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La maison se trouve non loin de la forêt, au bout d'une allée arborée derrière un mur recouvert de lierre. C'est à Chaville, à l'ouest de Paris, que vit "très discrètement" depuis près de 30 ans Peter Handke, prix Nobel de littérature 2019.
Jeudi après-midi, l'écrivain autrichien a ouvert son portail à la petite foule de journalistes français, autrichiens et espagnols qui piétinaient depuis l'annonce du sacre par l'académie suédoise.
"Je suis surpris", "ému", a-t-il déclaré devant les caméras, expliquant qu'après avoir appris la nouvelle, il est parti marcher dans la forêt de Meudon pendant quatre heures. "C'était prévu", a-t-il simplement dit.
L'un des auteurs de langue allemande les plus lus dans le monde, dont les prises de positions pro-serbes pendant les guerres en ex-Yougoslavie ont suscité de violentes polémiques, vit depuis 1990 à Chaville, une petite commune de l'ouest parisien.
L'écrivain, dramaturge et traducteur, parle très bien français "mais il parle peu, vous savez", glisse en souriant un de ses voisins. "Il est très discret, un peu ombrageux, mais il se préserve beaucoup", dit-il à l'AFP. "Je pense que ce qu'il apprécie ici, c'est le côté isolé".
"C'est un grand baladeur", un "spécialiste des champignons", "on le croise souvent dans la forêt", raconte un autre voisin. "Quand je vois la lumière chez lui, ça m'encourage, ça donne des ondes positives", ajoute-t-il.
"Il vient en ville de temps en temps, mais très discrètement, on l'aperçoit à peine", confirme Jean-Jacques Guillet, maire de cette commune des Hauts-de-Seine depuis 2008. "Cette association d'une ville tranquille et d'un homme qui veut sa tranquillité, pour lui, c'est idéal".
- "hors du monde" -
"Je ne me sens pas isolé. De temps en temps, j'aime le bruit aussi, tout est une question de rythme", a déclaré jeudi l'auteur.
Cette commune résidentielle de quelque 20.000 habitants et ses environs, qu'il arpente à pied depuis des années, imprègne une partie de son oeuvre.
"La région toute entière m'est apparue comme une baie où nous jouerions le rôle d'objets échoués sur le rivage", écrit-il dans "Mon année dans la baie de Personne" (1994), un livre dans lequel il évoque longuement les lieux.
C'est "la plus reculée, la plus secrète, la moins accessible des baies donnant sur la mer de la capitale".
Au café La Rotonde, près de la gare du RER, on décrit "une personne agréable", qui "discute avec les clients". "Il vient de temps en temps", résume Alex derrière le comptoir, "acheter le journal", boire "un petit verre. Et il part".
"Il vit en dehors du monde. A Chaville, il ne voit personne", a déclaré à l'AFP Pierre Assouline, un des dix jurés de l'académie Goncourt, qui a salué, comme d'autres, l'attribution de ce prix à l'écrivain.
Ce choix a cependant indigné dans les Balkans et ailleurs, des voix d'écrivains s’élevant aussi pour s'offusquer de cette consécration offerte à un admirateur de Slobodan Milosevic.
Jeudi, M. Handke a déclaré qu'il se rendrait "bien sûr" à Stockholm pour recevoir le prix, récusant avoir une quelconque "position politique".
Interrogé sur le fait de savoir ce que le prix allait changer dans sa vie, l'auteur, aujourd'hui âgé de 76 ans, a répondu: "Il faut continuer comme si de rien n'était". "J'ai envie de continuer. J'ai encore des choses à raconter, à rythmer, à imaginer", a-t-il ajouté.