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Protéger les enfants dès maintenant: parmi ses propositions publiées jeudi, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) préconise que les médecins aient une obligation claire de signaler leurs soupçons et que toutes les victimes aient accès à des soins spécialisés en psychotrauma.
"L'urgence" est de venir en aide aux 160.000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles, selon la Ciivise, qui appelle à changer en profondeur le fonctionnement d'institutions pour construire une "culture de la protection".
"Nous notons l'importance du travail réalisé (...) par la Ciivise et la mobilisation qu'elle a su générer au sein de la société", a déclaré l'entourage du secrétaire d’État à l'Enfance, Adrien Taquet, qui a mis en place cette commission.
La Ciivise, dont les travaux commencés il y a un an continuent jusqu'en 2023, publie à mi-parcours ses "conclusions intermédiaires", avec vingt préconisations sur quatre axes: le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire des violences sexuelles, la réparation notamment par le soin et la prévention.
Médecin, enseignant, éducateur, juge des enfants: tout professionnel en lien avec l'enfant devrait lui poser la question de l'existence de violences sexuelles, sans attendre que l'enfant en parle de lui-même. Et les signaler en cas de soupçon.
La Ciivise recommande de "clarifier" l'obligation de signalement des médecins, actuellement imprécise.
"Il est important que les règles soient claires pour protéger les enfants et les médecins eux-mêmes: obligation de signalement. Et il faut protéger les médecins des poursuites disciplinaires", a indiqué le coprésident de la Ciivise, le juge des enfants Édouard Durand.
- Plaintes au conseil de l'ordre -
Car des médecins qui signalent maltraitances ou violences sexuelles sont parfois poursuivis par le parent agresseur devant le conseil de l'ordre des médecins.
Hasard du calendrier, le Conseil d’État a examiné jeudi le cas du Dr Eugénie Izard, une pédopsychiatre toulousaine condamnée par le conseil de l'ordre à une interdiction d'exercer pendant trois mois après avoir signalé des maltraitances sur une enfant de huit ans, après une plainte du père.
"Il faut que les médecins puissent signaler toute maltraitance en étant protégés des poursuites", a déclaré à l'AFP le Dr Izard.
Outre le secret médical et la proximité avec la famille, le risque de poursuites disciplinaires "inhibe" les médecins, qui ne sont à l'origine que de 5% des signalements pour maltraitances, relève le juge Durand.
Mais le conseil national de l'ordre a déclaré jeudi n'être "pas favorable" à une "obligation de signalement" pour les médecins.
Une fois les violences sexuelles repérées, "la justice doit se mettre à hauteur d'enfant", selon la Ciivise. Les auditions des enfants doivent avoir lieu dans des cadres bienveillants. Leurs enregistrements devraient être systématiquement visionnés par tous les magistrats au cours de la procédure.
- "Réalistes et réalisables" -
Alors que 70% des plaintes pour violences sexuelles infligées aux enfants sont classées sans suite, la Ciivise souhaite que ces décisions soient "expliquées verbalement à la victime" par le procureur de la République.
La société doit aussi garantir aux victimes des soins spécialisés en psychotrauma. S'ils sont reçus tôt, dans l'année qui suit le traumatisme, ils peuvent éviter l'installation ou l'aggravation d'un psychotraumatisme.
La Ciivise demande que la victime puisse faire appel de la décision pénale sur la culpabilité et la peine. Actuellement, en tant que partie civile, elle ne peut faire appel que sur les dommages et intérêts.
La commission réitère deux préconisations déjà faites en octobre: la suspension de plein droit de l'autorité parentale et du droit de visite d'un parent poursuivi pour inceste sur son enfant, et son retrait systématique en cas de condamnation.
"Nos préconisations sont réalistes et réalisables, elles peuvent être mises en œuvre rapidement et améliorer la protection: aller chercher les enfants en danger, lutter contre l'impunité des agresseurs et soigner les victimes", estime le coprésident de la Ciivise.
"L'ensemble de ces recommandations nécessite un travail approfondi avec les différentes parties prenantes pour dégager les réponses les plus appropriées et les plus efficaces à ce fléau qui touche toute la société", a réagi l'entourage de M. Taquet.
En un an de travaux, la Ciivise a reçu 11.400 témoignages. Et 150 personnes ont témoigné lors de six réunions publiques organisées à travers la France.