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"Cold cases": Me Herrmann et Seban, poils à gratter de la justice

Ils constituent les deux faces d'une même pièce. De l'affaire des "disparues de l'Yonne" à la disparition d'Estelle Mouzin, les avocats Corinne Herrmann et Didier Seban titillent depuis plus de 20 ans la justice, au service des familles de victimes de "cold cases".

Leur "long combat" pour "l'intérêt public de la justice" et des "justiciables" trouve, selon Me Seban, une "forme d'aboutissement" avec le lancement prévu, le 1er mars à Nanterre, du premier pôle judiciaire dédié aux crimes en série et non élucidés.

Ils l'appellent de leurs vœux depuis des années à ferrailler pour que ne soient pas définitivement enterrés les dossiers de leurs clients, en trouvant une piste non explorée, un scellé inexploité ou un témoin pas interrogé.

Puis en convainquant, parfois, le magistrat instructeur de diligenter ces actes d'enquête, "jusqu'à ce qu'il l'entende", selon Me Herrmann.

L'un de leurs clients, Éric Mouzin, papa d'Estelle disparue en 2003 et victime présumée de Michel Fourniret, va jusqu'à avancer auprès de l'AFP qu'ils se sont "substitués à l'inefficacité" des pouvoirs publics en matière de "cold cases".

-"Bras de fer"-

Corinne Herrmann, 60 ans, voit en partie leur travail comme un "bras de fer avec la justice".

"Le vrai sens de ce travail (...) c'est de combattre l'inertie de la justice ou des enquêteurs, et leurs convictions" développe-t-elle, revendiquant "un côté un peu emmerdeur".

"Quand on veut résoudre un crime, on a le droit à tout", abonde Didier Seban, 64 ans. "S'il faut demander à ce qu'on interroge 300 personnes, qu'on vérifie pour la 25e fois un scellé, on a le droit de le faire."

Dès lors, poursuit-il d'une voix posée tranchant avec le débit de sa collègue, l'indissociable binôme "est souvent aussi mal accueilli par la justice que les avocats des accusés, car on la met d'une certaine manière en accusation".

La justice, justement, du moins la juge d'instruction Sabine Kheris, les voit comme "un auxiliaire" et salue "leur volonté de participer à l'œuvre de justice pour le bien de tous".

"Ils sont pour moi la représentation exacte de l'image que devrait avoir tout avocat: celui du fier défenseur de la veuve et de l'orphelin", poursuit la juge.

C'est elle qui a repris en 2019 le dossier Estelle Mouzin, parvenant à faire avouer à Michel Fourniret (depuis décédé) son rôle dans la mort de la fillette, et qui va diriger le nouveau pôle.

L'une des autres grandes affaires médiatiques prises en main par Me Herrmann et Seban est celle des disparues de l'Yonne, dans laquelle Émile Louis (également décédé depuis) a été condamné en 2004 à la prison à perpétuité.

- "Par accident" -

Ils se sont justement rencontrés sur ce dossier, au début des années 2000, pour ne plus se quitter.

Elle travaillait déjà dessus, dans le cabinet de son oncle, à la suite d'une carrière de juriste en entreprise. Après avoir ouvert "par accident" la porte des "cold cases", elle ne l'a plus jamais refermée, vouant "sa vie aux victimes au détriment de la sienne" d'après Pierre Monnoir, président de l'Association des disparues de l'Yonne.

Didier Seban, ancien président du syndicat étudiant Unef, est alors spécialisé dans la défense des collectivités territoriales (toujours un pan de l'activité de son cabinet) après "avoir commencé (sa) carrière en défendant tous les truands de la terre".

"Le combat" pour ces jeunes disparues handicapées, délaissées par la justice, le convainc de retrouver ses premières amours, mais de l'autre côté.

Après plus de 20 ans de vie de couple professionnel, le tandem se vouvoie toujours mais "n'a même pas besoin de se parler" pour se comprendre, selon Pierre Monnoir.

Il fonctionne selon une répartition précise et complémentaire.

A Corinne Herrmann, qui "aurait aimé être archéologue", l'analyse en profondeur du dossier pour "aller chercher ce qui n'a pas été exploité".

A Didier Seban, "avocat dans l'âme" avec "une autorité et un charisme naturels" d'après Sabine Kheris, entre autres tâches les plaidoiries lors des procès. Nourri par les analyses en temps réel de Me Herrmann afin de "capter les contradictions" des grands criminels et les mener "à la faute".

Parmi les face-à-face aux assises qui ont marqué l'avocat, ceux avec "Émile Louis et la bête qu'il y avait en lui, (Michel) Fourniret qui me traite de petit avocat de merde, Jean-Paul Leconte (condamné à la perpétuité en 2005 et 2008 pour les meurtres de deux jeunes filles dans la Somme, ndlr) qui, dès que je tourne la tête, fait le signe de me la couper". Comme autant de preuves de leur pugnacité.

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