plus la peine d’être vécue après cela".

Via Ibrahim El Bakraoui, les terroristes avaient également la volonté de passer le relais et ils évoquent dans certaines communications des agents dormants. Des armes laissées vraisemblablement dans un box de garage devaient être prises en charge par des sympathisants ou des membres de la cellule. Elles n’ont jamais été retrouvées par les enquêteurs.

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